Six minuscules vaisseaux viennent d’être envoyés en orbite. Si le projet Breakthrough Starshot se concrétise, l’un d’entre eux atteindra Alpha Centauri.
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À l’heure où vous lisez ces lignes, six petits appareils se baladent en orbite en passant autour de la Terre. Baptisés “Sprites”, ils prennent la forme de petits cubes de 3,5 centimètres de côté, d’un poids de quelques grammes à peine. Si leur conception, qui rappelle vaguement un Raspberry Pi, semble évidente, il n’en est rien : comme leur cousin micro-ordinateur, ces micro-vaisseaux spatiaux ont nécessité une décennie de boulot pour devenir fonctionnels. À la faveur du rapetissement des composants électroniques, un appareil aussi petit et léger que le Sprite embarque désormais un panneau solaire, un gyroscope, un magnétomètre, une radio, une antenne et un micro-processeur. Pourquoi faire ? Pour devenir le premier objet humain à atteindre une autre étoile que le Soleil, notre voisine Alpha Centauri, à 4,3 années-lumière d’ici. Et si la mission fonctionne, nous pourrions bien être témoins indirects de l’événement.
Car tout l’intérêt de la mission Breakthrough Starshot réside dans le moyen de propulsion utilisé. Vous l’aurez sans doute deviné, le Sprite n’embarque pas de carburant avec lui. Une fois placé en orbite, le vaisseau déploiera une voile solaire, avant de subir la poussée d’un puissant rayon laser de 100 gigawatts émis par un parc d’antennes placées sur Terre. L’objectif : faire accélérer le vaisseau jusqu’à 20 % de la vitesse de la lumière, soit l’allure effarante de 59 000 kilomètres par seconde, suffisant pour effectuer un trajet Terre-Lune en 7 secondes. Dans l’espace, sans frottements pour le ralentir, le Sprite pourrait théoriquement atteindre Alpha du Centaure en une vingtaine d’années, si tant est qu’il parvienne à éviter absolument tous les obstacles qui pourraient se trouver sur sa route – à une vitesse pareille, toute collision serait nécessairement fatale à la mission.
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Plus vite, plus loin, plus fort
Annoncé l’année dernière par son principal mécène, le milliardaire russe Yuri Milner, Breakthrough Starshot est donc sur les bons rails. Ne nous enflammons pourtant pas, les difficultés techniques qui séparent le nano-vaisseau de sa destination sont colossales : outre l’obligation d’éviter jusqu’à la moindre particule flottant dans l’espace pendant plus de vingt ans, la question de la communication se pose lorsqu’on sait que New Horizons, pourtant dotée d’une antenne de deux mètres de diamètre, parvenait tout juste à communiquer avec la Terre lorsqu’elle se baladait au voisinage de Pluton. Enfin, le freinage n’étant pas à l’ordre du jour, notre première rencontre avec une étoile voisine se fera probablement à la manière d’un pilote de F1 tentant de vous saluer à la faveur d’un passage devant les gradins. Mais qu’importe : l’important est ailleurs.
Car Breakthrough Starshot est avant toute chose le grand oral d’une technologie, la voile solaire, qu’une bonne partie de la communauté scientifique (et Stephen Hawking) veut désespérément voir fonctionner depuis la fin des années 1980. Hier encore apanage des auteurs de SF (oui, Bernard Werber, c’est à ton Papillon des étoiles que je pense), la propulsion par laser, photons ou micro-ondes est aujourd’hui très sérieusement étudiée par les différentes agences spatiales dans un contexte de raréfaction des combustibles fossiles. Avec un budget de 100 millions de dollars, Breakthrough Starshot ne peut décemment envisager une véritable mission interstellaire, mais si l’un de ses Sprites parvient effectivement à sortir du système solaire, sans même atteindre Alpha Centauri, la technologie bénéficierait d’un regain de crédibilité formidable. À l’heure actuelle, un seul objet humain a dépassé les frontières de notre système : la sonde Voyager 1 de la Nasa, qui a accompli l’exploit en 2013. Elle avait entrepris son expédition en… 1977. Avec un peu de chance, elle pourrait un jour voir un minuscule moucheron de métal la dépasser sans prévenir, fonçant tout droit vers Alpha du Centaure.
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