Comme Lætitia Dosch ou Karim Leklou, Nina Meurisse est nommée dans la catégorie Meilleur espoir (féminin) pour le biopic Camille, alors qu’elle a de nombreux films à son actif. Une Vie de Stéphane Brizé, Place publique et Au bout du conte d’Agnès Jaoui, L’Effet aquatique de Sólveig Anspach ou encore Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador : à 31 ans, la comédienne lumineuse et sans chichi affiche une filmographie extra-large dont le film Camille pourrait effectivement traduire le talent.
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Le nouveau film de Boris Lojkine retrace le destin tragique de la photoreporter Camille Lepage, tuée le 12 mai 2014 sur la route d’un reportage près de la frontière camerounaise. Pour l’incarner, l’actrice trentenaire a appris la photographie sous la houlette des professionnels de l’AFP avant de s’envoler pour la Centrafrique pour vivre un tournage démesuré, dans la joie comme dans la difficulté :
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“On nous avait tellement préparés à un tournage chaotique et compliqué. Les techniciens ne voulaient pas y aller et la production était très alarmiste à cause des indications du site de l’ambassade, car c’est tout de même un pays en guerre.
Nous étions très encadrés militairement et je n’ai jamais eu peur. Je redoutais les scènes de manifestations car nous étions avec des gens qui ont vraiment vécu cela, mais ils semblaient contents de reprendre le pouvoir.
ll n’y avait pas le confort d’un tournage habituel et je suis tombée malade pendant un mois donc il y avait beaucoup de difficultés physiques mais en même temps c’est ce qu’a vécu Camille. J’étais ravie de me mettre dans les conditions, c’est ce qui pouvait le plus m’aider.”
Après un travail de recherches minutieux avec le réalisateur, Nina Meurisse peut se targuer d’avoir réussi à dépeindre aussi bien cette jeune héroïne aujourd’hui défunte, grâce à de nombreux entretiens avec ses proches, de sa famille à ses amis en passant par ses collègues. En s’inquiétant de savoir ce qu’elle portait en boîte de nuit, de la musique qu’elle écoutait et de ses bijoux de prédilection, l’actrice s’est imprégné de la vie Camille.
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Si aujourd’hui elle s’apprête à décrocher son premier César, Nina Meurisse a débuté le cinéma à l’âge de 10 ans lorsque débarque une directrice de casting dans sa classe, à la recherche de 250 figurantes pour jouer dans Saint Cyr de Patricia Mazuy.
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Progressivement, elle se fait rappeler pour passer des castings plus conséquents et finit par décrocher un rôle principal dans ce film d’époque. Pour elle, c’est le rêve : après avoir manqué l’école pendant deux mois, la graine de star est reçue au Festival de Cannes pour représenter le film sélectionné pour Un Certain Regard.
“C’est parce que quelqu’un me raconte une histoire que je m’y intéresse”
Malgré les demandes des agents pour développer sa carrière, ses parents étaient réticents à l’idée que leur fille court les castings, “si jeune”. Nina Meurisse a donc poursuivi l’école avec des horaires aménagés, avec cours le matin et musique l’après-midi. Piano, guitare, harpe : la Caennaise délaisse la musique et opte ensuite pour un bac économique avec mention assez bien.
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À 16 ans, la lycéenne férue de culture est de nouveau approchée par un agent. Cette fois, ses parents lui donnent leur feu vert, avec une seule condition : être actrice, c’est un vrai métier et il va falloir l’apprendre. En semaine dans son lycée normand, Nina Meurisse passe le week-end à Paris dans un Conservatoire pour s’initier au théâtre.
Culpabilisant de ne pas avoir fait d’études supérieures, la comédienne s’imaginait bien à la Fémis ou à Louis Lumière, pour étudier la photographie, devenir chef-opératrice et en apprendre plus sur l’art du cadre :
“Je trouve que ça aide beaucoup d’avoir un vrai bagage culturel, ça fait des bases solides pour le travail. Il y a six ans, hyper sur le tard, j’ai repris les cours dans une fac de cinéma à Saint-Denis. J’adore la transmission mais j’ai du mal toute seule à ouvrir des bouquins. J’ai beaucoup de livres sur le cinéma, mais j’aime aussi entendre des histoires passionnantes : c’est parce que quelqu’un me raconte une histoire que je m’y intéresse.”
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Mais les propositions la rattrapent et elle finit par abandonner l’université pour se consacrer à sa carrière d’actrice. Nina Meurisse est approchée par l’actrice Agnès Jaoui et commence à se faire une place dans le cinéma d’auteur. Si Crawl d’Hervé Lasgouttes compte beaucoup pour elle, notamment parce qu’elle y fait la connaissance de Swann Arlaud (Petit Paysan), c’est Une Vie de Stéphane Brizé qui la propulse un peu plus sur le devant de la scène :
“Je suis arrivée sur son film pour remplacer une comédienne. Il ne voulait pas d’actrice au début. Ce film est un peu spécial pour moi car je n’ai pas eu de préparation ni le droit de lire le scénario. C’était très déroutant et cela allait à l’encontre de ce que j’avais l’habitude de faire.
Mais la zone de confort ne m’intéresse pas trop dans le travail. Il y a des metteurs en scène qui font des propositions, et même si ça ne marche pas, au moins il y a des tentatives d’aller là où on n’a pas l’habitude d’aller. Justement, Stéphane Brizé met en branle.”
Cet exercice inopiné l’a donc fortement aidée sur le tournage de Camille, où il fallait apprendre à lâcher prise :
“Je savais que le texte ne serait pas respecté. Personne ne joue son propre rôle mais on se trouve dans le pays avec des gens qui ont vraiment vécu cette réalité. Le lâcher-prise était donc quelque chose de nécessaire. Je n’avais pas peur du fait qu’elle soit morte mais c’était une vraie pression de me dire que la famille et les amis avaient beaucoup d’attentes. Il fallait faire attention à être hyper respectueux, et en même temps nous étions dans une démarche où il fallait raconter ce qu’il s’était passé en allant au plus près. C’était hyper excitant. “
Pour Nina Meurisse et l’équipe de Camille, ce merveilleux voyage prendra donc fin ce vendredi, avec pour dernière étape, une récompense espérée aux César.