Konbini a tenté de découvrir quelles étaient les habitudes de “consommation” des spectatrices de ce genre de films, qu’on assimile majoritairement aux hommes.
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Menée récemment par Marie Claire dans le cadre d’un dossier sur les habitudes des femmes vis-à-vis de la pornographie, une enquête montre que les films pornographiques sont loin d’être regardés uniquement par des hommes. Les femmes aussi en sont des consommatrices.
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Chaque seconde, ce sont 22 258 internautes qui regardent du porno, et un tiers d’entre eux sont des femmes. En 2015, PornHub, qui propose régulièrement des sondages en vue d’améliorer son service (qui, lui, ne connaît pas la crise), déclarait que les utilisatrices formaient 24 % de son audience.
Les femmes constituent donc un public émergent dans l’univers du porno, qu’il serait dommage de négliger. Face à ces chiffres, Konbini a récolté les témoignages de ces jeunes filles qui ont grandi avec Internet et accédé ainsi à une infinité de contenus sexuels et pornographiques.
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Toute toute première fois
Dans son documentaire À quoi rêvent les jeunes filles ?, Ovidie, ancienne actrice X française et désormais réalisatrice de films, a essayé de savoir si le porno avait permis une libération des mœurs du côté des femmes. En introduction, elle parle de la révolution sexuelle qui est arrivée, il y a une quarantaine d’années.
Les jeunes femmes de la génération Y ont vu la naissance d’Internet, elles ont grandi dans un environnement propice à la libération sexuelle. Selon Ovidie, aujourd’hui, les codes du porno sont utilisés partout. On pourrait penser que ce qui était tabou autrefois, à savoir le plaisir et le désir féminin, ne le serait plus de nos jours, or c’est toujours le cas.
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On le comprend très vite en écoutant les propos des jeunes filles qui ont accepté de nous en parler. Deux d’entre elles ont vivement souhaité garder leur anonymat. Assumer que l’on regarde du porno quand on est une fille n’est toujours pas chose courante. Outre le fait que certaines jeunes femmes refusent de témoigner, on constate que leurs premières expériences avec le porno se rejoignent sur un point important : toutes, ou presque, ont éprouvé de la honte.
Bénédicte, 21 ans, est originaire de Reims et a déménagé dans une autre ville pour ses études. Elle avoue avoir découvert le porno à 13 ou 14 ans. Si pour elle, regarder des films X relevait plus de la curiosité et révèle un certain besoin de se rassurer sur sa sexualité, elle reconnaît avoir ressenti une grande gêne le jour où ses parents l’ont découvert.
“Je n’ai pris du plaisir à regarder du porno que lorsque j’ai commencé à utiliser la navigation privée, je devais avoir 17 ans,” explique-t-elle. L’éducation et le rapport avec le porno des parents de la génération Y sont très différents. Le porno est perçu comme quelque chose de grave, de dégradant et, pour les parents, c’est mal d’en regarder. Se cacher renforce ce processus de culpabilisation et justifie la honte que peuvent éprouver les adolescentes (comme les adolescents d’ailleurs dans ce cas précis) face au porno.
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Lisa, qui voudrait devenir institutrice, a 22 ans et vit à Lille. Elle explique que le visionnage de films pornographiques est, pour elle, relativement récent :
“Jusqu’à mes 20 ans, cela me dégoûtait. Je suis allée en regarder après en avoir discuté avec une amie, mais je ne me souviens plus exactement de la catégorie, ni du site où j’en ai vu.”
Pour Andréa, 20 ans, en master culturel à Dijon, c’est la même chanson :
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“J’étais en couple, j’avais 16 ans. On avait regardé une parodie pornographique d’un film célèbre ensemble, mais on était tous les deux très mal à l’aise. Et quand j’en ai regardé seule plus tard, j’ai eu l’impression de faire quelque chose de dégradant envers moi-même.”
Dans une société où elles sont entourées en permanence d’images tendancieuses et sexuelles, ces jeunes consommatrices ont pourtant eu du mal, à leur adolescence, à accepter la pornographie. L’éducation et la façon dont la femme est perçue de manière globale dans la culture occidentale y est pour quelque chose. Longtemps, on a cru que ressentir du désir était l’apanage des hommes.
Des habitudes et des préférences très diverses
Le porno, c’est comme les goûts et les couleurs, chacune a ses préférences. En fac de lettres à Bordeaux, Héloïse, 20 ans, se définit “pansexuelle et bi romantique” : elle peut tomber amoureuse et avoir du désir pour tous les genres et tous les sexes. Si elle n’en regarde plus depuis deux ans, elle confie n’avoir jamais adhéré au porno hétérosexuel :
“Je préférais regarder du porno gay ou lesbien. J’ai toujours cherché la meilleure qualité possible et je privilégiais l’érotisme au vulgaire. En même temps, j’aimais aussi les scènes BDSM, mais seulement entre deux filles. J’adorais cette relation dominante-dominée, cela m’a toujours excitée.”
Bénédicte, qui est hétérosexuelle, favorise le lesbien, les threesome (plan à trois) et aussi les films tagués “woman friendly”. Ce genre de vidéos met en scène des relations plus “soft”, en général plus esthétiques et se veulent plus romantiques.
Mona, âgée de 22 ans, se dit totalement désintéressée par cette dernière catégorie. Domiciliée au Royaume-Uni avec petit copain, elle explique : “Je ne recherche pas des gens beaux qui font l’amour avec une jolie lumière quand je me masturbe, je suis plutôt dans le porno un peu pervers.” Pour les tags, elle avoue son penchant pour le bondage, les films lesbiens et les relations jeunes/vieux.
“Quand je le fais, c’est pour jouir plus vite, efficacement.”
Bénédicte se masturbe plusieurs fois par semaine depuis qu’elle ne vit plus chez ses parents. Engagée dans une relation à distance, elle confirme avoir des besoins sexuels “assez importants” et que le porno lui permet “de se détendre et de tenter des nouveaux trucs avec [son] partenaire.” De son côté, Mona, elle, se masturbe tous les jours et systématiquement avec du porno :
“Le porno m’a ouvert l’esprit. Je me sens moins bizarre dans mes goûts et mes fantasmes. Il y a des tas d’aspects de la sexualité à explorer pour mieux se connaître.”
Héloïse, quand elle était célibataire, consommait du porno comme un moyen de calmer sa frustration sexuelle, elle raconte ce qui a changé aujourd’hui :
“J’ai une vie sexuelle active maintenant, et j’ai la chance de pouvoir expérimenter tout ce qui m’attire en matière de sexe, alors je ne ressens plus le besoin de regarder du porno comme avant. Ou alors ce sont les hormones qui se sont calmées !”
Lisa consomme moins de films X que Mona mais le fait régulièrement : “J’en regarde moins depuis que je suis en couple. Mais quand je le fais, c’est pour voir de belles femmes et jouir plus vite, et efficacement.” Pour beaucoup, le porno permet d’accéder à l’orgasme plus rapidement et sans grand efforts. Bénédicte avoue par ailleurs être “déjà excitée avant même de lancer un porno. C’est juste un outil qui me permet de me satisfaire.”
Encore un tabou, alors ?
La plupart des filles qui ont accepté de partager leur expérience, ne parlent pas beaucoup de pornographie avec leur entourage. Paradoxalement, aucune n’affirme avoir honte d’en regarder et ce, de manière très régulière.
Au sein du couple, certaines vont partager leur “coups de cœur” avec leur conjoint, d’autres préfèrent garder cela pour elle-mêmes, estimant qu’il s’agit de leur jardin secret. Le petit ami de Mona est au courant qu’elle se masturbe et qu’elle visionne du porno, et selon elle, il n’y voit aucun problème : “On pense que la masturbation est quelque chose de personnel et que ça n’a rien à voir avec l’attrait que l’on a pour l’autre.”
Lisa en discute de temps à autres avec des amies proches mais précise “ne pas rentrer dans les détails non plus.” Mona aborde le sujet uniquement avec des amies, filles donc, qu’elle estime ouverte d’esprit. Bénédicte, de son côté, se confie à des copains garçons uniquement, en qui elle a confiance. Elle trouve qu’ils se posent moins de questions que les filles, et dit ne pas se sentir jugée auprès d’eux :
“Aujourd’hui, une fille qui regarde du porno peut être perçue comme une pute. On dirait qu’elle n’ont pas le droit d’aimer le sexe.”
Andréa, au contraire, aime en parler librement et l’assument pleinement mais émet une certaine réserve : “Je peux ressentir de la gêne face à l’industrie de la pornographie en général. J’ai un avis mitigé sur la question de la condition de la femme dans ce genre de film.” Une condition perçue souvent comme dégradante et qui autorise des dérives, comme le pense Héloïse, qui expose sa position sur le sujet :
“J’ai l’impression que ce qu’on voit dans les pornos est une base importante du sexisme généralisé. Le harcèlement par exemple : dans une vidéo X, une fille se fait aborder dans la rue et elle va sucer un type derrière un bosquet sauf que dans la vraie vie, ça ne marche pas comme ça.”
Lisa n’apprécie pas certaines pratiques, parce qu’elle estime qu’elles véhiculent des clichés graves et sexistes :
“On est dans une société qui banalise le sexe et je sais que ça me choquait quand j’étais plus jeune, et même encore maintenant, lorsque je tombe sur des pubs où la femme a du sperme sur le visage par exemple. Cela peut amener à des complexes et c’est ça qui me dérange le plus.”
Tout en partageant son point de vue, Andréa ne juge pas féminisme et pornographie irréconciliables. Au contraire, ce tandem pourrait redéfinir une nouvelle façon d’aborder la sexualité :
“Je trouve cela important parce que le bon porno peut te faire prendre conscience de ton corps et de ta sexualité. Je suis complètement pour la pornographie en soi, mais j’aimerais que les pratiques changent, que les rapports de domination hommes-femmes montrés dans le porno cessent.”