Phallaina est la première “bande défilée”, une BD qui ne se feuillette pas, mais se “scrolle” à l’horizontale sur tablette. Une initiative à l’avant-garde du neuvième art.
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Même si vous n’en lisez pas, vous connaissez forcément le principe de lecture des bandes dessinées : la plupart du temps, le lecteur parcourt la page de gauche à droite et de bas en haut, se laissant guider au gré des bulles et des onomatopées jusqu’au bord en bas, à droite. Avant de recommencer page suivante. Avec Internet, le principe a encore su évoluer : avec le scroll, ce défilement de l’écran de bas en haut, l’auteur de BD s’emparait d’une nouvelle source de création et de surprise pour le lecteur.
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Or, présenté à Angoulême, Phallaina est sans doute le premier projet de roman graphique vraiment adapté à une lecture digitale. La preuve : pour l’occasion, ses géniteurs le décrivent comme la première “bande défilée”. Phallaina a été créée pour être lue sur une tablette ou une phablette, et se trouve en téléchargement gratuit sur l’App store et Google Play. Après tout, la tablette est un nouvel horizon logique : l’année dernière, d’après Médiamétrie, 36,2 % des foyers français en possédaient une, soit une augmentation de 3,6 points par rapport à 2014.
À défaut de feuilleter des pages, le lecteur doit alors scroller horizontalement pour découvrir l’histoire d’Audrey, jeune fille qui serait tout à fait comme les autres si elle n’avait pas ces crises hallucinatoires qui lui font apparaître des baleines devant les yeux.
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Celle qui signe cette œuvre, c’est Marietta Ren, jeune auteure de 31 ans résidant à Paris. Étudiante à l’école des Gobelins jusqu’en 2007, elle a travaillé sur plusieurs séries et films d’animation (dont le très primé Ernest et Célestine et, récemment, Avril et le monde truqué) avant de proposer ce projet original au studio Smallbang.
La division Nouvelles écritures de France Télévisions s’est alors greffée au processus de production.
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“Comme une réalisatrice”
Un rien iconoclaste, Marietta Ren n’en est pas à son premier effort d’aventurière graphique, à la lisière de la bande dessinée et d’autres disciplines : elle avait déjà sorti en 2010 Je suis deux, un “livre d’illustration avec prose”, écrit à quatre mains avec Eugény Couture, chez Ankama. Mais avec Phallaina, elle fait complètement voler en éclat les codes de la BD à papa.
Tout d’abord par son aspect collectif : sur les presque cinq ans qu’ont nécessité le développement de ce projet, elle estime avoir davantage travaillé “comme une réalisatrice”, à la tête d’une équipe, que comme une auteure de BD. Exit la figure romantique de l’artiste solitaire, courbée sur ses planches, qui finit par entretenir des conversations avec sa table à dessin.
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C’est aussi la longueur du récit qui frappe : Phallaina s’étire sur 1 600 écrans mis bout à bout, soit une heure à une heure trente de lecture. Pour une histoire dessinée, c’est considérable : “si on la sortait en BD traditionnelle, sur 16 centimètres de hauteur, l’histoire mesurerait… 320 mètres de pages”, s’amuse-t-elle.
Au-delà de sa longueur colossale, Phallaina n’est définitivement pas une histoire pensée pour le papier : lors de sa lecture, des effets de parallaxe donnent de la profondeur aux tableaux, afin de favoriser la sensation d’immersion. L’équipe a également fait appel à un sound designer, qui a ponctué d’ambiances sonores des moments-clés du récit, confirmant encore un peu plus l’aspect hybride de cette œuvre.
BD, cinéma… ou autre chose ?
“À l’inverse du scroll vertical, le scroll horizontal est plus proche d’un panoramique qui permet des cadrages cinématographiques, et donc plus proche de la vue humaine”, ajoute l’auteure, loin de se positionner en ayatollah de la vieille école. Et tant pis s’il faut ruser et faire appel à des “astuces graphiques” pour faire progresser l’histoire tout en évitant le système de cases, cher à ces bons vieux Lucky Luke ou Dragon Ball.
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Musique ? Profondeur de champ ? Transitions de plans et cadres ouverts ? Au fond, Phallaina ne relève-t-il pas davantage du domaine du cinéma que de celui du neuvième art ? Marietta Ren n’a pas de réponse toute faite :
“Il y a des bulles, une histoire, donc oui, en gros c’est de la BD. Mais le case par case, le page par page de la BD traditionnelle disparaissent. Les lecteurs peuvent appeler cela comme ils veulent, pour moi c’est une BD numérique expérimentale.”
Cette BD numérique expérimentale Phallaina se télécharge donc sur Google Play ou l’App Store. Mais elle a également dévoilé une partie de son récit sous forme physique, au festival d’Angoulême, à travers une fresque de 115 mètres de longueur, accompagnée d’une bande sonore “géosituée”. Ce dispositif sera reproduit lors du Pulp Festival, événement qui explore la place de la bande dessinée dans le champ artistique et qui se tiendra à la ferme du Buisson de Marne-la-Vallée (Île-de-France), du 8 au 10 avril 2016.
Ça vous a plu ? Pour explorer un peu plus l’univers de Marietta Ren, rendez-vous sur son site Internet.