“Novembre” est l’une des meilleures parties de Rien, EP issu d’un bel accouchement d’Odezenne en mai 2014. Depuis, les années sont passées, le groupe a fait son bout de chemin, incarnant une valeur précieuse de la musique française, un ovni hybride naviguant entre textes bruts et électro profonde. Un orchestre volant à l’identité forte mais aux frontières non-identifiables qui a atterri, le 11 novembre 2015, en Allemagne, Dolziger Str. 2 précisément, pour donner vie à un dernier projet que nous vous présentions juste ici. En est extrait “Souffle Le Vent” et son clip brut et sincère, qui vous donne un bon aperçu de ce qu’ont pu vivre Alix, Jacques et Mattia dans le périple de ce deuxième album.
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Aujourd’hui, Odezenne revient avec le clip de “Novembre”, un titre plus ancien mais qui colle parfaitement à l’actualité qui retourne les rues françaises, sur fond de manifestations avec, à la surface, des heurts entre gouvernement et enfants de sa société. Réalisée par Jérôme Clément-Wilz, la vidéo illustre ce morceau de la meilleure des manières, avec des images tournées au plus près de l’action. Un documentaire à regarder juste ici, en avant-première sur Konbini. Et comme le rappelle le groupe :
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“C’est avec les ambitions qu’on attrape le financier…”
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Quelques questions à…
Jérôme Clément-Wilz, réalisateur et documentariste :
Konbini | Comment en es-tu arrivé à tourner un clip pour Odezenne ? De la rencontre au final cut, raconte-nous.
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Jérôme Clément-Wilz | Alix [qui chante sur le morceau, ndlr] m’a contacté parce qu’il s’intéressait à mon travail documentaire, alors que je couvrais Nuit debout pour un projet de film. Il a trouvé que ça résonnait fortement avec “Novembre”, et on a donc lancé l’aventure. J’ai ensuite été laissé libre de suivre mon instinct à travers le mouvement.
Avec de vraies images captées lors des manifs et affrontements actuels. Raconte-nous l’histoire du tournage, et le concept de ce clip-docu.
J’ai tourné, à Paris et Rennes, autour du moment où le gouvernement a dégainé le 49.3. L’idée était de montrer le combat de David contre Goliath, et à quel point l’État se sent le besoin, pour se maintenir, d’un déploiement important de son appareil policier. L’idée était également de faire ressentir l’entrechoc des corps au quotidien, l’idée que tout effort pour le libérer, pour marcher dans la ville, est contrecarré par les forces de l’ordre. Il y a donc une certaine mélancolie dans ce clip.
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Tout s’est passé comme prévu ?
Tout s’est passé comme prévu, à part que je ne pensais pas arriver si près de l’Assemblée Nationale ! L’image était forte : des députés obligés de se protéger derrière des remparts bleu-marine.
Pour sa part, le montage s’est fait pour le moins étonnamment : il se trouve aussi que j’ai été hospitalisé après le tournage. Ce clip a donc été monté dans la cafétéria de l’hôpital, alors que je faisais des allers-retours avec ma chambre !
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Parle-moi du dernier plan, après le cut au noir, qui a ici toute son importance.
Il faut savoir que chaque fois que la police ou les gendarmes vident un lieu, la Propreté de Paris (le service de nettoyage de la mairie de Paris) passe systématiquement après eux, sous leur protection, pour vider les lieux, actant ainsi encore plus violemment une expulsion. Ils jettent les tentes dans des bennes, les banderoles, les matelas… Ce sont de simples fonctionnaires (comme les forces de l’ordre d’ailleurs), mais leur rôle est crucial dans le démantèlement de tout effort de construction et de pérennisation.
Alix, d’Odezenne | Pour moi qui n’était pas dans la rue au quotidien, ce dernier plan après le noir est plus métaphorique. Il pose la question de “l’après”, aussi bien qu’il illustre un genre de mécanique immuable de destruction des utopies.
Alix, membre d’Odezenne :
Konbini | Raconte-moi votre rencontre avec Jérôme Clément-Wilz, et la naissance de l’idée.
Alix | Un soir je trainais sur Arte et je suis tombé sur un film fou. Y avait un mec à l’écran, qui semblait déguisé en cheval, et un autre qui le dressait. Il lui faisait faire des tours dans un genre d’enclos, un manège. Cette scène a capté mon attention, j’étais scotché jusqu’à la fin. Je trouvais le travail remarquable parce que ça allait beaucoup plus loin que la description d’une pratique sexuelle, le film questionnait la société. Sur la notion de liberté, du regard des autres et de la capacité finalement à devenir soi-même.
Bref, j’ai sauté sur un clavier après la diffusion pour voir qui se cachait derrière Être cheval et j’ai découvert Jérome. Trois mois après, on buvait un whisky à Paris.
Comment est née l’idée de ce clip-docu ?
Quand il est arrivé sur la terrasse où on s’était donné rendez-vous, il s’est pointé et a posé son masque à gaz sur la table. À deux rues, la place de la République était noire de monde, il y avait un parfum de révolte dans l’air à ce moment-là dans tout le quartier, c’était palpable. Assez rapidement je lui ai parlé de mon envie de rencontrer le réel avec nos chansons et l’idée de confronter le format clip au format documentaire est arrivé très vite entre nous.
Jérôme Clément-Wilz | Oui, cette idée est venue à deux et vient bel et bien d’une rencontre : celle de mon désir de renouveler ma pratique, et celle de Odezenne de trouver une nouvelle forme pour ses clips.
Pourquoi avoir choisi de clipper “Novembre” aujourd’hui, l’un des titres phares de l’EP Rien et même de votre carrière jusqu’à maintenant.
C’est pas vraiment un choix, on a la chance d’être complètement libres dans nos décisions et on n’a jamais considéré les clips comme des outils de promotion mais plutôt comme des terrains de jeu créatif. Alors même si invariablement, une vidéo met un coup de projecteur sur une track, c’est jamais un truc qui pèse dans la balance pour nos choix, plus une conséquence. Bref, toujours est-il que c’est “Novembre” parce que ça nous a sauté aux yeux ce jour-là, parce que cette rencontre, parce que ce moment, parce que Jérôme couvrait déjà Nuit debout… un mélange de tout ça en fait, le hasard finalement.
Odezenne sera au festival Garorock à Marmande le samedi 2 juillet 2016, au festival gratuit Fnac Live à Paris le 21 juillet, et à l’Élysée Montmartre à Paris le 17 novembre grâce à leur concept de concerts à la demande des fans qui les emmènera selon les suggestions à Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Montréal, New York, Londres, Genève ou Bruxelles.