Difficile de la faire rentrer dans une case. Du haut de ses 30 ans, Noémie Merlant est passée par le mannequinat, la comédie et la réalisation. Aujourd’hui, c’est pour son rôle de Marie de Heredia dans Curiosa qu’on la rencontre enfin. Elle incarne à l’écran la muse du photographe, poète et don Juan Pierre Louÿs, joué par Niels Schneider.
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Il y a quelques mois, elle était la tête d’affiche des Drapeaux de papier de Nathan Ambrosioni, un cinéaste de 19 ans qui n’est pas sans nous rappeler Xavier Dolan. La légende raconte que pour son premier film, le jeune cinéaste voulait cette actrice et pas une autre. A-t-il été frappé par son charisme ? Son hyperproductivité ? Sa beauté ? Noémie Merlant a plus d’un atout dans son jeu.
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À son tableau de chasse ? Des collabs avec Kim Chapiron et Mélanie Laurent, une première nomination aux César pour Le ciel attendra et au total une petite vingtaine de films à son actif, ainsi que des courts-métrages et des clips. Retour sur son parcours aussi divers qu’efficace.
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Petite, comme beaucoup de futures comédiennes, elle est du genre créative : en famille, elle enrôle ses cousins et cousines pour monter ses spectacles, et invente des chorégraphies et des chansons en recyclant les costumes de son école de danse. Son père, la voyant se diriger vers une école de commerce, comme tant de bacheliers éco, l’incite à tenter sa chance au cours Florent :
“Parfois on fait un peu des choses sans savoir pourquoi. Ce que je trouve bien, c’est que mon père a voulu que je trouve un sens à ma vie. Il m’a dit qu’il s’était renseigné sur les cours Florent et m’a proposé de monter sur Paris. Je pense qu’il s’est souvenu que je faisais des spectacles, que je rêvais tout le temps et il s’est dit que j’avais une place à trouver là-dedans. Je l’ai écouté et j’y suis allée. Je me suis sentie tellement en vie sur un plateau, à incarner l’autre. J’avais trouvé ma vocation, c’était une révolution.”
Après avoir passé son enfance et son adolescence à Rezé, à côté de Nantes, la future comédienne pose ses valises dans la capitale et se lance dans le mannequinat pour arrondir ses fins de mois. Cette expérience lui permet de voyager et d’apprendre l’anglais, tout en gardant du temps libre pour bosser ses textes et profiter de ses quatre ans au cours Florent. Elle s’épanouissait sur scène, mais elle a mis quelque temps à trouver sa place en tant que personne, se sentant un peu dépassée par ce nouvel univers artistique :
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“Je ne me suis pas sentie très à l’aise en arrivant au cours Florent. Je me suis même sentie très inculte. Vraiment. Je ne connaissais pas le théâtre, je n’y étais jamais allée de ma vie. J’en avais vaguement entendu parler à l’école mais je ne connaissais rien, je n’avais pas de références. Donc au début c’était un peu dur. J’étais impressionnée. Et puis ma personnalité n’était pas très marquée, je ne savais pas ce que je voulais. Tout le monde était assez à l’aise dans la vie, tandis que moi j’étais plutôt réservée, sauf sur le plateau.”
Peu à peu, grâce aux exercices de ses professeurs inspirants, elle finit par se trouver. Alors qu’à l’école elle était capable de voir dans quel type de rôle elle pourrait exceller, elle préfère aujourd’hui prendre des risques et sortir de sa zone de confort. Habituée aux rôles dramatiques, on lui collait souvent l’étiquette de la jeune première ou de la petite bourgeoise. À la fin de son cursus, elle décroche un rôle d’ado rebelle dans Les Héritiers, la preuve qu’elle a compris qu’une bonne actrice est capable de s’illustrer là où on ne l’attend pas.
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Pour ce film, l’équipe cherchait d’ailleurs une fille de 15 à 16 ans. Noémie Merlant avait déjà tourné L’Orpheline avec en plus un bras en moins (qui lui avait valu d’être présélectionnée au César du meilleur espoir féminin) et affichait dix ans de plus que le rôle recherché.
“J’hésitais à y aller car l’équipe cherchait une fille plus jeune. J’avais 25 ans, ça faisait cinq ans que je n’avais pas bossé et quand je me suis retrouvée sur place, il y avait une quinzaine de jeunes qui avaient 15 ou 16 ans. Il n’y avait pas de texte à apprendre, donc il fallait improviser. Eux, ils étaient tous super à l’aise, contrairement à moi qui ne savais pas quoi dire. Malgré tout, on a demandé à me revoir en callback et ça a marché”.
Après de brèves apparitions à la télé ou dans des clips (comme celui de “Aficionado” des BB Brunes), l’actrice multiplie les projets jusqu’à ce qu’elle retrouve Marie-Castille Mention-Schaar pour Le ciel attendra, qui la propulse définitivement au sein de la petite famille du cinéma français.
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Bientôt, elle retrouvera Marie-Castille Mention-Schaar, jouera une jeune femme objectophile amoureuse d’un manège dans un premier long-métrage où elle donnera la réplique à Emmanuelle Bercot, et s’illustrera devant la caméra de Céline Sciamma dans Portrait de la jeune fille en feu.
Mais l’autre talent de la comédienne, c’est d’avoir eu l’audace de passer très jeune derrière la caméra :
“La réal, ça m’est venu vers 20 ans. J’ai eu une envie, mais d’abord c’était des histoires. À force de baigner dans cet univers, entre les castings et les scénarios, je passais mon temps à m’inventer des histoires dans ma tête. J’écrivais plein de petits bouts d’histoire. Un jour j’ai compris que je ne terminais jamais mes récits et j’ai fini par prendre confiance en moi, grâce à des rencontres, pour finalement me lancer dans le court-métrage. “
Elle marque alors les esprits avec un court-métrage pour le festival Nikon, célèbre pour démocratiser le cinéma et encourager les réalisateurs en herbe à s’exprimer (en respectant tout de même un thème et une limite de temps de 120 secondes). Elle écrit et réalise #Jesuisunebiche en offrant le rôle principal à Sanda Codreanu, aka #Ninalabiche sur Snapchat. Cette dernière joue l’une de ces filles qui fait pitié avec ses stories postées toutes les deux minutes pour attirer l’attention, faire le plus de vues possible et être reconnue à chaque fois qu’elle met un pied dehors.
Forte de ce succès, elle prépare aujourd’hui un nouveau court-métrage d’une trentaine de minutes sur des personnes de la communauté rom, qu’elle a rencontrées il y a deux ans grâce à des associations :
“Avec une famille avec qui je suis devenue proche, j’ai eu envie de faire une fiction, pas un documentaire. Je suis une jeune fille rom de 17 ans qui habite en bidonville à Paris, qui cherche désespérément à s’insérer mais qui va prendre un mauvais chemin puisqu’elle est dans la misère. J’interroge aussi leur rapport aux traditions et à la culture individualiste à travers une histoire d’amour. Toujours l’amour [rires].”
Si elle se sent actrice avant d’être cinéaste, cette hyperactive s’avoue rassurée d’avoir plusieurs moyens d’expressions, pour montrer des choses qui la touchent, sans être au service d’un réalisateur ou d’une vision. Ce sont ses mots, et c’est sûrement le début d’une émancipation. Espérons que tout roule pour elle, car le cinéma français souffre d’un manque de jeunes réalisatrices engagées.