Bon, on préfère vous prévenir tout de go, il y a très peu de chances – on n’est jamais à l’abri d’une erreur humaine – que vous trouviez quoi que ce soit de réellement inédit dans l’immense volume de documents déclassifiés que la CIA vient de mettre en ligne. Braconneurs de post-vérité complotistes, passez donc votre chemin – ou plongez-vous dedans et perdez des heures à chercher des indices inexistants, si ça vous branche –, vous ne trouverez rien qui modifiera radicalement votre vision de l’Histoire moderne. Historiens, exégètes des phénomènes ovnis, fanatiques du renseignement international ou de la diplomatie à l’heure de la guerre froide, réjouissez-vous : pour vous, c’est vraiment Noël.
Publicité
Car s’il ne s’agit évidemment pas pour l’agence de trahir des secrets d’État, on apprend quand même quelques trucs suffisamment fous pour figurer dans un bouquin de Tom Clancy, dans un scénario d’Alerte Rouge voire dans un film des frères Coen. Au choix : la construction d’un tunnel de 400 mètres de long sous le mur de Berlin pour espionner les communications soviétiques, un rapport détaillé sur l’utilisation de 22 criminels de guerre nazis par la CIA dans les années 1970, l’existence du projet Stargate de recherche sur la télépathie et, évidemment, des tonnes de rapports sur les observations d’ovnis. Les contre-allées de l’Histoire, en somme, qu’Internet ne nous permettait pas encore d’explorer à notre guise.
Publicité
25 ans de bataille pour la transparence
La tentaculaire archive, qui regroupe 12 millions de documents, est une antienne de l’administration américaine : cela fait vingt-cinq ans que la CIA, pourtant sommée par Bill Clinton en 1995 de déclassifier les documents vieux de plus d’un quart de siècle, s’exécute mollement, en faisant le strict minimum et en rendant leur consultation publique excessivement compliquée. En 2000, l’agence créait une première base de données électronique, le CIA Records Electronic Research Tool (CREST), qui regroupait… les titres des documents. Pour consulter ces derniers, il fallait se rendre physiquement aux Archives nationales américaines, situées à Washington, et consulter les archives sur l’un des quatre ordinateurs disponibles, uniquement pendant les heures d’ouverture, raconte Motherboard. Un cauchemardesque anachronisme.
Publicité
Après une quinzaine d’années de statu quo, l’ONG journalistique MuckRock décidait qu’à un moment, ça commençait à bien faire, et utilisait le Freedom of Information Act (FOIA), qui permet à tout citoyen américain d’exiger de pouvoir consulter un document public, pour assigner la CIA en justice. L’agence rétorquait alors que le scan de tous les documents prendrait environ six ans. Après quelques négociations – et la création d’une campagne Kickstarter pour que l’ONG scanne les archives elle-même –, la CIA revoyait ses prévisions à la baisse, promettant de rendre toute l’archive publique en un an. Promesse tenue… non sans avoir jeté un dernier coup d’œil auxdits documents. On n’est jamais trop prudent.