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Le terme “grande taille”, déjà, pose problème. Certes, c’est génial de clamer au monde entier qu’il faut aimer son corps, peu importe sa taille. Mais d’un autre côté, en mettant en place des étiquettes, on instaure sans le vouloir une sorte de système hiérarchique. Rien que le fait de sortir une “édition spéciale” pour les femmes “grandes tailles” est problématique en soi : si le but est d’inclure tout le monde, pourquoi ce tout le monde ne figure pas dans un même magazine ?
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“Je pense qu’il n’y a pas de mal à être une grande taille. Ce sont des femmes magnifiques en bonne santé. La grande taille concerne les femmes qui font du 48 et plus en Amérique. Je fais du 40. @glamourmag m’inclut dans leur numéro spécial grande taille sans me demander ou me le faire savoir et ça ne me semble pas correct, a écrit la comédienne sur Instagram. Les jeunes filles vont-elles se dire que mon type de corps correspond à une grande taille ? Qu’en pensez-vous ? Moi je ne pense pas que ce soit très bien.”
Amy Schumer avait pourtant un bon feeling avec Glamour. L’année dernière, elle s’était même confiée au magazine au sujet de l’acceptation de soi :
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“On apprend aux femmes à manger moins, jusqu’à disparaître. Et on nous répète que si on ne ressemble pas à tout le monde, personne ne nous aimera.
Aujourd’hui, la minceur est la norme véhiculée par les médias, ce qui, bien sûr, ne reflète pas la norme dans la réalité. Dans la réalité, la diversité des corps est normale. C’est juste que nous ne le voyons pas ainsi.”
“Grande taille” comparée à quoi ?
Jusqu’ici, elle a complètement raison. Selon le Centre américain du contrôle des maladies (CDC), la femme américaine “moyenne” porte du 46 (14), et l’étiquette “grande taille” s’applique souvent aux femmes qui font du 46 au 66 (14 à 34), ce qui représente 67 % de la population. La sublime Robyn Lawley fait du 38 et elle ne représente pas les 100 millions de femmes américaines “grandes tailles”… mais elle est tout de même considérée comme une mannequin “grande taille”.
Le terme prête vraiment à confusion. Mais au lieu de le jeter à la poubelle, nous nous le sommes approprié et nous l’avons placé au cœur du débat sur l’image de soi. Avant tout, nous devrions réfléchir à notre obsession pour cette qualification.
Si Amy Schumer ne veut pas être cataloguée “grande taille”, cela ne signifie pas qu’elle fait du “fat shaming”. C’est plutôt qu’elle veut gommer ce genre de catégorisation. C’est comme si on disait “tu sais, mon ami noir” ou “mon ami gay”, au lieu de “mon ami”. Pourquoi ressentons-nous le besoin de définir quelqu’un selon sa couleur de peau, son orientation sexuelle ou sa taille ? Cela ne fait aucune différence.
Les mannequins “grandes tailles” ne sont pas inférieures aux mannequins prétendument “normales”. C’est pour cette raison que l’Australienne Stefania Ferrario a initié le mouvement #DropThePlus – traduisez “laissez tomber le ‘grande taille'”. Cette mannequin qui fait du 40 pense que les indications comme “grande taille” renforce l’idée que seules les femmes maigres ont une taille normale.
Grosse, et alors ?
Sachant que l’Américaine moyenne fait du 46 – et que l’industrie de la mode considère que la grande taille commence à partir du 42 –, la campagne #DropThePlus encourage à prendre au sérieux le débat sur le regard que nous portons sur le corps des femmes. Pour beaucoup, le terme “grande taille” marginalise et incarne cette tendance persistante à critiquer les femmes rondes. Comme Melissa McCarthy l’explique à Refinery29, cela revient à “prendre la plus grande catégorie de gens et leur dire : ‘Vous ne valez pas grand chose.'”
Mais d’autres soutiennent que l’étiquette “grande taille” les valorise, qu’elle attire le regard sur elles. “Grande” peut aussi être synonyme d’empowerment, d’affirmation de soi. La mannequin Tess Holliday, qui fait du 54, affirme qu’elle ne considère pas le qualificatif “grosse” comme une insulte et une autre mannequin, Candice Huffine, est persuadée qu’elle “redéfinit” l’étiquette. Sachant cela, l’abandon de l’étiquette “grande taille” pourrait être interprété comme une énième manigance pour éviter de parler de tout ce qui est associé à l’embonpoint.
L’auteur de l’essai Bad Feminist, Roxane Gay, a très mal pris la réaction d’Amy Schumer pour cette raison précise. Dans une série de tweets, elle fait remarquer :
“Dieu sait qu’il n’y a rien de pire qu’être appelée grande taille dans un magazine national. Et certaines de ses amies sont des ‘grande taille’…
Tu n’es pas une grande taille mais ta réaction véhémente contre cette étiquette est assez insultante… Comme s’il n’y avait rien de pire à tes yeux. Eh bien. Le pire, c’est de le dire.”
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“Tout d’abord, nous aimons Amy et nos lecteurs aussi. Le titre principal de cette édition spéciale est simplement ‘Les femmes qui nous inspirent’, car nous pensons que son discours passionné et véhément sur l’acceptation de soi EST inspirant, tout comme les discours d’autres femmes, de toutes tailles, qui y figurent. Le numéro ne la décrit pas comme une ‘grande taille’. Nous nous excusons si nous l’avons blessée de quelque manière que ce soit.”
“Pulpeuse”, “enrobée”, “grande taille”, etc., sont des étiquettes qui montrent que la société déteste le mot “grosse”… et par extension les personnes grosses ? Il n’y a pas de mal à être grosse, peu importe si des imbéciles comme Nicole Arbour disent le contraire, et nous devrions arrêter de diaboliser ce mot. À partir de ce moment, le mot “grande taille” arrêtera d’être problématique.
Notre tendance à caser les gens dans différentes catégories peut faire des dégâts. Nous devons faire avancer le débat et ce que nous devrions abandonner, c’est notre obsession pour la taille.
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Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.
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