Le 3 février, au milieu d’un match ennuyeux, la prestation des trois artistes a fait l’objet de vives critiques.
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Chaque année, le Super Bowl est l’événement sportif et de divertissement le plus suivi aux États-Unis et dans le monde, même si son succès commence à baisser, notamment auprès des plus jeunes générations. Cependant, la finale du championnat de la Ligue nationale de football américain (NFL) est toujours l’objet de toutes les convoitises, que ce soit dans le domaine de la publicité ou celui de la politique.
Cette année est très particulière à cet égard, avec le cas de Colin Kaepernick et tout le mouvement qu’il a lancé. En 2016, alors qu’il était le quarterback des 49ers, l’équipe de San Francisco, Colin avait refusé de se lever pour l’hymne américain, posant même le genou à terre pour protester contre les violences policières envers la communauté noire. Cela avait donné lieu à toute une polémique sur la NFL et ses sanctions. Donald Trump, qui voulait écarter Colin Kaepernick de la ligue et faire taire toute vague de contestation, avait tenu des propos extrêmement virulents.
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Symbole parfait des tensions multiples qui écartèlent les États-Unis, ce scandale a fini par créer deux camps. Tous les regards se sont alors tournés sur le choix de l’artiste musical qui jouerait à la mi-temps du Super Bowl. Chaque année, ce show est l’un des plus convoités par les artistes internationaux. Les prestations de Michael Jackson, Lady Gaga ou encore Beyoncé ont marqué mondialement les esprits.
Un choix politique
Cette année, la NFL était dans une position délicate, avec de nombreux appels au boycott adressés aux artistes, lancés notamment par Jay-Z, Beyoncé et Meek Mill. Pour couronner le tout, l’événement a eu lieu cette année à Atlanta, grande ville de musique où la communauté noire est très importante.
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Après les refus de Cardi B, Pink ou encore Rihanna, la NFL a opté pour la facilité avec Maroon 5. Toutefois, le choix du groupe californien, composé uniquement de Blancs et à la musique peu porteuse de messages, passe presque pour une insulte pour les critiques. Mais après de nombreuses négociations, Travis Scott, grand gagnant de l’année 2018, donne son accord pour participer au concert.
Et là, les critiques fusent : comment un membre éminent de la fraternité rap peut prendre part à cette supercherie ? Travis répond avec sa condition : une donation importante sera versée à une fondation qui aide les victimes des violences policières faites à la communauté noire. Le mécontentement se calme un peu, mais le boycott est toujours fort.
À ce stade de l’organisation du show, il manquait toujours un véritable représentant de la ville d’Atlanta. Il arrivera finalement en la personne de Big Boi, moitié du mythique duo Outkast. Et là, les critiques reprennent. Comment un artiste aussi important de la communauté noire, proche des engagés Andre 3000 et Killer Mike, peut-il accepter cette mascarade ? En se focalisant sur la musique et son impact positif, tout simplement.
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Une prestation sauvée par Bob l’éponge
Ce dimanche, le concert s’est finalement déroulé presque sans encombre. Presque trop. Quasiment aussi mou que le match, la prestation de Maroon 5 n’a fait aucune vague. Le moment le plus apprécié fut l’hommage à Bob l’éponge et son créateur Stephen Hillenburg, disparu en novembre dernier. Étrangement, le scandale viendra du final torse nu d’Adam Levine, mis en opposition avec le “Nipplegate” de Janet Jackson d’il y a quinze ans.
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En 2004, le dévoilement provocateur de la poitrine de Janet par Justin Timberlake avait défrayé la chronique puritaine, c’est-à-dire quasiment la totalité des médias américains. Certains pensent que les tétons d’Adam Levine n’ont pas eu le droit au même traitement que ceux de Janet à l’époque, et que le sexe et la couleur de peau des artistes expliquent cette différence de traitement.
Mais peut-être que quinze années après, il est plus accepté de se dénuder sans que ça crie dans les chaumières. Un scandale parce qu’il n’y a pas eu de scandale, voilà ce que propose la controverse de 2019. On est bien loin des revendications de Colin Kaepernick.
Les ATLiens brillent malgré le déluge
ATL. ATL. ATL.@BigBoi rode into the #SBLIII Halftime Show in style pic.twitter.com/uvDFnL9mxV
— NFL (@NFL) 4 février 2019
Alors que Travis Scott est arrivé comme une météorite pour une prestation endiablée de “Sicko Mode”, jusqu’à une plongée dans la foule, c’est tout de même Big Boi qui reste dans toutes les têtes. Avec une entrée en Cadillac et manteau de fourrure digne d’un vrai pimp, sur son incroyable morceau “Kryptonite (I’m on it)”, le rappeur d’Atlanta représente de la meilleure façon le rap de sa ville et surtout la spécificité de son équipe, la Dungeon Family.
Puis Sleepy Brown, illustre membre d’Organized Noize, le rejoint pour entamer “The Way You Move”, toujours aussi irrésistible. Repris par un chœur et des cuivres triomphants, le morceau devient alors un hymne à la réunification, un doux passage de la confrontation à la communion porté par les trois chanteurs en blousons “ATLiens”, référence au deuxième album d’Outkast, sorti en 1996.
Bien sûr, la présence de Big Boi a été très commentée dans les médias et sur les réseaux sociaux. Beaucoup regrettent son affiliation avec l’Amérique blanche conservatrice des dirigeants de la NFL, qui règlent tout avec la planche à billets. Mais le rappeur a voulu représenter fièrement sa ville, malgré le déluge. Il est soutenu dans cette épreuve par son équipe proche, dont Cee-Lo, du groupe Goodie Mob, qui a pris parti dans un tweet lors du concert. Depuis, un flot d’injures et de mécontentement affluent en réponse, ce qui l’a poussé à effacer son tweet et poster une réponse aux réactions.
— CeeLo Green (@CeeLoGreen) 4 février 2019
Au milieu d’un match assez linéaire, remporté pour la sixième fois par Tom Brady et les New England Patriots, le concert de mi-temps était bien le moment fort de la soirée, marqué presque uniquement par d’énormes critiques (sur YouTube, la vidéo postée par la NFL a recueilli 211 000 dislikes, contre 28 000 likes). La NFL a évité la casse, mais nous a donné l’événement le moins intéressant et le plus controversé depuis des années. Au final, on a notre préférence : genou au sol plutôt que téton à l’air.