Pourquoi maman a des tatouages : le livre pour enfants qui casse les préjugés

Publié le par Olivia Cassano,

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Marilyn Rondón a imaginé un livre pour enfants qui va à l’encontre des préjugés sur les gens tatoués. L’artiste a parlé de son projet à Konbini. 

(Photo: Marilyn Rondon)
© Marilyn Rondon

La culture du tatouage n’est pas un thème qui revient souvent dans les livres pour enfants. L’amitié, la gentillesse, les oiseaux et les abeilles, et tout, oui, mais les gens tatoués n’ont pas franchement leur place dans les ouvrages qu’on lit aux petits à l’heure du coucher. Mais comme il existe de nombreux préjugés autour de cette pratique, ne serait-il pas normal d’enseigner aux enfants qu’un tatouage ne fait pas de vous une mauvaise personne ?
Comme la concurrence est quasi inexistante sur ce marché-là, l’artiste multidisciplinaire, basée à Miami, Marilyn Rondón a décidé de combler ce vide. Son bouquin Pourquoi maman a des tatouages ? (Why Does Mommy Have Tattoos ?, en VO) montre aux enfants que les tatouages ne sont pas effrayants, et que c’est de l’art.
“Comme j’ai une bonne connaissance de la culture du tatouage et de l’imagination, j’ai décidé d’écrire un livre innocent et imaginatif pour rendre les tatouages moins ‘effrayants’ pour les enfants, car il existe encore de nombreux préjugés négatifs sur les individus qui ont beaucoup de tatouages, a expliqué Marilyn Rondón à Konbini. Le monde change et évolue, je me suis dit que, comme j’étais complètement tatouée, je pourrais offrir une histoire marrante pour que les femmes tatouées la partagent avec leurs enfants.”
L’artiste, qui a une collection remarquable de dessins sur son corps, s’est dit qu’il était important que les enfants sachent que “les tatouages ne sont pas simplement une forme d’art, mais une belle forme d’art”. Elle s’est donc inspirée de sa propre expérience et défie la discrimination et les préjugés auxquels elle a dû faire face pour enseigner une leçon importante à la jeune génération. En un mot, Pourquoi maman a des tatouages apprend aux enfants à ne pas juger sur l’apparence.
(© Marilyn Rondón)

Konbini | Pourquoi avez-vous voulu écrire un livre pour enfants ?
Marilyn Rondón | Depuis que je suis au lycée, je rêve d’illustrer un livre pour enfants, ou de faire un dessin animé. En tant qu’artiste, je me crée souvent des amis imaginaires, donc les partager avec des enfants, c’est comme si un rêve devenait réalité.
Vous qui avez beaucoup de tatouages, êtes-vous victime de préjugés ? 
Mes tatouages sont incontestablement un sujet de conversation. Je dirais que les plus gros préjugés, c’est qu’ils sont synonymes de “ghetto”, de “vulgarité” et de “bon marché”. On m’a abordée dans la rue à plusieurs reprises pour me demander si je vendais des drogues, ou combien ça coûtait de passer la nuit avec moi ; c’est exaspérant. Des chauffeurs Uber m’ont déjà demandé si j’étais une strip-teaseuse.
Je ne sais pas pourquoi, dans la tête des gens, les tatouages sont liés à ces images, mais ce n’est pas la réalité. J’essaye de passer au-dessus de ce genre de remarques, c’est juste agaçant. On m’a refusé l’entrée de restaurants et d’hôtels à cause de mes tatouages. J’aimerais que cela change.
Pensez-vous que votre expérience est différente parce que vous êtes une femme ?
Complètement. On me demande souvent “pourquoi” : “Pourquoi faire ça à ton joli visage ?” Les gens que je connais m’ont littéralement supplié d’arrêter de faire des tatouages sur mon visage. Une fois de plus, c’est exaspérant. Pourquoi imposer son point de vue à quelqu’un ? Tu payes mes factures ? Tu marches dans mes chaussures ? Sais-tu ce que c’est que d’être moi ? Non, donc ne me dis pas comment vivre ma vie. Si je décide de me tatouer un cornet de glace sur la joue, c’est mon choix. Donc laissez-moi être moi-même.
© Marilyn Rondón

Quand j’ai fait mon premier tatouage sur le visage, on m’a fait la misère. Ma patronne du moment m’a même pincé le bras, alors qu’elle-même a des tatouages, et elle a crié au bureau devant des collègues et des clients : “Qu’est ce qui ne va pas chez toi, merde ?” J’ai gardé mon calme, mais je ne l’oublierai jamais. Le tatouage avait été réalisé par une femme, une tatoueuse très respectée et talentueuse, qui avait fait des tatouages sur le visage de son copain à plusieurs reprises et n’avait jamais cillé… mais elle ne voulait pas trop me tatouer le visage parce que j’étais une femme de 24 ans. Ça m’énerve que certaines personnes aient un problème avec mon mode de vie.
Que’aimeriez-vous que les gens retiennent de Pourquoi maman a des tatouages ?
Quand j’étais gosse, je pensais que les tatouages n’étaient pas faits pour les femmes, et que si tu avais un tatouage, tu avais de grandes chances de faire partie d’un gang, d’aller en prison, d’être une bohémienne… rejetée de la société. Comme avec la majorité de mes projets, soit on aime soit on déteste. J’essaye de ne pas trop y penser, c’est pour les enfants.
J’essaye de parler de quelque chose qui, selon moi, est méconnu. Nous vivons dans un monde complètement différent de nos jours. Tout le monde a des tatouages, pourquoi n’en parlons-nous pas aux enfants ?
Le livre Pourquoi maman a des tatouages ? sortira la première semaine de mai dans les librairies américaines. On espère une traduction française !
(© Marilyn Rondón)

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois

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