C’est devenu notre quotidien, qu’on le veuille ou non. Se réveiller et se coucher avec des images de tueries. Évidemment, on ne s’y fait pas et on ne s’y fera jamais. Qui dans le monde prétend s’accommoder de voir son pays et ses proches victimes de tant de violence ? On s’accommode de la misère des autres, de la guerre quand elle est ailleurs, de la violence quand elle est derrière un écran. Mais pas chez soi.
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Force est de constater que les événements qui frappent la France depuis les tueries de Toulouse et Montauban en 2012, et de plus en plus fréquemment depuis janvier 2015, nous rapprochent des peuples qui vivent régulièrement les mêmes horreurs à travers le monde. Après quelques brèves décennies de paix, nous vivons l’Histoire en accéléré depuis un an et demi. Et paradoxalement, la violence nous rappelle ce que le mot “paix” signifie, et que cette dernière n’est jamais acquise.
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Je suis née en 1989. Ni trentenaire, ni millennial, j’appartiens à cette fameuse génération Y que tout le monde se plaît à décrypter comme objet sociologique. Génération post-Guerre froide, génération 11 Septembre, et maintenant génération Daech. Nous avons été gâtés et protégés, nous n’avons pas connu la guerre, nous avons grandi à l’écart du tumulte du monde et de ses batailles, que nous menons pourtant en dehors de nos frontières
Depuis peu, nous réalisons que la France n’est pas intouchable, que nous ne sommes pas intouchables. Comme dans certains pays, pas si éloignés pourtant, aller boire un café en terrasse, être journaliste, policier, juif, citoyen ou simple “kiffeur” devient un motif d’assassinat.
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Le monde a toujours été absurde et inégal, mais on ne s’en rend compte que plus vivement lorsque nous le voyons de nos propres yeux. Réactions de soutien, de solidarité, de colère, de tristesse, d’accablement ou de haine… Chacun réagit à la mesure de ses émotions et de son vécu. La bonne réponse n’existe pas. Accepter la violence n’est pas une réponse. La combattre ? Oui, mais comment ? Nous sommes accablés par notre impuissance, nous, la France, pays occidental, riche économiquement et militairement dominant.
Nos ancêtres on fait l’expérience du front, puis de la victoire. Nos parents, celle de la lutte intellectuelle et des droits. Notre génération a le sentiment de vivre une expérience de déclin. J’ai le sentiment que cette fin de cycle annonce les prémices d’un renouveau dont nous devons nous emparer, afin de rebondir vers ce que nous souhaitons voir dans le futur.
Certes, nous avons envie de croire que nous n’avions pas besoin de tant de violence pour partager un sentiment d’unité. Mais sur la pente glissante de l’égoïsme, dont notre société semble s’être accommodée, ce type d’événement vient nous rappeler qu’à travers le monde, nous sommes tous mus par les mêmes choses. Vivre la terreur nous fait voir que, par-delà les frontières, nous sommes finalement tellement semblables.
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La barbarie frappe chaque jour le monde depuis la nuit des temps, sans hiérarchie souhaitable sur l’échelle de la gravité. Aujourd’hui j’ai le sentiment que ma génération vit l’Histoire, bien qu’à ses dépens, mais qu’il ne tient qu’à nous de l’écrire aussi.
Le temps est venu de sortir de notre torpeur — les événements récents nous y obligent — pour que notre monde nous ressemble enfin. Notre histoire nous appartient et nous pouvons l’écrire à chaque instant, à notre manière. Il n’existe pas une seule façon de le faire mais sept milliards. Nous sommes la génération de la mondialisation, il semble dès lors absurde de nous construire chacun de notre côté.
Je n’aime pas les phrases galvaudées sur la fraternité, l’amour, le pardon, pas plus que les réactions de haine ou de vengeance. Je voudrais juste que chacun se rende compte à quel point notre avenir dépend de chacune de nos actions. Par-delà les épreuves, notre pouvoir à agir sur le monde et à lui donner un sens est immense. Cela commence ici et maintenant.
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