Kilo Kish, la dilettante
À la fois artiste, mannequin et poète, Kilo Kish s’est retrouvée à faire de la musique presque par hasard. Cette jeune New-Yorkaise d’adoption, proche des crews A$AP Mob et Odd Future, a sorti son premier projet, Homeschool, en 2012. Elle se fait remarquer notamment en apparaissant sur le premier album de The Internet.
Rappeuse, chanteuse, on ne compte plus les casquettes de cette artiste polymorphe. De sa voix fluette mélangée à des instrus très cloudy, elle accouche de morceaux joliment perchés, croisements entre la zénitude d’une Erykah Badu et les explorations d’une Kelis. Au magazine Interview, elle déclare :
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Je veux utiliser ma musique et l’idée d’une artiste plus polyvalente pour nourrir différents projets. J’ai le sentiment que beaucoup de gens ont du talent dans différents domaines, et je vois la musique comme une extension de tous les projets artistiques que je réalise.
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Sa mixtape K+, sortie début 2013, rassemble un casting avant-gardiste (Childish Gambino, A$AP Ferg, Earl Sweatshirt, SBTRKT, Flatbush Zombies…) et développe un peu plus l’univers stratosphérique de Kilo Kish. Et son dernier EP paru début juillet, Across, confirme l’idée qu’elle n’a pas fini de nous régaler.
Tinashe, la chef de file
Tinashe fait partie de cette génération de jeunes chanteuses qui n’a rien à envier à ses ainées. À tout juste 21 ans et à l’aube d’un premier album, elle affiche au compteur de solides collaborations – Devonté Hynes, Ryan Hemsworth ou encore Clams Casino – et trois excellentes mixtapes (téléchargeables gratuitement par ici). Si jusqu’à il y a peu son nom était surtout connu par les music diggers, la jeune pousse explose en début d’année grâce à son morceau 2 On, en featuring avec ScHoolboy Q, qui enregistre plus d’un million d’écoutes sur SoundCloud en deux petits mois.
Originaire du Kentucky mais élevée à L.A., la jeune fille affiche une assurance digne des plus grandes. Grâce à son attitude, son look, et surtout sa voix, elle parvient à nous faire oublier qu’il y a peu, elle traînait encore dans les couloirs d’un lycée. Sorte de mix entre Janet Jackson, Cassie et Mariah Carey, Tinashe débute sa carrière très jeune mais devant les caméras. Elle joue des petits rôles dans des séries durant toute son enfance, et n’intègre un groupe de musique qu’à 14 ans, alors qu’elle chante pourtant depuis toujours.
Il y a deux ans, elle dévoile en solo deux mixtapes (In Case We Die et Reverie) qui, bien qu’excellentes, ne parviennent jusqu’aux oreilles que des plus avertis. Mais force est de constater que depuis ses débuts, Tinashe propose des titres ambitieux qui naviguent entre R&B alternatif, pop et musique électronique. Grâce à sa voix suave et ses beats langoureux, la chanteuse vient nous chercher, nous envoûte et finit par nous hypnotiser. En novembre dernier, Tinashe continue de démontrer l’étendu de son talent avec sa troisième mixtape Black Waters. Il y a un an, elle confie au magazine Dazed & Confused :
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Je veux prendre le taureau par les cornes. On fait partie d’une génération qui évolue si rapidement que les gens sont prêts pour de nouvelles choses et de nouvelles idées, principalement en musique. Je veux faire partie de cette nouvelle vague.
Pari réussi. Tinashe fait bien partie des pionnières de ce nouveau souffle R’n’B, et elle n’a très certainement pas fini de nous étonner.
Jhené Aiko, l’intimiste
Jhené Aiko a tout d’une revenante : la silhouette fine, presque fantomatique, la voix éthérée, et le parcours. Car si on la connaît aujourd’hui pour ses deux très bonnes mixtapes et ses apparitions remarquées (avec Drake, Childish Gambino…), la jeune femme est dans le circuit depuis plus d’une dizaine d’années.
Ado, elle fait ses débuts en 2002 aux côtés des B2K, et interrompt sa carrière musicale peu après afin de se concentrer sur ses études. Elle revient aux affaires en 2011 avec une mixtape, Sailing Soul(s), petit bijou de r’n’b refroidi et intimiste, et se rapproche du label Top Dawg Entertainment (Kendrick Lamar, ScHoolboy Q, SZA). Le disque tranche avec ses débuts un peu guimauve, présentant une Jhené adulte à l’univers refondu.
Elle cite volontiers 2Pac comme source d’inspiration pour ses textes très travaillés. L’année suivante, Jhené signe chez Def Jam, et en 2013 elle titille sa fanbase grandissante avec une nouvelle mixtape, Sail Out. Depuis, c’est le cauchemar, on n’en peut plus d’attendre Souled Out, le premier album officiel de la belle, programmé pour le 22 août. Les premiers extraits parus ces derniers mois augurent du meilleur pour l’avenir de Jhené Aiko.
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Doja Cat, la mystérieuse
Il était très difficile de mettre un visage sur l’énigmatique Doja Cat jusqu’à la sortie de son premier clip. Jusqu’alors, sa visibilité sur Internet se limitait à un SoundCloud garni de quelques titres sur lesquels on retrouvait une voix mutine accolée à des instrus hybrides. Sur certains d’entre eux, le flow est aiguisé. Sur d’autres, plus brumeux. Mais la mystérieuse Doja Cat semble naviguer entre rap et R’n’B avec une facilité déconcertante.
C’est donc la vidéo de son enivrant titre “So High” qui révèle définitivement le visage de la jeune chanteuse, et définit les contours de son univers psychédélique. Dans le clip, Doja Cat se met dans la peau d’une Shiva moderne et se fend d’une chorégraphie langoureuse et hypnotique. Le tout, dans un décor fluorescent aux formes hallucinées. L’impression d’avoir pris du LSD et d’être coincé dans une matrice, so high.
Si les morceaux de Doja Cat sont maitrisés et son flow affirmé, ça ne fait pourtant pas longtemps que la jeune fille donne de la voix. Tout juste âgée de 18 printemps, elle a grandi sur les plages paradisiaques de Malibu en Californie avant de s’installer dans la ville des anges il y a deux ans. C’est à ce moment-là que Ami Zandile de son vrai nom commence à faire de la musique, après avoir passé son adolescence sur une planche de surf.
Ses influences, elle les pioche du côté du hip-hop new-yorkais – dont sa mère est fan – et dans la soul, ce qui explique ses va-et-vient musicaux. Et si pour le moment aucun album n’est annoncé, il faudra très certainement compter sur elle dans les prochains mois. Miaou.
Princess Nokia, la mystique
Née Nicole Destiny à Harlem de parents portoricains, Princess Nokia s’est d’abord fait connaître sous le nom de Wavy Spice. Flirtant avec la musique électronique, le titre “Bitch I’m Posh”, dévoilé en juillet 2012, est le premier coup d’éclat de cette jeune artiste que l’on a dépeint rapidement comme la relève de l’underground new-yorkais.
Puis Wavy Spice est devenue Princess Nokia suite à une “réincarnation”, précise la chanteuse fan de Games Of Thrones. N’hésitant pas à jongler dans ses textes avec différents registres – le mysticisme, la drogue, l’émancipation féminine, la place de la culture noire dans la société américaine –, Princess Nokia étonne par sa capacité à faire se rencontrer différentes traditions musicales. Elle chante, rappe, pose sur des instrumentations tantôt lancinantes, tantôt au rythme effréné. Et après avoir sorti en janvier dernier le délicieux “Dragons” à la prod’ drum’n’bass, elle a accéléré la cadence.
Sa présence sur l’album de Ratking nous a d’abord mis la puce à l’oreille (un trio dont elle est particulièrement proche pour être la petite-amie de Wiki Morales, le principal MC). Et quelques mois plus tard, c’est avec une mixtape, Metalic Butterfly, que la chanteuse enfonce le clou (on peut se la procurer gratuitement par ici). Les instrus de OWWWLS font merveille, la gouaille de la “princesse” fait mouche et la mixtape est une réussite. Autant qu’une introduction dont on attend vivement la suite.
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Kelela, l’art de l’entre-deux
S’il y a un sujet sur lequel Kelela Mizanekristos ne tarit pas, c’est bien celui de son enfance. Cette période, fondatrice dans la carrière de la chanteuse, est aussi celle d’un malaise indicible. Entre ses racines africaines (elle est la fille d’éthiopiens débarqués aux États-Unis dans les années 1970) et son intégration dans la société américaine, elle évoque au gré des interviews cette difficulté à jongler avec ce double héritage. Cet entre-deux fait comme écho à sa musique : coincée entre le r’n’b et la musique électronique.
Avant de faire du r’n’b “mutant”, Kelela en a visité, des contrées musicales. Après avoir traîné avec des bandes de métalleux lors de sa scolarité dans le Maryland, elle rencontre le R’n’B via une de ces divas les plus célestes, Tracy Chapman, à qui elle a d’ailleurs rendu hommage sur le dernier titre de sa mixtape Cut 4 Me.
Après des études à l’American University de Washington qui aiguisent son envie d’écrire – bien qu’elle n’ait pas obtenu son diplôme –, c’est à Los Angeles que naît la Kelela telle qu’on la connaît. Là-bas, elle trouve chez les producteurs des labels Fade To Mind et Night Slugs des parrains autant que des mentors. Eux aussi sont connus pour naviguer entre R’n’B, bass music, et dubstep. Et en avoir fait leur marque de fabrique.
Derrière une grande partie des productions de Cut 4 Me, les membres des deux labels ont offert à leur nouvelle protégée une mixtape sur mesure. Alors que les basses soulignent parfaitement son timbre – comme sur le très efficace titre “Ennemy” –, Kelela s’amuse, joue avec les placements, laisse traîner sa voix alors que le rythme s’accélère et fait ainsi naître un décalage délicieux.
Depuis, la jeune femme est restée plutôt secrète quant à la suite des opérations tout en dévoilant avec parcimonie des titres de-ci de-là. Récemment, c’est avec Tink qu’elle s’affichait. Pour une qualité toujours au rendez-vous.
FKA Twigs, l’esthète
Il n’y a qu’à l’observer quelques instants pour saisir la complexe multiplicité des influences de FKA Twigs. Anneau nasal de punk, chevelure tressée qui fait honneur à ses origines jamaïcaines, bijoux dorés qui évoquent ceux des femmes de la scène bollywoodienne… Parfois aussi, cette Londonienne de 26 ans, qui a grandi dans le comté tranquille de Gloucestershire, se pare d’une imposante couronne de fleurs qui rappelle brièvement Frida Kahlo.
Ce soin de l’apparence est également perceptible dans les vidéos de l’artiste. Chanteuse au passé de danseuse professionnelle (elle a fait ses débuts dans les clips de Jessie J), FKA Twigs, de son vrai nom Tahliah Barnett, montre une attention toute particulière à l’esthétique de ses vidéos, dans lesquelles elle s’illustre tantôt en poupée aux allures d’alien dans “Water Me”, tantôt en majestueuse déesse pharaonique dans “Two Weeks”.
Ce qu’il faut retenir de toutes ces observations, c’est que la façon dont s’affiche FKA Twigs est à l’image de sa musique : une constellation d’influences piochées çà et là, aux confins de son existence, et avec lesquelles elle façonne une mélodie nouvelle.
Souvent comparée à Janet Jackson ou à Aaliyah à leurs débuts, elle est à l’origine d’un son à la croisée des genres entre le R’n’B des années 90, la trip-hop de Massive Attack et l’électro aérienne de Clams Casino. En résulte une musique onirique, tout droit venue d’une autre galaxie, que FKA Twigs, créature aussi talentueuse que curieuse, dévoilera le 12 août prochain sur son premier album, LP1 (à pré-commander ici).
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SZA, l’affranchie
Toute son enfance durant, SZA est bercée par le jazz de Miles Davis, de Louis Armstrong ou encore d’Ella Fitzgerald, les seuls rares artistes que ses parents, conservateurs jusqu’au-boutistes, lui autorisent alors à écouter. Pourtant, SZA, de son vrai nom Solana Rowe, a le fervent désir d’explorer d’autres horizons : le rap, celui du Wu-Tang ou de Lil Jon, dont sa demie-sœur se délecte, en boucle, dans son Walkman.
Aujourd’hui, la musique distillée par cette New-Yorkaise de 24 ans est un doux et subtil mélange entre les influences de son enfance, dont elle ne s’est finalement jamais tout à fait détachée, et de ses nouveaux horizons conquis. Exploratrice des sons, SZA s’est recréé un univers musical à son image, qu’elle a construit avec de nouvelles influences, et son imagination, comme elle l’expliquait dans une interview à Complex Magazine :
Quand tes parents réglementent absolument tout ce que tu écoutes, cela te force à devenir créatif. Ça a déclenché mon goût pour l’écriture et stimulé mon imagination hyperactive. J’ai passé beaucoup de temps seule, isolée de la culture “normale”. Alors j’ai créé la mienne.
Sur son premier album, Z, sorti en avril 2014, on retrouve ainsi les cuivres jazzy de son enfance (sur le morceau “Sweet November”) mais aussi les versets de ses confrères rappeurs que sont Kendrick Lamar, Chance The Rapper et Isaiah Rashad (sur “Babylon”, “Child Play” et “Warm Winds”). Le tout porté par des productions toujours très électroniques et évasives, et la voix soul, légèrement écorchée, de SZA. Seule fille du label Top Dawg Entertainment, sur lequel évoluent entre autres Kendrick Lamar, ScHoolboy Q et Ab-Soul, SZA n’a pas fini de nous faire explorer ses nouveaux horizons.
Article co-écrit par Constance Bloch, Naomi Clément, François Oulac et Tomas Statius.