Aujourd’hui, porter du fake est-il hype ? A priori, oui. Pendant une décennie, les logos des grandes marques de mode ont été imités, transformés, portés par tous les ambassadeurs du mauvais goût.
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Sac Dior, lunettes à strass Chanel, casquette Lacoste ou encore sacoche Louis Vuitton, ces accessoires de luxe ont été vulgarisés dans les années 2000 par les premières starlettes de télé-réalité comme Paris Hilton et ses copines.
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Jean taille basse, piercing, logo XXL et gloss brillant, autant d’éléments qui constituaient la tenue parfaite du début de la décennie. Une vulgarité assumée et démocratisée par la télé-réalité, sacralisée en France autour de Loana Petrucciani, gagnante de la première saison de Loft Story, diffusée en 2001. Depuis, on a constaté que la cagole est loin d’être une espèce en voie de disparition. Sébastien Haddouk a dressé un état des lieux de cette figure archétypale du sud de la France à travers un docu “socio-mode” intitulé “Cagole Forever” et diffusé en février dernier sur Canal +. Pas de panique, si vous l’avez manqué, cette pépite est à revoir ici.
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La vulgarité fascine pourtant le monde de la mode, la transformant en audace ou en provocation. Les défilés printemps-été 2017 ont en effet ressorti une belle sélection du vestiaire vulgaire. Le pantalon taille basse chez Dior, l’imprimé léopard chez Yves Saint Laurent, et dans une version plus street, le jogging iconique de la marque Juicy Couture qui réapparaît en collaboration chez Vetements et en édition limitée chez Urban Outfitters. Après le choker, le jogging peau de pêche donc et les résilles, le string lui aussi veut revivre ses heures de gloire et a décidé de faire son grand retour. On l’a notamment vu défiler pour Versus Versace, en version bande sportswear avec logo apparent et qui dépasse de la jupe ou du pantalon, pour toujours plus d’audace svp.
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On ne le répète jamais assez, la mode se construit puis se disloque autour de cycles. Depuis le début de la décennie, on a assisté à un grand retour des tendances des années 1990. Désormais, avec l’arrivée des années 2020, c’est logiquement aux années 2000 de faire leur comeback. Et avec elles, tous les logos des grandes marques de luxe reprennent le pouvoir.
© Socialite Life
Le retour du logo dans le game
Depuis sa nomination en janvier 2015 au poste de directeur artistique de Gucci, Alessandro Michele a fait entrer la maison italienne dans une nouvelle ère. Il a notamment eu l’audace de remettre au goût du jour le logo Gucci, en pattern sur les toiles des sacs et des pochettes, en broches XXL sur les boucles de ceinture et les escarpins colorés ou encore sur les T-shirts ou sur des sweats portés notamment en rose par le rappeur américain ASAP Rocky. Grand écart.
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La maison Louis Vuitton, elle, a rendu fou le monde de la mode en annonçant une collaboration exclusive avec la marque de streetwear Supreme lors du défilé automne-hiver 2017 à Paris. Une opération de com’ affûtée pour une sortie prévue en juillet 2017 qui mettra fin à une attente insoutenable. On retrouve le célèbre logo LV en aplat sur des toiles de jean et pimpé du logo Supreme. Trop d’émotions.
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La culture du logo, le photographe français Melchior Tersen la connaît bien. Il a signé une série de clichés immortalisant les meilleures et les pires contrefaçons du croco Lacoste. Probablement la marque française la plus copiée, Lacoste a vu son célèbre crocodile subir mille transformations. Forme, couleur, coutures, matières, ce logo est le symbole de toute une génération qui portait en étendard ce reptile en signe de street crédibilité. On est encore loin du vrai retour du look survet’ Sergio Tacchini rentré dans des grosses chaussettes de sport immaculées mais attendez, tout peut arriver.
Les codes du mauvais goût
À 21 ans, Lisa Bouteldja maîtrise à la perfection les codes de la mode vulgaro-chic. Cette étudiante à la Central Saint Martins de Londres et assistante de rédaction chez WAD s’approprie cette tendance outrancière avec délectation.
Make-up sophistiqué à coups de contouring de lèvres, lunettes aux verres fluo, fourrure, foulard LV, requins aux pieds et choker en strass, tout y est. Elle incarne à elle seule le “Barbès style”, le royaume de la contrefaçon.
“Ça me fait rire de porter du fake et de l’assumer. C’est ma manière de montrer que je ne prends pas l’industrie de la mode au sérieux, un monde que je chéris du plus profond de mon être autant que je déteste.”
Les années 2000, l’explosion de la féminité exacerbée, le string qui dépasse du taille basse, le diamant sur la canine, la casquette Von Dutch, et la mode du tatouage tribal dans le bas du dos, elle a grandi en plein dedans. Pour elle, Paris Hilton, c’est la reine. “Ses looks n’ont jamais été aussi cool depuis 2005. Mon feed Instagram en est rempli”, explique Lisa.
Pour cette génération de “cool kids”, porter du fake est de plus en plus répandu, mais encore peu assumé. “Pourtant, on participe à la popularité de ces marques, surtout via Instagram où il est compliqué, voire impossible de discerner le faux du vrai sur une photo”, précise-t-elle.
Le pouvoir du fake
Acheter et porter de la contrefaçon était une pratique réservée aux modeux plus ou moins fauchés. Aujourd’hui, toutes les classes sociales sont touchées par la démocratisation de la contrefaçon avec l’arrivée des sites marchands chinois spécialisés dans ce business comme Ali Express ou Ali Baba. “Même la jeunesse dorée de Paname porte des ceintures et des sacoches logotées du marché aux puces. Alors qu’on était plutôt habitués à l’idée que les pauvres voulaient s’identifier aux riches en leur empruntant leurs codes stylistiques, l’inverse est vrai aussi.” Ce moment où les barrières socio-culturelles s’estompent à l’heure où le hip-hop et le rap font désormais partie de la culture pop. Une artiste australienne tourne habilement en dérision notre obsession pour les grandes marques de mode. Ava Nirui détourne et transforme les logos pour exhiber des looks de contrefaçon maîtrisée, à découvrir sur son Instagram.
Pendant la Fashion Week de Séoul, en octobre 2016, le label de mode Vetements avait créé la surprise en organisant une vente éphémère dans un hangar pour présenter sa collection “Official Fake”. Le directeur artistique Demna Gvasalia et son équipe ont eu l’idée de créer eux-mêmes leurs contrefaçons à prix cassés. L’ambition était elle-même de créer du désir pour une version fake de la marque ? Un moyen d’embrasser la culture de la contrefaçon et de se jouer des codes du mauvais goût. Assumer le fake, c’est aussi dompter cette frontière toujours plus insaisissable entre le vulgaire et le hype.
Bon et parce qu’on est sympa, on vous lâche l’info : il y a un musée de la contrefaçon à Paris. Il présente des centaines de pièces fake des plus grandes marques de luxe françaises jusqu’aux produits du quotidien, en passant par l’industrie et les œuvres d’art. Vous tenez là votre prochaine sortie culturelle.