Début octobre, un pote m’envoie un lien YouTube avec, en titre, « WHAT THE CUT EPISODE #2 ». En commentaire, il me précise : « c’est un caviar » . Ni une ni deux, je prends le courage de cliquer. Je tombe sur un mec : il a des lunettes, les cheveux en bataille et, dans la seconde, il me balance : « Salut bande d’enculés ! ».
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Sept jours après, je rencontre métro République le type qui m’a insulté. Il s’appelle Antoine Daniel, a 23 ans et habite le 95.
Un mec passé par l’image, le son et le théâtre
Deux ans à l’ESRA suivi d’une bifurcation en école d’ingénierie du son : ça, ce sont les études d’Antoine. Côté hobby, le monsieur est compositeur de musique : il a réalisé des musiques pour des jeux vidéos et des courts-métrages et bosse depuis plus de deux ans sur un album, « proche du son de Gorillaz ». Il a même invité un rappeur anglais pour poser son flow sur une de ses compositions.
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En somme, Antoine Daniel maîtrise le son, l’image et l’art du « cut », un touche à tout qui veut développer son sens de la répartie. C’est donc tout naturellement qu’il créé What The Cut !? voilà sept mois, une émission YouTube où il défriche des vidéos « what the fuck, ratées ou tout simplement drôles ».
Son péché mignon l’insulte second degré
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C’est au 1er mars 2012, devant son écran, que tout commence : Antoine a le sentiment d’avoir fait du bon boulot mais a peur de se planter. Son problème ? Balancer sur YouTube son premier épisode estampillé « What The Cut ?! ». Un de ses potes le rassure sur Skype : ça fonctionne niveau humour
« Internet peut être dangereux, ça peut briser des vies tellement des mecs se sont plantés » avance Antoine. Il précise : « Au final, ça s’est bien passé, j’ai eu des retours positifs sur mon Facebook ».
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Son pêché mignon, c’est une accroche qu’il use et abuse à chacun de ses épisodes : « Salut bandes de … ! ». Remplacez les trois petits points par « connards », « demeurés », « abrutis » ou « petits pénis volants » et vous aurez le tableau. Pour Antoine, c’est une manière de « faire le tri parmi les internautes » : « C’est basé sur le second degré. Les gens qui ont aimé que je les insulte, je sais qu’ils vont aimer la suite de la vidéo. Les autres… ».
Un concept inspiré de Ray William Johnson
Pourquoi avoir créé cette émission ? La réponse fuse : « Ça faisait longtemps que je voulais m’installer. J’avais déjà fait des vidéos sur d’autres comptes YouTube mais j’avais envie de trouver un thème récurrent qui soit accessible au plus grand nombre ».
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Son Dieu du Web, il a un nom : Ray William Johnson. Lui aussi a son émission sur YouTube. Elle a inspiré à Antoine le format de What The Cut !? : exposés trois vidéos complètement barrées et s’en moquer.
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Et Antoine Daniel de concéder : « J’ai eu envie de l’importer en France, même si je me suis rendu compte, après, que l’émission Salut Les Geeks avait le même concept. La différence, c’est qu’il n’y a pas le même ton et que c’est une adaptation à ma sauce ».
Évidemment, son amour pour les « vidéos à la con » l’ont convaincu de se lancer. Avec deux de ses potes, il avait lancé le Paon qui Gueule, un site agrégateur de perles dénichées sur la Toile. Pour What The Cut !?, il a pioché dedans.
Une vidéo : trois jours de boulot
L’expression « les moyens du bords » prend tout son sens lorsqu’on gratte la surface. Sa chambre, papier peint compris, est devenue à la fois un terrain de jeu où il se met en scène et un gag. C’est cheap et il l’assume : « Sur Internet, les gens s’en foutent. Pour eux, ce qui compte, c’est le contenu et la façon dont il est fait ». Pour enregistrer ? Une pauvre webcam qu’il avait sous la main. Par manque de thune, il n’a pas pu s’acheter une « vraie caméra ».
Résultat : l’émission (qui compte aujourd’hui douze épisodes dont un hors-série sur le Japon) est aussi originale dans le fond que dans la forme. Une chambre ordinaire pour une qualité d’image ordinaire : les gens qui le suivent croient parler à un pote sur Skype. Dernièrement, What The Cut!? est passé dans la catégorie « blockbuster du web » : on lui a filé une lampe, visible à partir du dixième épisode.
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Côté boulot, un épisode correspond à trois jours d’enregistrement et de montage. Et le plus dur pour Antoine, c’est de trouver les perles dont il parlera. Pas de « cahiers des charges » mais un « feeling inconscient ». Seul un critère identifie les vidéos à éviter : celles qui ont fait du « buzz ». Mais grâce à la modeste notoriété qu’il s’est créée sur la Toile, on lui propose chaque jour une vingtaine de liens. Ensuite, il écrit tout les textes.
Un projet : « Rester sur la Toile »
La plupart des vidéos abordées dans l’émission concernent des internautes, un peu chtarbés, qui se filment par webcam. Rien de bien méchant pour Antoine : « Internet c’est le reflet de l’humanité occidentale : tout ce qu’on peut trouver, c’est ce que tu vois dans le cerveau des gens et que tu ne vois pas forcément quand tu les croises dans le métro ». Paradoxalement, il est conscient de la « dangerosité des Internets », lui qui s’est pris à deux fois avant de publier son premier épisode.
L’idée pour Antoine, c’est de ne pas tomber dans la méchanceté gratuite. Jusque là, après une douzaine d’épisodes, il n’a reçu aucun retour négatif, aucune menace. Juste une vidéo loufoque, sur un type qui se croyait à Koh-Lanta : elle a été dépubliée peu après avoir été relayée par l’émission. Quant au mec qui menace ouvertement Yann Barthès (la vidéo a été effacée), le présentateur du Petit Journal, Antoine espère que c’est « un personnage qu’il se donne ».
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Antoine est en tout cas sûr d’une chose : « What The Cut !? est un prétexte pour faire des sketches ». Son truc, c’est de s’amuser face webcam. Derrière lui, il a sept années de théâtre : « C’était pas sérieux mais ça a dû me servir, inconsciemment, sur la façon dont je joue ».
Même s’il a quelques projets en cours pour le petit écran, Antoine Daniel fait bien la différence entre la télévision et la Toile : le premier, « c’est un média qui va mourir dans quelques années »; le deuxième, c’est un espace de liberté où ce sont les gens qui « décident de ce qui marche ou ne marche pas ». Ce qui lui fait dire : « Mon grand kiff, ce serait de rester sur Internet et de pouvoir en vivre ». Comme les Norman, Hugo et Cyprien. La boucle est bouclée.