Vous vous souvenez de l’histoire de l’étoile aux “mégastructures extraterrestres” ? En octobre 2015, le rapport de l’astronome Jason Wright de l’université d’État de Pennsylvanie projetait KIC 8462852, une petite étoile bien sous tout rapport située à 1 480 années-lumière de notre système solaire, dans la sphère médiatique. En cause : des irrégularités dans l’émission de sa lumière, qui auraient pu être causées par le passage d’un gigantesque objet artificiel entre elle et ce bon vieux télescope chasseur de planètes Kepler. Surgit alors l’hypothèse de la fameuse “mégastructure” : une “sphère de Dyson”, construite tout autour de l’étoile par une civilisation (très, très) avancée pour l’exploiter comme une vulgaire centrale à charbon. Le tout il y a 1 480 ans (le temps que la lumière nous parvienne), alors que le royaume des Francs commençait doucement à se constituer.
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Intrigué, le Programme américain de recherche d’intelligence extraterrestre (SETI) se met sur le coup et promet de nouvelles données. Mais en décembre 2015, la Nasa refroidit tout le monde en publiant une étude basée sur les analyses de son télescope spatial Spitzer, qui préfère voir dans ces émissions de lumière intermittentes la trace d’une intense pluie de comètes en orbite autour de KIC 8462852. Fin de l’histoire ? Toujours pas, car en janvier 2016, Bradley Schaefer, un prof d’astronomie de l’université d’État de Louisiane, révèle qu’en étudiant à l’œil nu l’intégralité des données récoltées sur l’étrange étoile, y compris les plaques photographiques originales de 1890 à 1989, la luminosité de l’étoile aurait globalement diminué de 15 à 20 %. Sans raison apparente.
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De plus en plus étrange
Depuis janvier, les observations de Bradley Schaefer – qui avoue lui-même ne pas croire à la thèse de la structure extraterrestre – divisent la communauté des astronomes, sans que personne ne parvienne à clore la controverse une fois pour toutes, en grande partie à cause du faible nombre d’astrophysiciens capables de déchiffrer des plaques photographiques “à l’ancienne”. Pire, une nouvelle étude sur “l’étoile de Tabby” vient d’être publiée sur la plateforme d’archives scientifiques ArXiv par deux chercheurs du California Institute of Technology (CalTech), Benjamin Montet et Joshua Simon, épaissit encore le mystère de KIC 8462852.
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En analysant à nouveau les données du programme Kepler, les deux chercheurs ont réalisé que l’étoile ne se contentait pas de perdre périodiquement de la lumière avant de la récupérer : sur les 1 000 premiers jours de la mission, elle a certes perdu environ 0,34 % de luminosité chaque année, mais sur les 200 jours suivants, elle a brusquement terni de 2,5 %. En tout, ce sont donc trois phénomènes de diminution de lumière qui ont lieu simultanément : des “pics” de noirceur réguliers, observés par Jason Wright, une diminution générale de la luminosité sur un siècle observée par Bradley Schaefer et maintenant des diminutions erratiques et moyennes de la luminosité. À n’y rien comprendre.
Pour le moment, aucun des astrophysiciens ayant étudié KIC 8462852 n’ose mettre en avant l’hypothèse extraterrestre, admettant qu’elle ne serait étudiée qu’en dernier recours. Mais jusqu’à maintenant, aucune des différentes explications proposées n’a tenu la route – l’essaim de comètes devrait être immense pour cacher autant de lumière, et l’hypothèse d’une sorte de “nuage interstellaire” placé entre l’étoile et nous résiste mal à l’étude des données récoltées par Kepler. Il ne reste plus qu’à attendre que d’autres télescopes pointent leurs paraboles vers KIC 8462852, à commencer par le réseau de télescopes californien de Las Cumbres, qui va passer un an à surveiller “l’étoile de Tabby” après avoir récolté les 100 000 dollars (90 000 euros) nécessaires via une campagne de crowdfunding. Saura-t-on enfin ce qui cause ces fluctuations de lumière ? Avec cette imprévisible étoile, il y a de bonnes chances pour que le mystère s’épaississe encore.