Selon un juge fédéral américain, la divulgation des méthodes d’espionnage des journalistes par le FBI compromettrait la sécurité nationale.
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Après avoir obtenu, en juillet 2016, le droit d’écouter sans retenue et sans mandat judiciaire les conversations des journalistes américains, le FBI vient d’obtenir de la justice fédérale le droit de garder secret son arsenal d’écoute. L’agence de renseignement était pourtant soumise à un Freedom of Information Act (FOIA) de la part de la Fondation pour la liberté de la presse (FPF), une procédure qui permet à quiconque, citoyen ou association, de réclamer d’une agence gouvernementale qu’elle lui transmette des documents le concernant.
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Dans ce cas précis, la FPF réclamait l’accès aux protocoles du FBI lors de l’émission de “lettres de sécurité nationale” (“National security letters”, ou NSL) permettant au Bureau d’obtenir, sans mandat, des relevés d’écoute téléphonique, des relevés de transactions bancaires ou des informations de souscriptions à des comptes provenant de journalistes, dans le cas où ceux-ci détiendraient des informations nécessaires dans “une enquête autorisée pour protéger le pays du terrorisme international”. En clair, le FBI peut multiplier les NSL comme Jésus multipliant les pains dès qu’un journaliste d’investigation l’intéresse un peu, à condition qu’il invoque la menace terroriste.
En 2013, une enquête d’Associated Press révélait que le département de la Justice avait mis sur écoute, de manière parfaitement secrète, plus de 20 reporters de l’agence, mais aussi d’autres reporters chez Fox News ou au Washington Post. Au-delà du débat sur la légalité et la moralité du procédé, la question restait de savoir par quels moyens techniques le FBI parvenait à ses fins, et c’est exactement ce que la justice fédérale vient de refuser aux associations de défense de la liberté de la presse.
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“Antinomique d’une démocratie qui soutient une presse libre“
Le 14 mars, le juge fédéral Haywood Gilliam a donc considéré que la publication des modes opératoires du FBI, qui incluent, selon les mots du juge, “des instructions pour conduire et gérer des cyberinvestigations”, des “instructions pour enquêter sur des membres des médias d’information et les inculper”, un PowerPoint de présentation des NSL et d’autres joyeusetés particulièrement réjouissantes à entendre pour tout titulaire d’une carte de presse, devait donc être refusée. Motif? Ces modes d’emploi décrivent un éventail de techniques d’espionnage trop large pour être rendu public. Et tant pis pour les journalistes, dommages collatéraux de la sacro-sainte sécurité nationale.
Évidemment, du côté des associations pro-liberté de la presse, on fait la gueule. Contacté par Ars Technica, le directeur de la Freedom of the Press Foundation, Trevor Trimm, a fustigé “une décision extrêmement décevante. Qu’il s’agisse de l’administration Trump ou Obama, le gouvernement ne devrait pas être capable de garder secrètes les règles qui lui permettent d’espionner ses journalistes sans mandat. C’est antinomique d’une démocratie qui soutient en théorie une presse libre. Nous évaluons nos options et nous annoncerons bientôt notre décision de faire appel ou non.” En attendant, le FBI s’en fout, et a toujours toute latitude pour espionner les journalistes un peu trop fouineurs.
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