Pour la justice, géolocaliser un employé toutes les dix secondes est disproportionné

Publié le par Thibault Prévost,

Crédit: Mediapost

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(© Médiapost)

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Désolé pour ceux qui fantasmaient sur les possibilités offertes par les boîtiers de géolocalisation en milieu professionnel, ça ne va pas être possible tout de suite. Le 7 janvier, Next INpact révèle que la Cour de cassation a défini, le 19 décembre dernier, les règles qui entourent le recours à la pratique pour les rendre un peu plus claires et, surtout, fixer quelques limites. Sa décision : géolocaliser ses employés n’est acceptable qu’en dernier recours, si la situation l’exige absolument et qu’aucune autre solution n’est envisageable.

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Dans son article du 7 janvier, Next INpact remonte le fil de la délibération jusqu’à 2012. À l’époque, le Conseil d’État avait fait annuler un décret de 2010 qui permettait aux entreprises de distribution de prospectus publicitaires de préquantifier le temps de travail de leurs employés – en d’autres termes, de les payer pour un nombre d’heures fixe plutôt que de prendre en compte le temps réel de travail.

Pour remédier à ce “problème”, Médiapost, entité du groupe La Poste, sortait de son chapeau le boîtier Distrio, un petit appareil de géolocalisation muni d’un GPS, capable de transmettre la position de l’employé toutes les dix secondes. Rien de moins qu’un mouchard, qui permet de surveiller efficacement les distributeurs placés en régime d’autonomie.

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L’accord du même nom est signé en 2014 entre le groupe et plusieurs organisations syndicales, mais décrié par d’autres (CGT, FO, SUD). “Si on reste trop longtemps sur un secteur ou si on en sort pour aller aux toilettes de l’autre côté de la rue, notre boîtier de géolocalisation envoie une alerte”, expliquait à L’Humanité Jacqueline Saillant, déléguée syndicale SUD Pays de la Loire, en octobre 2017.

Face à la critique, La Poste faisait dûment valider Distrio auprès de la Cnil, mais SUD décidait de porter l’affaire devant les tribunaux. Le syndicat perd les deux premières manches : le 7 juin 2016, le tribunal de grande instance de Lyon donne raison à l’entreprise, avant de confirmer en appel le 13 janvier 2017.

Aux yeux de la loi, le boîtier Distrio, de même que sa surveillance constante, était donc proportionné au cadre dans lequel il est déployé, n’en déplaise au syndicat et à ses propositions alternatives (la présence d’un responsable pour contrôler le rythme des distributeurs, ou un autocontrôle) jugées inappropriées à la situation.

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La géolocalisation ne peut être qu’un dernier recours

Dos au mur, le syndicat décide de se pourvoir en cassation. Et cette fois-ci, la justice lui donne raison, au nom de l’article L1121-1 du Code du travail, précise Next INpact, qui affirme que “nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché”.

Dit clairement, on ne peut pas réduire les libertés fondamentales de ses salariés sans avoir d’excellentes raisons de le faire. La Cour de cassation avait même déterminé, en 2014, que la géolocalisation était “attentatoire aux droits du salarié “ lorsque celui-ci devait déjà remplir un rapport d’activité pour son employeur.

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Dans le cas de Distrio, la Cour de cassation a considéré que “l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail […] n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail”, et que de toute manière elle ne pouvait pas vérifier que le système déployé par Médiapost “était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés”.

En l’absence d’éléments, la Cour a donc annulé les verdicts précédents. Le syndicat SUD s’est évidemment réjoui de cette décision, même si la victoire n’est que partielle : l’affaire devra désormais être rejugée en prenant compte de ce contexte juridique.

À l’heure actuelle, la justice française semble se prononcer plutôt contre la tendance de la surveillance des salariés : en janvier, le Conseil d’État retoquait déjà une entreprise, Odeolis, qui contestait une interdiction de géolocaliser ses salariés émise par la Cnil.

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L’entreprise, qui contrôle les déplacements des véhicules de ses employés depuis 2012, souhaitait utiliser ces données pour contrôler leur temps de travail, ce que la Cnil lui avait interdit. Le Conseil d’État a confirmé la décision, permettant à Odeolis d’utiliser ces données pour facturer les interventions de ses employés à des clients, pas pour surveiller leur travail. Le paradigme orwellien attendra encore un peu.