Le jour de gloire est arrivé. Après des décennies passées à subir en silence l’ignoble hégémonie anglophone sur tout son lexique, l’industrie du jeu vidéo hexagonal a enfin les armes lexicales pour regarder l’Amérique dans les yeux et faire luire à nouveau le phare de la francophonie dans les ténèbres de la mondialisation linguistique. Le 8 avril, la Commission de terminologie et de néologie – dont le boulot quotidien consiste à identifier, traquer et remplacer les anglicismes, cette marée noire qui sans cesse vient souiller les rivages paradisiaques de la langue de Molière – a enfin pris le taureau du jeu vidéo par les cornes pour lui appliquer le ravalement de façade sémantique qui s’impose. Vive la République, vive le Larousse.
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Exit Dehors, donc, les alternate reality game, hardcore gamer, game level designer et autres émétiques massively multiplayer online role playing game (MMORPG, voire “meuporg”), et place à leurs équivalents bien d’chez nous, “jeu vidéo à réalité intégrée (JRI)”, le flamboyant “hyperjoueur (-euse)” ou “jeu de rôle en ligne multijoueur de masse (JRMM)”. Tout à sa volonté de franciser et de simplifier simultanément le lexique spécialisé des jeux vidéo, la Commission nous fournit pléthore de sigles pour la vingtaine de termes francisés, qui devraient à n’en pas douter se répandre comme une traînée de poudre dans les communautés francophones de joueurs. Si cette terminologie nous laisse quelque peu circonspects, nous prenons suffisamment au sérieux la défense de la francophonie pour vous proposer une mise en situation qui vous donnera à coup sûr envie d’adopter définitivement ces nouveaux sigles et expressions françaises:
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“Au début, lorsque j’ai commencé à jouer, je ne voyais ça que comme une pratique occasionnelle. J’essayais un peu de tout, JTO, JTS, quelques JRI de temps à autre, mais ce qui m’a vraiment fait basculer, ce sont les JRMM. A partir de là, c’était foutu, je suis devenu un hyperjoueur. Adieu mes rêves de concepteur de niveau de jeu, mes séances de visionnage boulimique via mes abonnements de VAD et VADA, tout ce que je voulais, c’était brancher mon ordinateur et planter là le monde réel et son ennui atavique.”
Si vous avez tout compris à ce texte, félicitations, vous êtes parfaitement bilingue. Sinon, vous pouvez retourner réviser le lexique sur la page du Journal officiel… en attendant le prochain upload de la Commission.
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