Heiko Maas a prévenu : “Nous devons accentuer la pression sur les réseaux sociaux.” Le ministre de la justice allemand, qui présentait le 14 mars le nouveau projet de loi de son gouvernement pour lutter contre la propagation du discours haineux en ligne, a bien l’intention de devenir le cauchemar de Facebook, Twitter et des plateformes d’échange en ligne en tapant directement sur leur porte-monnaie. Et fort. Après l’expiration, en mars, d’un ultimatum lancé à ces sites afin qu’ils améliorent d’eux-mêmes leurs dispositifs de modération, l’heure est désormais à la répression.
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Selon le texte de loi, tous les messages à caractère haineux (discrimination, négationnisme, harcèlement, etc.) devront désormais disparaître des plateformes dans les vingt-quatre heures, et les contenus “discutables” devront être nettoyés en une semaine. Mieux : dans un second temps, les plateformes devront faire en sorte que le contenu incriminé ne réapparaisse pas dans les flux de contenus. Et si, en 2016, Heiko Maas envisageait des amendes allant jusqu’à 1 million de dollars, le texte de loi présenté le 14 mars va beaucoup plus loin : en cas d’infraction, les amendes pourraient s’élever à 50 millions d’euros pour l’entreprise, tandis que les auteurs de posts haineux pourraient écoper de 5 millions d’euros d’amende.
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La justice allemande aide… Facebook
Après avoir réitéré son intention d’affronter les réseaux sociaux pour leur forcer la main sur une modération jugée trop laxiste, il semble que le gouvernement allemand s’apprête enfin à passer à l’attaque. Si le texte de loi est adopté, l’Allemagne se dotera d’une des législation les plus sévères d’Europe, qui pourrait réellement pousser Facebook et Twitter à modifier leur fonctionnement. Seul petit problème : pour déployer son arsenal de mesures, l’Allemagne devra réformer certains de ses textes de loi.
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Car ironie du timing, l’annonce de ce projet de loi intervient une semaine après le médiatique verdict rendu par le tribunal de Wurtzbourg, qui venait de blanchir Facebook dans son procès contre le réfugié syrien Anas Modamani, qui avait porté plainte contre l’entreprise de Zuckerberg après que son selfie avec Angela Merkel a fait le tour de la fachosphère allemande en le présentant comme un terroriste. Selon les juges allemands, les lois qui gouvernent la diffusion d’informations par les médias ne s’appliquent pas – encore – aux plateformes comme Facebook, ce qui est exactement ce sur quoi s’arc-boutent Mark Zuckerberg et ses avocats, ce dernier refusant obstinément que la justice traite la plateforme comme un média et préférant être vu comme le dirigeant d’une entreprise de high-tech.
Si l’Allemagne veut poursuivre sa stratégie du bâton, elle devra donc faire évoluer son système législatif actuel. Vu la détermination de façade d’Heiko Maas, et lorsqu’on sait que la presse allemande – à l’image du groupe Axel Springer – a refusé de participer à son initiative anti-fake news (contrairement à son homologue français, qui a débuté un partenariat avec le réseau social), tout semble indiquer que le gouvernement allemand tentera d’aller au bout de son offensive. À l’autre extrémité du ring, la parole est désormais à Facebook.