Quand un film très attendu sort en salles, il est toujours amusant de constater l’éventuel fossé entre la critique et le public. Le dernier en date ? Bohemian Raphsody, allumé par les médias, mais acclamé par les salles françaises, avec 4,3 millions de spectateurs en fin d’exploitation.
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Mais depuis dimanche 13 octobre, c’est un autre fossé, cette fois-ci médiacentré, qui fait fureur : celui entre la presse française et un certain comité qui se réunit tous les dimanches soir au micro de France Inter, la bande du Masque et la Plume. Leur victime ? Joker, quatrième meilleur démarrage de l’année devant Toy Story 4, avec plus de 1,5 million d’entrées.
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Car si une majorité des critiques français ont aimé le dernier film de Todd Phillips, les membres de l’émission radiophonique n’ont pas hésité à sortir les lance-roquettes et les chars d’assauts pour détruire la nouvelle production Warner Bros. Ce jour-là, la nuance n’était pas à l’ordre du jour.
“Un film facho”
En témoigne cette série de missiles. On commence par Pierre Murat, un journaliste à Télérama qui n’hésite pas à enterrer Todd Phillips (“un très mauvais metteur en scène”) puis à s’en prendre au physique de Joaquin Phoenix pour ne pas parler de son jeu d’acteur : “Joaquin Phoenix a maigri de 30 kilos, c’est très bien, mais ce n’est pas pour cela qu’il a du talent.”
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Le critique conclut de manière cinglante : Joker serait selon lui un “film facho”, compte tenu de la “façon dont [le réalisateur] arrive à manipuler l’opinion publique”. En cause notamment ? Cette scène (fantasmée par Arthur Fleck, ce que ne mentionne pas et ne comprend pas Pierre Murat) où le personnage de Sophie Dumond, l’amie imaginaire du futur Joker, acquiesce le meurtre sauvage de trois financiers de Wall Street dans le métro.
On poursuit avec Sophie Avon de Sud Ouest, qui était loin de se douter des différentes origines du personnage du Joker (un “personnage secondaire” selon elle), montrées dans les pages de DC Comics depuis sa première apparition en 1940 :
“Je trouve le film détestable, à la fois trop plein et vide […]. C’est assez bête cette mode d’aller chercher un personnage secondaire dans une franchise déjà bien installée. Donc déjà on voit la rentabilité, c’est la grande mode à Hollywood de faire ça – de lui adjoindre un passé, une genèse… Finalement pour en faire quoi ? Un psychopathe de plus alors que le cinéma en est déjà chargé. Qu’est-ce qu’il apporte de plus dans cette galerie de personnages ?
J’ai le sentiment que Todd Philips n’a au fond pas grand-chose à dire. Il ouvre des tiroirs et saupoudre de tout. Il fait un personnage très composite dont il essaie un peu de racheter l’humanité puis en même temps il montre que c’est un grand monstre, et en même temps il en fait un personnage christique, et puis en même temps c’est un salopard. Et sur l’époque, c’est de la poudre aux yeux : on a l’impression qu’il est allé chercher des choses hautement inflammables, et qu’il a tapissé son film par une espèce de légitimité politique”.
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Pour Éric Neuhoff du Figaro, qui critiquait il y a peu son “cher cinéma français” dans une interview donnée à Konbini, Joker ne ressemble qu’à un immense tremplin vers les Oscars pour son acteur principal :
“C’est à la fois vide et répétitif, ça patine tout le temps, ça n’avance pas […]. C’est n’importe quoi, ça ne devrait pas s’appeler Joker mais Oscar, tellement Joaquin Phoenix louche sans arrêt vers la statuette.”
Enfin, Xavier Leherpeur de La Septième Obsession résume à lui tout seul la pensée du Masque et la Plume, évoquant une violence bien trop “faible”, un scénario “bête” et un Joaquin Phoenix qui en “fait trop”.
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“Si la publicité qu’il y a autour de ce film est quand même extraordinaire, c’est surtout la connerie qui terrasse. C’est la première chose : bien avant la violence, qui est petite, c’est une effroyable bêtise ce scénario qui sort de nulle part. Ça devient tellement compliqué de réinventer Batman…
Normalement, le Joker, il tombe dans une espèce de cuve de produits chimiques qui vont le déformer et accentuer son rictus. Là, on a un clown raté, qui commet bêtises sur bêtises pendant les spectacles. Il est aussi atteint d’une pathologie qui lui fait déclencher des crises de fou rire.
Joaquin en fait des caisses. Il fait tout le temps la même chose. C’est une catastrophe de caricature. Au moment où on se dit qu’on ne peut pas faire pire, Robert De Niro débarque. Il n’y a pas de scénario, c’est le nihilisme pour les imbéciles. C’est surtout très bête.”