À l’approche de l’élection présidentielle somalienne, qui doit se tenir le 30 octobre, la candidate Fadumo Dayib se démarque.
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La Somalie n’a pas connu d’élection présidentielle démocratique depuis 1967. Le scrutin du 30 octobre 2016, initialement prévu en août, est donc un événement historique qui intervient dans un contexte instable, aggravé par l’insurrection djihadiste. Mais rien ne décourage Fadumo Dayib, qui reçoit quotidiennement des menaces de mort depuis l’annonce de sa candidature en septembre 2014.
Interrogée par Le Monde sur son statut doublement handicapant de femme et d’expatriée pour diriger son pays, elle répond :
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“Le fait que je sois une femme est positif. En Somalie, pour être élu, il faut être un homme, avoir des cheveux gris et un ventre rond. Nous avons vu où le leadership des hommes a mené la Somalie. Il est temps de donner sa chance à une femme. Je pense que les gens voient en moi un espoir, un nouveau départ pour la Somalie. Comparée à ceux contre qui je vais concourir, j’ai les mains propres. Si je suis élue, je ne demanderai pas de salaire, je ne vivrai pas à la Villa Somalia [résidence officielle du président, ndlr].
Je veux vivre ce que les gens que je représente vivent. Je suis censée être leur serviteur, pas leur maître. Quant au fait que je vive hors du pays… Un tiers du gouvernement actuel est originaire de la diaspora. Ils ont vécu à l’étranger où ils ont eu la chance d’étudier et de donner quelque chose au pays en retour. La diaspora a ainsi énormément d’influence : chaque année, elle envoie près d’un milliard de dollars [environ 900 millions d’euros, ndlr] au pays. Enfin, la diaspora est très présente dans l’administration somalienne. Vivre à l’étranger n’est pas un problème.”
Née au Kenya de parents somaliens, le premier foyer de Fadumo Dayib lui a été arraché quand sa famille a été déportée en Somalie, en 1989.
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Peu de temps après, elle a dû fuir son pays en pleine guerre civile avec ses frères et sœurs, laissant leur mère derrière eux. Elle n’a appris à lire et à écrire qu’à l’âge de 14 ans, en Finlande, le pays où elle a trouvé refuge.
Depuis, elle a obtenu plusieurs masters, dont un de Harvard, et elle travaille sur des questions de santé publique au sein d’organisations comme l’Unicef. Aujourd’hui âgée de 44 ans et mère de quatre enfants, elle est doctorante à l’université d’Helsinki. En tant qu’employée des Nations unies, elle a participé aux programmes de reconstruction du Liberia, qui se remet à peine.
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Dans toute l’histoire du continent, l’Afrique n’a eu que neuf femmes présidentes et 12 Premières ministres, élues ou choisies comme intérimaires. Fadumo Dayib espère être la dixième présidente africaine, même si elle affirme :
“Mon but ultime n’est pas d’être élue, ni d’avoir du pouvoir, mais de provoquer des changements sociaux en Somalie. L’une des façons d’y parvenir est de défier la notion du pouvoir en Somalie, de défier le patriarcat, de défier les privilèges. Pour moi, l’élection de 2016 n’est qu’un début.”
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Traduit de l’anglais par Sophie Janinet