Les potes avant les news : Facebook, le géant de l’information en ligne qui préfère distribuer des photos de bébés et des selfies de vacances, vient d’annoncer qu’il allait (à nouveau) modifier les réglages de son algorithme central, celui du fil d’actualité, pour favoriser le contenu “des amis et de la famille”.
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Cela signifie, en creux, que Facebook réduira volontairement l’espace alloué aux médias en ligne, qui publient un grand nombre d’articles originaux et dont beaucoup utilisent le fil d’actualité du réseau comme un raccourci vers le grand public — c’est le cas, entre autres, de Buzzfeed, de Vice, du Huffington Post et, oui, de Konbini aussi.
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Pour éviter la panique, Facebook assure aux “producteurs de contenu” (c’est comme ça qu’on appelle les médias en ligne, dans la Silicon Valley) que la baisse d’audience consécutive à cette mise à jour sera “faible mais remarquable”, ce qui risque de les faire encore plus flipper pour leurs données de trafic et les revenus publicitaires qui en découlent.
À l’inverse, pour l’utilisateur lambda, voici ce qui devrait se passer : plus de selfies estivaux, plus de statuts borderline du Tonton-pas-Charlie-qui-s’informe-autrement et, oui, plus de photos de marmots. Des gens qui racontent leur vie, en somme, et d’autres qui réagissent à ce qu’ils voient. Un peu ce qu’était Facebook aux origines. Et c’est justement ce qui est étonnant, car l’entreprise de Mark Zuckerberg n’est pas du genre à succomber à la nostalgie de son lustre d’antan.
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Du haut de son milliard et demi d’utilisateurs, le réseau social assumait jusque-là avec un plaisir gourmand son nouveau statut de média de masse. Ainsi, Facebook avait imposé la vidéo, puis la vidéo live, deux tendances que les médias traditionnels se sont empressés de suivre pour rester dans les bonnes grâces du sacro-saint fil d’actualité (quand Facebook ne les paye pas directement pour qu’ils le fassent). Mais le modèle semble avoir atteint ses limites.
Un désert cacophonique et criard
Depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se multiplient sur le tableau de bord gigantesque de Mark Zuckerberg (son petit bureau en open space n’est probablement qu’une façade) : Facebook, conçu à l’origine pour relier des êtres humains entre eux et leur donner l’illusion que leur existence a de la valeur aux yeux de leurs semblables, se déshumanise.
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Un article du site The Information, paru en avril dernier, expliquait que le réseau social avait constaté une chute de 21 % du nombre de partages de contenus “originaux”, tandis que le réseau peine à attirer de nouveaux utilisateurs chez les jeunes. Le cauchemar de Zuckerberg ? Que Facebook devienne un concert cacophonique d’informations, une sorte de revue de presse en ligne géante et déshumanisée, que l’on utiliserait simplement pour chatter et lire les infos du jour.
Replacer le contenu individuel au cœur de son fil d’actualité permet également au réseau social de se distancier des critiques récentes sur son positionnement politique (notamment dans le contexte de l’élection présidentielle américaine) et s’afficher comme un simple diffuseur neutre d’informations. Selon les premières “valeurs du fil d’actualité” publiées par Facebook le 29 juin, un manifeste qui définit en quelques lignes les logiques d’affichage des contenus, la priorité est désormais clairement donnée “aux amis et à la famille”.
“L’humain d’abord”, en somme, mais difficile d’y voir ici un quelconque humanisme : ce qui confère à Facebook un avantage inestimable sur la concurrence, c’est sa collection infinie de données personnelles, qui s’étoffe à chaque contenu individuel créé. Si ses utilisateurs deviennent spectateurs, Facebook devient une coquille vide et Zuckerberg ne le sait que trop bien. Préparez-vous donc à voir moins d’articles et plus de photos de vos amis. Et surtout, n’oubliez pas de liker.
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