Il n’y aura aucune publicité sur Portal, l’appareil connecté présenté par Facebook le 8 octobre dernier pour concurrencer les enceintes intelligentes de Google, Apple et Amazon : voilà ce qu’avait assuré le réseau social. “Quid du traitement des données personnelles ?”, s’était alors demandé la presse spécialisée, pas hyper confiante à l’idée d’installer chez soi un appareil estampillé Facebook, doté d’une webcam et d’un micro.
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Interrogée par Recode lors de la démonstration du produit, l’entreprise avait rassuré son monde, et le journaliste Kurt Wagner avait alors écrit qu’“aucune donnée collectée par Portal – même l’historique des appels ou les données de consommation d’applications – ne sera utilisée pour cibler les utilisateurs avec de la publicité sur Facebook.”
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Bon, en fait, il s’avère que c’est un peu plus compliqué que ça. Le 16 octobre, Recode a mis à jour son article après avoir été contacté directement par Facebook pour modifier un peu sa réponse. Et surprise, les données connectées par Portal pourront bien être utilisées pour vous proposer des publicités ciblées sur Facebook en fonction de vos appels et de votre usage des applications.
Par exemple, explique un porte-parole de Facebook, “l’outil d’appel est bâti sur l’infrastructure de Messenger, donc quand vous passez un appel vidéo, nous collectons le même type d’information que sur les appareils équipés de Messenger. “Ces données, ce sont la durée et la fréquence de vos appels, mais aussi “d’autres données d’usage général, comme l’utilisation totale des applications, etc.”, détaille Facebook. Tout est dans le “et cætera”.
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Non. Non, non, et non
On ne va pas se mentir, cette volte-face n’a absolument rien de surprenant, lorsqu’on se souvient que le business model de Facebook repose sur son expertise inégalée du ciblage publicitaire. L’inverse – que Portal ne récolte pas de données personnelles – aurait été bien plus étonnant.
Pour Facebook, plus encore que pour ses concurrents, imposer une enceinte connectée dans le salon ou la cuisine de ses utilisateurs est l’aboutissement logique d’une stratégie de monétisation de la vie privée.
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Pour preuve, Cheddar révélait le 16 octobre l’existence d’un autre produit en développement chez Facebook, au nom de code Ripley : une webcam à brancher sur sa télévision pour la transformer en Portal géant. Si ce genre de dispositif parvient à se faire oublier dans notre future vie quotidienne, c’est gagné. Excepté qu’avec une réputation pareille, c’est très, très loin d’être gagné.
Ce que dit cette drôle de confusion, écrit Recode, c’est que même les employés de Facebook ne comprennent plus exactement quel type de données est récolté et où se situent les limites de la protection de la vie privée des utilisateurs.
C’est déjà plus inquiétant, et c’est exactement pour cette raison que Portal suscite autant de suspicion dans la presse spécialisée. Et encore, “suspicion” est un euphémisme poli – plusieurs journalistes se seraient carrément écriés “Hell no !” (“Jamais de la vie !”, en français) lors de la présentation de Portal, écrit The Verge.
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Il y a de quoi s’étouffer de surprise : moins d’un an après le scandale Cambridge Analytica et quelques semaines après l’aveu forcé d’une faille de sécurité ahurissante touchant entre 30 et 90 millions de comptes, Facebook nous suggère de lui ouvrir encore plus grand les portes de notre intimité. Sans être capable de nous expliquer clairement comment fonctionne son appareil, et en nous offrant pour toute garantie de sécurité un petit capuchon en plastique pour couvrir l’objectif de la caméra et le micro.
La presse spécialisée ne s’y est pas trompée. Palme de la critique décernée à Gizmodo : “Facebook a prouvé qu’il était néfaste à l’humanité. Mais si vous faites partie de ces nombreuses personnes qui se foutent d’absolument tout, le Portal est pour vous.” Amen.