Le 18 décembre 2018, quelque part au-dessus de l’étendue glaciale de la mer de Béring (le détroit qui sépare l’Alaska de la Sibérie), une gigantesque boule de feu est apparue dans le ciel à la vitesse phénoménale de 32 kilomètres par seconde avant d’exploser à 2 kilomètres d’altitude dans un monumental fracas. En se désintégrant, le météore (de dix mètres de diamètre environ) qui venait de pénétrer l’atmosphère terrestre a libéré dix fois plus d’énergie que la bombe atomique ayant rasé Hiroshima, soit 173 kilotonnes (l’unité équivalente à mille tonnes) de TNT. L’explosion est la deuxième plus importante depuis 30 ans après celle de 2015 au-dessus de Tcheliabinsk, en Russie.
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Contrairement à l’incident russe, abondamment documenté, aucune image, aucun témoignage, et aucune couverture médiatique de l’information n’a vu le jour. Pourquoi ? Car personne ou presque n’a détecté l’événement, extrêmement improbable – selon Lindley Johnson, responsable d’un programme de détection au sein de la Nasa interrogée par la BBC, de tels météores entrent dans l’atmosphère terrestre deux à trois fois par siècle.
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L’explosion, qui a – heureusement – eu lieu dans une zone particulièrement déserte, n’a donc éveillé aucune curiosité civile. Selon la BBC, des satellites militaires américains ont bel et bien détecté l’événement, puisque la Nasa a été informée par l’US Air Force, révèle la BBC. L’agence spatiale a ensuite interrogé différentes compagnies aériennes pour tenter d’en savoir plus, le météore étant entré dans une zone relativement proche de couloirs aériens. Le 8 mars, enfin, l’astronome Peter Brown, de l’université de l’Ontario au Canada, révélait également l’information sur Twitter. Depuis, l’explosion a dûment rejoint la base de données (librement accessible en ligne) qui catalogue tous les astéroïdes entrés dans l’atmosphère depuis 1988, et des photos ont été rendues publiques sur Twitter.
La difficile détection des astéroïdes
Pour résumer, une très, très grosse explosion a eu lieu dans l’atmosphère terrestre, et personne ne l’avait vu venir. En 2005, le Congrès américain ordonnait pourtant à la Nasa de détecter 90 % des astéroïdes de plus de 140 mètres de diamètre d’ici 2020, afin de pouvoir anticiper toute menace et mettre en place d’éventuelles solutions. En 2014, lors d’un premier audit catastrophique, l’agence estimait qu’elle ne pouvait pas détecter plus de 10 % de ces objets géocroiseurs (near Earth objects, ou NEOs, qui se trouvent à moins de 8 millions de kilomètres de la planète) dans le temps imparti.
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Aujourd’hui, s’il faudrait toujours un petit miracle pour que la Nasa y parvienne dans les temps, les progrès ont été conséquents : près de 8 000 astéroïdes ont été détectés, soit… un tiers des 25 000 estimés par l’agence. Seule bonne nouvelle du rapport : les astéroïdes de plus d’un kilomètre de diamètre, capables d’anéantir notre civilisation, sont désormais largement identifiés, selon l’agence – à l’heure actuelle, nous en connaissons 887, et il n’en manquerait qu’une cinquantaine à l’appel.
Ces dernières années, donc, la Nasa a appris à repérer plus efficacement ces NEO capables, au mieux, de causer de gros dégâts à des régions entières du globe. L’agence estime ainsi en détecter 500 nouveaux chaque semaine en moyenne, tout en insistant sur la nécessité de déployer un télescope orbital dédié à l’identification de ces menaces.
En 2017, pourtant, l’agence privilégiait d’autres projets plutôt que de financer le lancement de NEOCam, un satellite de détection d’astéroïdes conçu par la fondation privée B612, au grand dam des chasseurs d’astéroïdes. Selon l’organisation, NEOCam serait capable de débusquer la totalité des objets manquants en à peine quatre ans. Il n’aurait pourtant pas non plus détecté la météorite de la mer de Béring, ni celle de Tcheliabinsk (qui, rappelons-le, faisait près de 1 500 blessés légers et abîmait 7 200 bâtiments), ou les dizaines de millions d’astéroïdes de moins de 25 mètres de diamètre qui peuplent notre voisinage spatial.
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