Ça fait un moment qu’on entend parler des “digital nomads”. Le concept ? Pouvoir vivre et travailler de n’importe où dans le monde. OK, c’est génial tout ça, mais comment ?
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Travailler les pieds en éventail depuis une plage de sable blanc, c’est un peu l’image que l’on se fait de leur quotidien. Plutôt cool, vous direz-vous… Oui sauf, qu’il ne faut pas confondre ce mode de vie avec des vacances, la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît et beaucoup de gens échouent en tentant l’expérience.
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Pour mieux comprendre les aspects de ce nouveau mode de vie, nous avons rencontré des “digital nomads” qui ont entre 25 et 30 ans, aux profils complètements différents.
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Geeske et Rutger sont Hollandais, ils voyagent en couple en travaillant depuis 8 mois maintenant. Après avoir fait le tour de l’Asie et être passés par le Moyen-Orient, ils ont mis les voiles vers l’Afrique du Sud où ils se sont actuellement posés pour quelques semaines avant de repartir vers d’autres horizons. Elle est avocate, lui bosse dans le marketing.
Dans un autre style, Bruno Maltor, l’auteur du blog “Votre tour du monde” est lui aussi un expert du “digital nomadisme”. Bruno a vécu aux quatre coins de la planète : en Australie, au Canada, à Shanghai, aux Philippines, en Europe. Lors de notre interview, il se trouvait à Séville et s’apprêtait à partir quelques mois à Prague. Il a fait du voyage son métier et fait partie des rares à avoir réussi à percer en tant que blogueur.
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C’est à partir de leurs expériences que nous vous avons dressé une liste de choses à savoir avant de se lancer comme “digital nomad”.
Se renseigner sur les démarches légales
Légalement c’est assez compliqué de se “dédomiciler” d’un pays sans s’inscrire dans un autre. En général, les États ne reconnaissent pas vraiment le statut de “nomade”. Ceci dit, Geeske et Rutger ont pris la décision de ne plus se domicilier nulle part, ce qui n’empêche pas d’avoir leurs sociétés encore enregistrées en Hollande.
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En effet, si on est domicilié fiscalement dans un pays mais qu’on travaille à l’étranger, on doit déclarer les revenus et payer les impôts là où on est domicilié. Donc en fait, Geeske et Rutger continuent de payer les impôts de leurs sociétés en Hollande mais ils ne payent plus l’impôt sur le revenu.
Ce qui signifie qu’ils ne cotisent pas pour leur pension et qu’ils n’ont plus droit à la sécurité sociale. Du coup, ils ont souscrit une assurance privée internationale pour leurs soins de santé.
Avoir de l’expérience avant de commencer
Que vous soyez traducteur, community manager, développeur, journaliste, consultant Web, les possibilités sont multiples… Mais quoi qu’il arrive, si en sortant de vos études, vous vous dites, “salut, je me casse, je deviens digital nomad”, il serait sans doute judicieux d’y réfléchir encore un peu.
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Et oui, pour réussir en tant qu’auto-entrepreneur, il faut être bon dans ce qu’on fait et avoir des compétences, des contacts et une clientèle déjà établie. Rutger préconise la patience : “Mon conseil si tu sors de l’université, c’est de rester dans ton pays pendant deux ans, de travailler le plus possible, de faire le plein de contacts et ensuite de partir.” Bruno va dans ce sens aussi : “Il ne faut pas partir tête baissée. Avant de se lancer, il faut tester ton activité à côté de ton job principal. Faut quand même être un peu safe, quand t’es free-lance, il y a des mois plus difficiles que d’autres.”
Ne pas se limiter au niveau du job
Selon Bruno, les gens ne comprennent pas que le côté “digital nomad” peut s’appliquer à énormément de métiers. En fait, il suffit de se poser la question : “Est-ce que j’ai vraiment besoin d’un bureau pour travailler, est-ce que j’ai besoin d’être dans une ville en particulier ?” En effet, beaucoup de métiers sont adaptables à ce mode de vie.
Par exemple, Geeske qui est avocate avait sa propre compagnie de droit dans le secteur immobilier. Elle travaillait pour un public de niche et ne devait jamais se rendre au tribunal. Donc au lieu de régler ses dossiers depuis son bureau en Hollande, elle travaille maintenant depuis l’Indonésie, le Vietnam ou l’Afrique du Sud.
Elle a un petit secret pour donner à ses clients l’impression qu’elle travaille depuis la Hollande : “Skype propose un service qui permet d’obtenir un numéro local. Mes clients appellent donc un numéro hollandais et moi je reçois les appels par Internet sans qu’ils ne se doutent de rien.” Quand il faut envoyer du courrier, elle demande à sa famille de le poster pour elle.
Rutger, lui, a sa société de marketing qu’il a pu monter après avoir acquis assez d’expérience en travaillant plusieurs années en tant qu’employé.
Avoir des économies
Geeske et Rutger ont longuement réfléchi et préparé leur départ.
“On a épargné avant de partir. Je crois que c’est très important pour ceux qui veulent se lancer d’avoir de l’argent de côté. C’est dur de gagner assez d’argent pour vivre confortablement. On est partis avec 15 000 euros (à dépenser) + 5 000 euros de réserve en cas d’urgence pour pouvoir rentrer. Le but était de dépenser le moins possible cet argent.”
Vivre dans des endroits pas chers
Vivre dans des pays au niveau de vie plus bas est idéal, comme l’explique Bruno :
“Un grand avantage, c’est que tu te déplaces et vis dans des pays où la vie est moins chère. Par exemple ici, à Séville, je suis venu parce que c’est une ville qui avait l’air super sympa mais aussi parce que ça coûte rien. J’ai loué une maison en plein centre-ville pour 20 euros la nuit et quand je vais prendre une bière dehors le soir, c’est seulement 1,50 euro. Donc même si tu gagnes ‘que’ 1000 euros par mois, c’est suffisant.”
C’est sûr que si l’on compare à Paris, il n’y a pas photo…. Choisir des villes pas chères, c’est aussi le conseil du couple hollandais : “On a commencé par l’Asie. C’était parfait parce qu’au début, on ne gagnait pas grand chose mais comme ça coûtait rien… ça a limité les dépenses. Ici, en Afrique du Sud, la vie est plus chère mais maintenant, on gagne plus donc ça va.“ Comme la vie quotidienne coûte moins chère, les “digital nomads” peuvent se permettent d’acheter des billets d’avion et de voyager plus (ce qui est quand même le but).
Bien gérer son argent et être patient
“Avant de partir j’avais un très bon salaire, un peu plus de 3000 euros par mois en CDI, je travaillais au service marketing d’un gros groupe médiatique hollandais. Mais j’en ai eu marre à un moment d’aller au bureau tous les jours. Je me suis dit que je pouvais faire tellement plus… Aujourd’hui, j’ai ma propre boîte de stratégie en marketing, je travaille de partout dans le monde et je gagne en moyenne 2000 euros par mois”, explique Rutger.
Pour ceux dont la clientèle faillit un peu, il existe des sites de petits boulots free-lance, aussi c’est important de réactiver tous les anciens contacts pour dire qu’on est disponible même si on n’est pas là. Depuis 4 mois, le couple gagne assez pour ne pas avoir à puiser dans ses réserves. La majorité de leur revenu part en logement et en nourriture, un peu comme n’importe qui sauf que eux vivent aux quatre coins du monde. Les billets d’avion ne représentent que 10 à 20 % de leur budget, si c’est possible, ils prennent le bus ou le train qui sont souvent beaucoup moins chers.
Avoir une bonne connexion Internet
Il n’y a pas de secret, quand on travaille sur le Web, il faut une bonne connexion, sans ça, c’est la m****. La toute première chose que Geeske et Rutger font en arrivant dans un pays, c’est acheter une carte SIM avec un max de 3G. Les prix varient d’un pays à l’autre, en Indonésie et au Vietnam, c’est très bon marché (3,5 dollars pour 1GB) comparé à Oman par exemple (13 dollars pour 1GB). “Il faut toujours se préparer au pire surtout quand les infrastructures du pays ne correspondent pas aux normes occidentales. Quand t’es sur une île et que l’électricité pète, t’es bien content d’avoir ta 3G.”
Aussi, attention, quand vous voyagez, évitez les pays qui bloquent l’accès à Google, Facebook ou Skype… (Et oui, être community manager sans Facebook, ça risque d’être compliqué.)
Combiner slow travel et travail
Il ne faut pas confondre la vie de backpacker avec celle de “digital nomad”. C’est important de prendre le temps de réfléchir à ce qu’on veut vraiment. Voyager ? Travailler ? “Je ne considère pas ce que je fais comme du travail mais oui j’y passe beaucoup de temps, plus qu’un temps plein normal. J’aime bien aussi me poser dans les endroits pour avoir un vrai chez moi. Bouger tout le temps, c’est quand même fatigant. Il faut pouvoir prendre le temps pour découvrir vraiment les endroits”, explique Bruno.
Il semblerait que la clé pour devenir “digital nomad” soit de mixer découverte et “rigueur”. Il faut garder son énergie pour le travail. Les Hollandais font des semaines à temps plein et se lâchent le week-end. Aussi, ils alternent les périodes de travail intense et les moments plus “voyage”. Quand ils le souhaitent, ils partent se poser dans un nouveau pays ou une nouvelle région. Ils n’ont pas d’obligations, aucun plan préétabli, ils se laissent porter par leurs envies. “On achète jamais un billet plus d’une semaine à l’avance”, s’amuse Geeske.
Pour conclure, Geeske, Rutger et Bruno nous ont tous les trois assuré une seule et même chose : ils ne savent pas pour combien de temps ils vont rester nomades mais pour l’instant, ce mode de vie les rend heureux. Et finalement, c’est ça le plus important.