Le 25 mai dernier, les membres du Parlement sont tombés d’accord pour promulguer la loi Urvoas, portée par le ministre de la Justice du même nom, qui prévoit la pénalisation de la consultation de sites Internet faisant l’apologie du terrorisme, selon certaines conditions. Plus précisément, “le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes […] est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende” sauf, dans le cas des journalistes par exemple, “lorsque la consultation est effectuée de bonne foi”. Le 9 août, cette loi controversée, voulue par Nicolas Sarkozy depuis 2007 et qualifiée de “serpent de mer” par Le Monde, a été appliquée pour la première fois.
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L’AFP rapporte ainsi qu’un homme de 31 ans a été condamné par le tribunal correctionnel de Chartres (Eure-et-Loir) à deux ans de prison ferme “pour avoir consulté de manière répétée des sites liés à la commission d’actes terroristes”. Une peine plus lourde que le réquisitoire du parquet, qui ne demandait qu’un an d’incarcération. Jugé en comparution immédiate, l’individu a été placé en mandat de dépôt à l’issue de l’audience.
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Toujours selon l’AFP, l’homme avait été repéré par les services de renseignement après avoir laissé entendre, sur son mur Facebook, qu’il voulait détruire la tour Montparnasse – un élément de l’enquête en théorie aggravant, couplé à la consultation régulière de sites pro-terrorisme. L’homme, qui ne possédait pas de fiche S, est décrit par la source judiciaire de l’AFP comme “un solitaire qui avait coupé les ponts avec sa famille et vivait isolé”, raison probable pour laquelle les menaces proférées n’ont pas été jugées crédibles par les magistrats.
Une loi retoquée par le Conseil d’État
Une première condamnation, donc, pour une loi imaginée et défendue par la droite depuis 2007, dont Nicolas Sarkozy faisait avant sa promulgation un argument de campagne. En oubliant au passage, rappelle Le Monde, que sa majorité avait tenté sans succès de la faire voter en 2012, après les attentats perpétrés par Mohammed Merah. À l’époque, le projet de loi avait suscité l’ire des magistrats, du Conseil national du numérique et même du Conseil d’État, qui y voyait une menace à la liberté de communication et une incompatibilité avec la Constitution française et les textes européens en la matière. La disposition avait donc été supprimée du projet de loi.
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En 2016, la majorité de gauche a entériné la mesure, et le dispositif produit donc ses premiers résultats. Difficile, comme conclut Le Monde, de savoir si la loi résistera à un examen du Conseil constitutionnel. Enfin, impossible de savoir comment le suspect a été repéré par les services de renseignement : les fameuses “boîtes noires” prévues dans la loi Renseignement, qui permettent aux autorités d’avoir accès aux métadonnées des utilisateurs directement auprès des FAI, ont-elles été utilisées alors qu’elles sont toujours théoriquement “en cours d’élaboration” ou bien les preuves ont-elles été récoltées sur l’ordinateur de l’homme après perquisition ? La méthode a beau être floue, les faits sont là : il est désormais envisageable de condamner quelqu’un à de la prison ferme pour consultation de sites Web.