De Mesrine à Afrika Bambaataa, les 1001 vies du photographe Alain Bizos

Publié le par Naomi Clément,

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“Je n’ai pas touché terre pendant quelques années”

K | Ça devait être inédit comme concept dans la presse française de l’époque.
C’était la première fois que l’on voyait ça. Ça a fait beaucoup de bruit, les gens retournaient acheter les deux autres couvertures qu’ils n’avaient pas eues. Le numéro a explosé au niveau des ventes, et Actuel est d’un seul coup devenu un magazine important des années 80.
Et puis à cette époque, Mitterand arrive au pouvoir, et tout change, les radios FM sont autorisées, Radio Nova est créée… Après les années 70 New York, j’ai vécu les années 80 Paris, c’était génial ! Pour Actuel, dont j’étais le photographe maison, je faisais un récit photo d’actualité par mois, j’ai couvert l’Afghanistan, la Pologne, l’Iran, l’Irak… je faisais le grand reporter mais en même temps j’allais faire plein de portraits de musiciens, de scientifiques, d’écrivains… j’ai pas touché terre pendant quelques années, mais c’était passionnant. Et puis personne ne connaissait mon nom dans le milieu de la photographie.
K | Parce que vous veniez du monde de l’art ?
Exactement. Je venais de l’art contemporain. Les gens disaient : “C’est le frère de Jean-François Bizot, c’est pour ça qu’il est là, c’est sûr”, et plein d’autres conneries comme ça, c’était très drôle… Et puis est arrivé le jour où j’ai fait le scoop avec Jacques Mesrine.

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“Enchanté, Jacques Mesrine”

K | Comment on convainc l’ennemi public numéro 1 de poser ? Car il prend complètement la pose dans vos photos !
Ce sont des photos complètement posées effectivement. Je vais vous expliquer. Il y avait quelqu’un à Libération qui s’appelait Gilles Millet. Gilles était quasiment le seul journaliste qui parlait du milieu carcéral dans Libération et il était très connu, connu des avocats mais aussi des gens du grand banditisme qui une fois sortis de prison, acceptaient souvent d’être interviewés par Gilles. C’était le seul qui avait accès à ces gens-là.
Donc quand Mesrine s’évade de la prison de la santé [en 1978, ndlr] il décide de venir le voir à Libération. Il envoie sa copine, Sylvia Jeanjacquot, qui emmène Gilles dans un café. Gilles se retrouve tout simplement face à l’ennemi public numéro 1, qui était alors grimé et qui lui propose d’écrire un livre sur sa vie – ce que Gilles accepte.
Mesrine lui dit :

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On essaie de se retrouver en Italie, j’organiserai le rendez-vous. On fera ça là-bas pour discuter tranquillement pendant quinze jours. Mais il faudrait que quelqu’un fasse quelques photos de nous, pour prouver que ce que vous écrirez n’est pas bidon.

Gilles m’appelle quelques jours plus tard. Sans explication il me traîne dans Paris, et là arrive un couple, que l’on suit sans même se présenter, en silence… On arrive chez eux dans un appartement en rez-de-chaussée, au fond d’une cour. On entre, le mec claque la porte, enlève ses cheveux, ses lunettes, se retourne vers moi et dit :

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Enchanté, Jacques Mesrine.

Je vais te montrer comment je serai quand ils m’auront guillotiné.

Afrika Bambaataa, Grandmaster Flash et Keith Haring