Cyberpunk, fantasy, récit autobiographique : 5 mangas à lire d’urgence

Publié le par Benjamin Benoit,

(© 2014 Ryôma Nomura, Kodansha Ltd.)

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Cavale vers les étoiles

“Cyberpunk is not dead” scande la quatrième de couverture de ce respectable pavé. Écrit et dessiné par Ryôma Nomura – encore un parfait inconnu dans l’hexagone pour l’instant –, Cavale vers les étoiles respecte les clichés du cyberpunk (dont le manga le plus iconique est certainement Blame!), genre qui se raréfie néanmoins un peu dans la pop culture japonaise.

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L’histoire se déroule en 2001, dans un monde uchronique où la Couronne britannique domine technologiquement le reste du monde. Les deux protagonistes sont une bonne vitrine de cet univers. Roku, dont le corps entier est artificiel, vend ainsi des ramen dans un boui-boui du coin afin de se payer des jambes à l’apparence humaine.

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Elle va tomber sur Kinu, une Martienne qui ressemble à une petite fille, laquelle cherche à retourner chez elle et à échapper à un fatras de scientifiques, militaires et tueurs à gages. Objectif : rejoindre Mars donc, qui n’a plus communiqué avec la Terre depuis X années.

Le dessin est parfois un peu brouillon dans les visages et les mouvements (au demeurant très nombreux). Mais ce beau bébé de plus de 300 pages est un condensé d’action à la grande fluidité, comme un jeu vidéo à la Limbo, qui nous pousse à avancer sans cesse.

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Avec un art de la transition et de la bagarre, une bonne traduction et un gros travail sur le lettrage respectivement effectués par Wladimir Labaere et Martin Berberian, Cavale vers les étoiles est une épopée riche et compacte, idéal pour les fans d’évasion et de contrefactuel. En tout cas, dès la couverture, le ton est donné : au premier coup d’œil, vous saurez si vous aimerez ce manga ou pas !

Cavale vers les étoiles, de Ryôma Nomura, est disponible chez Sakka-Casterman (one-shot, seinen)

Our Summer Holiday

Tout commence comme un manga romantique un peu cliché. C’est l’histoire de Natsuru, 11 ans, qui se prend d’affection pour Rio, une fille grande et discrète dont il essaie de capter l’attention. En attendant, il lui reste sa passion pour le foot. Mais il va bientôt faire concrètement connaissance avec elle et découvrir qu’ils ont un très gros point en commun : l’absence des parents.

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Rio et son petit frère vivent en effet seuls depuis la disparition de leur mère, en attendant le retour de leur père, “parti pêcher du crabe”. De son côté, Natsuru va abandonner son camp d’été et emménager chez ces derniers, pour y passer quelques bons moments et avoir la surprise de sa vie.

Avec un style proche de celui de Kii Kanna (jusque-là spécialiste du boy’s love), Kaori Ozaki livre un récit relaxant, dont l’apparence sucrée tranche radicalement avec un événement qui, à mi-chemin, va faire plonger l’histoire dans un tout autre genre. Our Summer Holiday conjugue ainsi l’effet de surprise et un trait doux à l’œil.

Si ce manga, qui se déroule en plein été, regorge de scènes cliché et de tropes très ancrés dans la culture pop japonaise, ces derniers sont cependant au service d’un message cru : celui de l’abandon par les parents. Une œuvre sincère qui n’a pas peur de sortir un peu de sa zone de confort.

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Our Summer Holiday, de Kaori Ozaki, est disponible chez Tonkam-Delcourt (one-shot, shônen)

To Your Eternity

Si vous ne connaissez pas Yoshitoki Ooima, sachez qu’elle a gagné le cœur des otakus avec A Silent Voice (édité chez Ki-oon), un manga mettant en scène une collégienne sourde et muette se frottant à l’indifférence et à l’hostilité de ses camarades – mais ça, ce n’est que le tout début. Précisons que cette série, battant des records de popularité avant même d’être officiellement éditée, vient d’être adaptée en long-métrage.

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To Your Eternity va donc devoir relever le défi de faire mieux. Mais cette fois, il s’agit de fantastique : un être immortel sans nom suit les pérégrinations de plusieurs personnages, mais il ne peut prendre leur forme que lorsqu’il les voit mourir. D’abord caillou, puis loup, puis humain, il fait alors la connaissance d’une civilisation qui s’apprête à sacrifier l’une de ses plus jeunes filles…

S’en suivent moult aventures qui piochent dans moult influences de la fantasy, et un déroulement qui n’hésite pas à mettre un ou deux scuds au lecteur par volume. To Your Eternity frise l’anthologie, puisque dans chaque tome, l’immortel croise un nouveau groupe de personnages. L’occasion pour Yoshitoki Ooima de déployer des trésors d’imagination dans sa narration d’histoires, plus ou moins épiques.

To Your Eternity, de Yoshitoki Ooima, disponible chez Pika (3 tomes publiés en France pour l’instant, shônen)

À nos amours

JP Nishi est l’ingénu officiel de nos commodes Billy remplies de mangas. Après À nous deux Paris et ses deux suites (éditions Philippe Picquier), il poursuit son domaine de prédilection : souligner les différences culturelles entre l’Orient et l’Occident, soit tout ce qui lui paraît improbable dans notre quotidien, et en particulier celui des Parisiens.

Le Japonais cultive les mêmes obsessions depuis une petite dizaine d’années : les gens qui se font la bise, les relations et codes amoureux des Occidentaux, l’apparence et la tenue des Français… Des remarques qui sont parfois déplacées – voire pire –, mais qui nous font dire qu’au Japon, on penserait la même chose.

Avec un style simple, que l’on pourrait trouver dans un webcomic sur le site Pixiv, JP Nishi se concentre sur la relation qu’il entretient avec sa femme, Karyn Nishimura-Poupée (journaliste à l’AFP), et son premier enfant. De ce point de départ vont naître de nombreuses situations décalées mettant en scène tous les tracas que peut rencontrer un Japonais “lost in translation”, qui doit élever son premier enfant et jongler entre deux identités.

À nos amours, de JP Nishi, disponible chez Kana (deux tomes publiés en France pour l’instant, roman graphique)

My Lesbian Experience With Loneliness

Attention, ici on parle de tout – et surtout du pire – de manière froide et clinique. C’est-à-dire la dépression, la solitude, l’automutilation, les troubles alimentaires… Bref, des choses que l’on ne veut pas vivre, ou revivre. Kabi Nagata, jeune femme de 28 ans, vit tout cela au quotidien depuis dix ans, et n’a jamais eu de relations sexuelles.

Dans une société où un habitant sur trois est encore vierge à 35 ans, ce fait est néanmoins plutôt anodin. Mais attirée par les femmes, elle décide, sur un coup de tête, de contacter une agence d’escorts et de voir comment cela se passe. Sa première fois sera un peu désastreuse, mais menée par une professionnelle très douce.

Le récit de Kabi Nagata (seulement disponible en anglais) se structure en trois arcs : avant, pendant et après. Soyons clairs : le début de My Lesbian Experience With Loneliness est dur. Kabi Nagata s’y met à nu – dans tous les sens du terme –, comme très peu d’auteurs le font dans un manga autobiographique. Il faut être prêt à passer un premier quart de lecture difficile : elle y explique posément ce qu’est la solitude, comment un rapport ambigu avec les parents peut cacher quelque chose…

L’ouvrage est paradoxalement très “plaisant” à lire, notamment grâce à son style occidental, un peu cartoon, qui tranche avec le propos. Décrivant un environnement assez optimiste et sans cynisme, il nous propulse dans la tête de Kabi Nagata : nous sommes ainsi à 100 % derrière elle, la soutenant dans ses pérégrinations, tantôt dramatiques, tantôt comiques, avec un certain humour autodépréciatif.

Sa franchise et son point de vue LGBTQ+ – ce genre de témoignages étant rare dans l’industrie du manga – font de My Lesbian Experience With Loneliness la grosse surprise de la rentrée côté anglophone. Vous le trouverez sans soucis sur Price Minister ou Book Depository !

My Lesbian Experience With Loneliness, Kabi Nagata, disponible chez Seven Seas (one-shot en anglais, roman graphique)