Ce mardi 5 décembre, le Conseil de l’Europe a publié un rapport faisant le point sur la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes en Europe. L’organisation intergouvernementale (composée de pays de l’UE et d’autres États européens, comme la Russie ou la Turquie) épingle des “restrictions rétrogrades” ayant entraîné un recul des droits des femmes en matière d’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
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Nils Muižnieks, le commissaire du Conseil de l’Europe aux droits de l’homme, y constate ainsi que “ces dernières années, des menaces résurgentes pour la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes ont émergé en Europe”.
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À la source de ce recul, le rapport identifie “des stéréotypes sexistes, des jugements dévalorisants et des
normes sociales préjudiciables concernant la sexualité des femmes et leurs capacités reproductives”, qui “continuent d’être associés à de nombreux aspects de la vie des femmes”. Ces stéréotypes de genre sont étroitement liés aux législations (ré)établies pour entraver les droits sexuels et reproductifs des femmes :
“Dans certains États membres, des lois et politiques ont eu pour objectif de revenir sur les protections existantes en matière de santé et des droits sexuels et reproductifs, notamment en introduisant des restrictions d’accès à l’avortement et à la contraception.”
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Le rapport met en avant la condition des femmes en situation de précarité, pour qui les “difficultés, lacunes, obstacles et préoccupations sont exacerbés et ont des conséquences supplémentaires” du fait de “discriminations intersectionnelles”. Sont particulièrement concernés “les groupes de femmes qui sont marginalisées en Europe, comme les femmes en situation de pauvreté, les femmes roms, les adolescentes, les femmes handicapées, réfugiées et demandeuses d’asile et les femmes migrantes sans-papiers”.
Concernant l’accès à la contraception, le Conseil de l’Europe constate dans toute la région “un coût trop élevé, une disponibilité insuffisante, des lacunes dans l’information et des politiques discriminatoires”. Sont plus particulièrement cités l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Bosnie-Herzégovine, où on trouve les taux d’utilisation de contraceptifs modernes parmi les plus bas au monde.
L’Arménie, la Russie, la Géorgie, la Macédoine et la Slovaquie sont également pointés du doigt, car ces États ont récemment adopté “des mesures renforçant les critères à remplir pour les femmes afin d’y avoir accès”. Sans compter la Pologne, et sa “loi qui a réintroduit l’obligation d’obtenir une prescription médicale pour accéder à un moyen de contraception d’urgence”.
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Huit états aux lois sur l’IVG “très restrictives”
Si le droit à l’avortement est reconnu dans 40 des 47 États membres, le rapport épingle particulièrement “huit cas” où les lois doivent être révisées pour “préserver la santé physique ou mentale de la femme ou lorsque le fœtus présente une malformation grave ou fatale” : ce sont l’Andorre, l’Irlande, l’Irlande du Nord au Royaume-Uni, le Liechtenstein, Malte, Monaco, la Pologne et Saint-Marin.
Le Conseil de l’Europe rappelle que ces États membres ont des “lois très restrictives, qui interdisent l’avortement dans toutes les situations, à l’exception de quelques circonstances strictement définies”. Il s’agit souvent de risque pour la vie de la femme enceinte ou de cas de viol. Les femmes allant à l’encontre de ces législations peuvent être passibles de peines de prison (allant jusqu’à la perpétuité en Irlande du Nord).
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Les lois moins restrictives ne sont toutefois pas gages d’un accès libre à l’avortement. Le rapport souligne par exemple qu’en Italie sept professionnels de santé sur dix refusent en moyenne d’autoriser un avortement, à cause d’une clause de conscience.
De même, en Turquie, les femmes mariées ne peuvent arrêter leur grossesse que si elles obtiennent le consentement de leur mari. Une “nécessité d’autorisation par un tiers” qu’il est “essentiel de supprimer”, insiste Nils Muižnieks dans des propos rapportés par Le Monde.
Le Conseil de l’Europe évoque également les conditions d’accouchement, notant qu’il y a de considérables disparités ainsi que “des déficiences en matière de garantie d’un niveau de soins adéquat et de respect des droits, de la dignité et de l’autonomie des femmes lors de l’accouchement” qui “persistent dans plusieurs parties de l’Europe”.
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Un constat qui fait directement écho aux 41es journées du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) qui s’ouvrent ce mercredi à Lille. Le collectif “le OFF du CNGOF” s’y mobilise pour dénoncer l’absence “de point général sur la question des violences gynécologiques et de son ampleur”, comme Marie-Hélène Lahaye, autrice du blog Marie accouche là l’a expliqué à Libération.
Le Conseil en appelle aux responsabilités des États
Soulignant combien les lois restreignant l’accès à la contraception et à l’IVG “entraînent toute une série de conséquences graves et préjudiciables à la santé et au bien-être des femmes”, le rapport détaille précisément une série de recommandations pour ses États membres.
Nils Muižnieks a ainsi notamment mis en avant “la responsabilité de l’État de s’assurer qu’un autre moyen d’accès à l’avortement est possible”, expliquant que “l’avortement doit être légal à la demande d’une femme en début de grossesse et jusqu’à son terme si cela peut protéger sa vie ou si elle risque d’être maltraitée”.
Les droits sexuels et reproductifs des femmes sont des droits humains. Ils protègent certains des aspects les plus importants et intimes de nos vies. Les Etats ont l’obligation de les respecter, de les protéger et les réaliser. Lisez mes recommandations https://t.co/veaKUh8l4m pic.twitter.com/ECxtSvFDKz
— Nils Muiznieks (@CommissionerHR) 5 décembre 2017