Le cofondateur du groupe pionnier de la musique électronique Kraftwerk, l’Allemand Florian Schneider-Esleben, est mort à l’âge de 73 ans des suites d’un cancer fulgurant. C’est son fidèle associé Ralf Hütter qui l’a annoncé. Les deux artistes avaient monté ensemble un des groupes les plus influents de la musique mondiale il y a maintenant 50 ans.
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Kraftwerk fut un laboratoire de la musique pop au début des années 70. Il est né dans une Allemagne en pleine reconstruction après le gouffre nazi. Florian et Ralf se rencontrent au conservatoire musical Robert Schumann de Düsseldorf à la fin des années 60. Ils sont tous les deux dans la recherche de l’improvisation et de l’expérimentation.
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La jeunesse allemande est en souffrance et en manque d’identité entre le vide horrifique du passé et le présent très américanisé. Florian et Ralf vont ainsi chercher une voix différente, la musique de l’Europe d’après guerre, à la fois froide, technologique et futuriste. Après une première expérience dans un groupe d’improvisation nommé Organisation, le duo poursuit ses recherches avec la création de Kraftwerk en 1970. Le but, faire table rase du passé et inventer la musique du progrès.
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La Ruhr et le Moog
La Ruhr devient leur terreau, leur principale influence, entre bruits industriels, klaxons et trafic routier. Ils transposent ses nouvelles sonorités avec des synthétiseurs Moog dont Florian Schneider vient de faire l’acquisition. Car Florian est passionné de technologie et sa recherche sonore passe par l’étude analogique des nouveaux usages. Un peu comme Pierre Henry avec le GRM puis Jean-Michel Jarre un peu plus tard, de véritables petites pièces de musique pop vont naître à partir de recherches autour du son.
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Kraftwerk est le mot allemand pour “centrale électrique”. Leur musique est bruyante, faite pour “augmenter la productivité”. En prenant ce nom, Florian et Ralf ont un but caché, celui de faire de la musique comme des machines et non plus comme des humains. Ils cherchent à tout prix à casser la barrière entre la création et l’intelligence artificielle.
Et Florian est sûrement le plus radical à ce sujet avec l’intégration très rapidement de vocoder et de voix artificielle. Dans leur titre phare de 22 minutes, “Autobahn” (autoroute en allemand), hymne aux autoroutes germaniques devenu un succès mondial, transparaît leur attitude mi-candide mi-critique face à la modernité. Visuellement aussi, pendant leurs concerts accompagnés de deux nouveaux membres aux percussions, Florian et Ralph forcent le futur, apparaissant comme des robots aux mouvements saccadés et déshumanisés.
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L’autoroute musicale du futur
Kraftwerk a ainsi un message universel, celui de l’avenir de l’humanité pour le meilleur et pour le pire. Et ils le déclinent en toutes les langues. Leurs premiers albums sont en langue allemande pour mixer ensuite espagnol, anglais, russe, polonais ou japonais. Et les paroles polyglottes se focalisent sur le progrès, l’omniprésence des machines et de l’interdépendance avec la technologie dans la vie quotidienne. C’était au début des années 70 et le futur, nous y sommes maintenant. Donc spoiler : ils avaient raison.
En utilisant quasiment intégralement des machines, Kraftwerk devient le précurseur total de toutes les musiques électroniques avec ses basses électriques, ses nappes de synthétiseurs enveloppantes et ses boîtes à rythmes saccadées. Ce son hors-norme va influencer le monde entier.
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Il va d’abord infuser le rock notamment chez David Bowie sur son album Heroes. Puis la musique de Kraftwerk influencera la disco de leur compatriote Giorgio Moroder ainsi que les nuances froides de la new wave européenne de Depeche Mode, Duran Duran ou Tears for Fears.
Mais le groupe allemand robotique va aussi trouver un écho dans le début du Hip-Hop à New York avec des samples utilisés dans le “Planet Rock” d’Afrika Bambaataa et aussi dans le “Rockin’it” de Fearless Four en 1982, deux disques fondateurs.
Peu de temps après, les albums de Kraftwerk comme Trans-Europe Express donneront la première note américaine de la house à Chicago et de la techno à Detroit. Deux villes industrielles, violentes et froides comme Düsseldorf. La musique innovante synthétique de Florian et Ralf touche sa cible : la jeune humanité qui cherche son futur.
De l’avant-garde au succès pop
Conçue comme une expérimentation avant-gardiste et une performance d’art contemporain, la création de Kraftwerk va finalement devenir un succès pop à travers le monde, notamment grâce aux visions robotiques de Florian mélangées aux écritures universelles et poétiques de Ralf. Florian était finalement l’âme défricheuse de Kraftwerk, son cœur battant à tout rompre vers un futur aussi brillant qu’abyssal. Ses textures sonores et ses mélodies de science-fiction ont emporté la musique mondiale vers une nouvelle ère.
Florian Schneider quitte Kraftwerk à la fin de l’année 2008, il a fait le tour de l’aventure et ne veut pas de remix ou redites. En 2014, il reçoit un Gram Hawarden, récompense décernée chaque année aux États-Unis pour honorer les meilleurs artistes dans le domaine de la musique, pour l’œuvre de leurs vies.