Un manuel qui devrait être utile à bien des parents qui veulent élever des enfants du 21e siècle.
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Au nom de la tradition, beaucoup d’idées réactionnaires continuent à s’imposer autour de nous. Heureusement, l’écrivaine féministe nigériane Chimamanda Ngozi Adichie nous a fait l’honneur d’écrire un guide pour élever une fille féministe.
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Ce manuel/manifeste en plus de 9 000 mots est une lettre à son amie Ijeawele qui, comme la femme de lettres, vient d’avoir une fille. L’auteure de L’Hibiscus pourpre et d’Autour de ton cou y explique à son ami comment faire de sa fille une féministe.
Chimamanda Ngozi Adichie a publié cette lettre sur Facebook, le 12 octobre, et l’a renommée “Chère Ijeawele, ou un manifeste féministe en 15 suggestions”. Après avoir félicité son amie pour son bébé, l’écrivaine introduit son propos en rappelant quelques principes de base sur le féminisme :
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“Pour moi, le féminisme est lié au contexte, il n’y a pas de règle gravée dans la roche. Mais j’ai deux outils féministes que je peux te donner comme point de départ.
Le premier de ses outils concerne le postulat de départ de la personne. Il faut commencer par ta croyance la plus inflexible. Quel est ton postulat de départ ? Le postulat féministe devrait être : je vaux quelque chose. Je vaux autant que les hommes. Pas de ‘si’, pas de ‘autant que’, juste ‘je vaux autant’. Tout court.”
Le deuxième outil est une question: ‘Peut-on inverser une proposition et obtenir les mêmes résultats ?’ Par exemple, beaucoup pensent qu’une réponse féministe à l’infidélité est de rompre avec son mari. Toutefois, je pense que rester peut également être féministe, selon le contexte.
Si Chudi [le père de ton enfant], couche avec une autre femme et que tu lui pardonnes, est-ce que cela pourrait être la même chose si tu le trompes avec un autre homme ?
Si la réponse est oui, alors ton choix de le pardonner peut être féministe, parce qu’il n’est pas le résultat d’une inégalité. Mais la réalité est que dans beaucoup de mariages la réponse est ‘non’, à cause de l’inégalité homme-femme et de l’idée que les hommes seront toujours des hommes.”
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Chimamanda Ngozi Adichie développe son argumentaire en faisant 15 suggestions à son amie, afin de l’aider à éduquer la petite Chizalum en féministe :
- Sois une personne à part entière.
- Fais-toi aider par les autres.
- Lui apprendre que les rôles genrés sont absurdes.
- La prévenir des dangers du “féminisme light”.
- Lui apprendre à lire.
- Lui apprendre à se méfier du langage.
- Ne jamais parler du mariage comme d’une fin en soi.
- Lui apprendre à rejeter l’idée de ne pas faire de remous.
- Lui inculquer l’importance de l’identité personnelle.
- Être cohérente dans ta manière de l’aborder et d’aborder son apparence.
- Lui apprendre à remettre en question le fondement “biologique” des normes sociales.
- Lui parler du sexe assez tôt.
- Ne pas rater ses premières histoires de cœur.
- Lui parler du concept d’oppression, tout en faisant attention à ne pas faire des opprimés des saints.
- Lui apprendre l’importance de la différence.
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Pour aborder le fait que certains au Nigeria pensent que les activités traditionnellement assignées aux femmes ne sont pas compatibles avec le féminisme, ou que féminité et féminisme s’excluent mutuellement, Chimamanda Ngozi Adichie écrit :
“Apprends-lui que les rôles genrés sont absurdes. Ne lui dis jamais de faire ou ne pas faire quelque chose parce qu’elle est une fille. Ce n’est jamais une raison.
Au Nigeria, on a débattu sur les réseaux sociaux sur pourquoi les femmes doivent cuisiner pour leur mari. C’est drôle — comme les choses tristes sont drôles — qu’en 2016, la cuisine représente encore un test pour savoir si une file est bonne à marier.
Savoir cuisiner ne vient pas en promotion avec le vagin. On apprend à cuisiner. Cuisiner et tous les travaux domestiques sont des compétences que les femmes et les hommes devraient avoir. Mais parfois ni les femmes ni les hommes ne les ont.”
L’auteure insiste également sur l’importance du fait d’élever une fille noire dans la fierté de sa couleur de peau :
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“Il faut que tu saches à quoi t’en tenir et que tu lui montres des exemples de beauté et de résilience chez les Noirs et les Africains. Pourquoi ? Parce qu’à cause des rapports de pouvoir dans le monde, elle va voir beaucoup d’exemples de beauté, de réussite et de talent chez les Blancs. Ce sera dans les séries télé qu’elle regardera, dans les livres qu’elle lit. Elle verra aussi probablement des images négatives des Noirs et des Africains.
Apprends-lui à être fière de l’histoire africaine et de celle de la diaspora noire. Trouve des héros, hommes et femmes, noirs dans l’histoire. Ils existent.”
Sur la biologie et le sexe :
“Ne relie jamais la sexualité et la honte. Ou la nudité et la honte. Ne fais pas de la virginité un sujet. Chaque conversation sur la virginité devient une conversation sur la honte. Apprends-lui à rejeter ce lien entre la honte et l’anatomie féminine.”
Sur les femmes qui adoptent le nom de leur mari, ou celles qui le refusent :
“Un compromis serait que chaque couple marié trouve un nouveau nom de famille sur lequel ils soient tous les deux d’accord. Comme ça, le jour suivant le mariage, le couple pourrait passer sa lune de miel à faire changer son nom sur tous les papiers officiels: passeports, permis de conduire, compte en banque etc.”
Si vous vous demandez toujours comment être féministe après ça, vous pouvez lire le reste du manifeste de Chimamanda Ngozi Adichie sur sa page Facebook.