Enfin ! Après des mois d’incertitude – entre la démission de l’ex-garde des Sceaux François Bayrou, les couacs de la majorité et les reculades à répétition –, le projet de loi “Confiance dans la vie politique” a définitivement été adopté par l’Assemblée nationale, dans la soirée du mercredi 9 août. Ce vote fructueux marque la fin de la première session parlementaire de la nouvelle ère Macron, ainsi qu’un bon nombre d’avancées vers plus de transparence dans notre vie publique. Mais on ne peut s’empêcher de regretter l’absence de certaines mesures pourtant promises. On fait le point.
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Au centre de l’attention : la réserve parlementaire. Ce dispositif qui permet à chaque député et sénateur de verser, comme bon lui semble et chaque année, environ 130 000 euros à des associations ou collectivités locales sera aboli progressivement. Soutien nécessaire aux réseaux associatifs pour certains, source de conflits d’intérêts et de clientélisme pour d’autres, ce système a coûté 138 millions d’euros à l’État en 2016. Il est d’ailleurs le seul volet de la loi que le Sénat avait rejeté en bloc, décidant de maintenir ce privilège, le 4 août (ô, ironie). Mais dans la Constitution, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot. Et elle l’a démontré hier soir, à 412 voix pour, 74 contre (le groupe LR non constructif) et 62 abstentions (La France insoumise, entre autres), rapporte 20 Minutes.
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C’est donc principalement autour de la réserve parlementaire que la grogne s’élève. La plupart des députés de droite y voient ainsi une atteinte au soutien aux projets locaux. Sur TF1 quelques minutes après le vote, la ministre de la Justice Nicole Belloubet, porteuse du projet de loi, a tenu à opérer un recadrage : le soutien à des activités locales “ne correspond pas à la mission d’un député ou d’un sénateur”. Un petit tour sur le site Vie publique nous fait effectivement savoir qu’un député “participe au travail législatif [et] au travail de contrôle du gouvernement”. Verser de confortables subsides aux amicales de pétanque en échange de leur soutien pendant les campagnes législatives ne fait donc, a priori, pas partie de ces prérogatives.
Nicole Belloubet a également tenu à rappeler qu’au regard des 3 milliards de subventions versées par l’État aux assos et aux collectivités locales, l’importance de la réserve parlementaire apparaît comme toute relative, même si son montant devrait continuer à être distribué in fine. Mais en période d’économies budgétaires, le doute est permis.
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Fini les vacances payées par l’Assemblée
Si la réserve a cristallisé les tensions (on parle de gros sous, vous comprenez, c’est sensible), le projet de loi marque d’autres avancées positives. Les emplois familiaux, si décriés pendant la campagne présidentielle après les affres de François Fillon, sont depuis aujourd’hui interdits pour les ministres, les sénateurs et les députés. Toute personne qui irait engager son conjoint ou ses enfants risque désormais de se prendre jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans de prison. Deuxième point positif : la réforme est élargie aux membres de la famille dite “du second cercle”. Ex-compagnon/compagne, fils de ma tante, petit copain de ma fille, etc., ces emplois devront désormais faire l’objet d’une déclaration.
Autre avancée de la loi, la très décriée indemnisation représentative de frais de mandat (IRFM) sera soumise à un contrôle bien plus strict. Auparavant, ce joli pactole non imposable de 5 373 euros par mois était utilisé par nos députés comme bon leur semblait. Une liberté source de nombreuses dérives, à l’image de ce député des radicaux de gauche (PRG) qui en aurait profité pour se payer un écran plat, des places de ciné ou carrément des vacances au Club Med au Sénégal. Joli.
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L’IRFM sera donc supprimée et remplacée par un nouveau système de contrôle des indemnités, dont il appartient à chaque assemblée (Assemblée nationale et Sénat) d’en fixer les contours. Cela prendra par exemple la forme d’un versement d’une avance par l’assemblée en question, ou d’une mise en place d’un système de notes de frais. Eh oui, comme monsieur Tout-le-Monde, nos députés vont bientôt devoir présenter des justificatifs pour se faire rembourser les dépenses faites dans le cadre de leur boulot. Ça aura mis le temps.
Et tout ça ?
À première vue, on pourrait se dire que tout ça va dans le bon sens. Mais la loi votée reste bien plus timide que le projet de loi initial. Le “verrou de Bercy” est ainsi maintenu, et laisse à l’administration publique le monopole des poursuites pour fraude fiscale. Pour ses opposants, il constitue une “une atteinte certaine” à l’égalité des citoyens devant la justice. Et il a encore de beaux jours devant lui.
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Idem pour le casier judiciaire vierge nécessaire pour être candidat, cheval de bataille du candidat Macron. Initialement prévue par le projet de loi, sa mise en place a finalement été retirée du texte, le gouvernement craignant que les Sages ne la jugent anticonstitutionnelle. Pas de prise de risque, pas d’avancée non plus.
Quid de l’interdiction des activités de conseil pour les députés ? François Fillon – décidément – avait notamment brillé sur ce sujet en récoltant environ 750 000 euros en trois ans via sa société de conseil 2F, en toute opacité. Ses clients, jamais déclarés, seraient d’obscurs hommes d’affaires étrangers, proches des milieux russes. Est-il légitime, pour un personnage public, d’échanger son influence contre de la monnaie sonnante et trébuchante ?
Le projet de loi présenté par François Bayrou prévoyait donc d’interdire purement et simplement ce genre d’activités, source de conflits d’intérêts et porte ouverte aux lobbyistes. Mais c’était sans compter sur la nouvelle majorité parlementaire, qui a décidé le 28 juillet de vider cette mesure de sa substance. Les députés pourront continuer leur activité de conseil en toute tranquillité, si tant est qu’elle ait été créée au moins un an avant le début de leur mandat. Pétard mouillé, allégorie.
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