Oubliez le Bruce Wayne de Christian Bale. Oubliez le Batman de Christopher Nolan. Zack Snyder, depuis le moyen Man of Steel, est en charge de l’identité ciné de DC Comics, dans le fond comme dans la forme, dans les grandes comme les petites lignes. En lieu et place du discours réaliste et post-11 Septembre de la trilogie fournie entre 2005 et 2012 par le cinéaste britannique, vous trouverez à côté de votre siège un bon gros paquet de pop-corn nommé Batman v Superman : L’Aube de la Justice.
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Qu’est-ce qu’on y trouve ? Des références pop culture, religieuses et mythologiques bardées d’explosions, de flammes, de voitures projetées en l’air tels de vulgaires jouets et de gratte-ciels sombrant en arrière-plan façon puzzle. Si Man of Steel racontait la genèse solaire de Superman, sa suite dépeint sa véritable rencontre avec les petits hommes, cernés par leurs peurs et leurs espoirs, qui voient en lui une figure salvatrice.
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Dans la droite ligne de Man of Steel – son troisième pas dans le monde des comics après 300 et l’excellent Watchmen, Zack Snyder continue d’élaborer un monde fébrile, prêt a s’effondrer et dont les moindres personnages, d’un air pénétré et froid, peuvent s’affronter à tout moment. En témoigne le titre même du film qui voit deux grands super-héros, à travers une affiche qui s’apparente à s’y méprendre à un match de Super Bowl, être placés l’un en face de l’autre.
Et rien ne se fait de manière légère, à l’instar de films Marvel comme les récents Ant-Man et Deadpool : le sérieux prime, l’heure est au jugement, quelques minutes après le rappel de l’histoire (vue, vue et encore revue) de la mort des parents de Bruce Wanye. Une ruelle, un flingue, et puis s’en vont.
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La raison du courroux entre les deux figures mythologiques de DC Comics ? Superman, lors de son combat avec le général Zod dans le premier film, a entraîné des dommages collatéraux colossaux dans les rues de Metropolis, tuant au passage des employés du prince de Gotham.
Dix-huit mois plus tard, Batman, chevalier noir qui marque au fer rouge son symbole de chauve-souris sur ceux qu’il envoie en prison, n’a pas oublié. Il entend faire payer à cet alien qui n’a apporté que violence et destruction sur Terre, le prix de la mort des siens. Un supposé dieu face à un homme au cœur noirci, un alien face à une créature façonnée par Gotham : voilà ce que nous propose, avec un aplomb biblique, Zack Snyder.
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“Bim, bam boum”
Dans une débauche d’effets spéciaux accompagnée d’une BO guerrière signée (évidemment) Hans Zimmer, le cinéaste a rempli votre boîte de pop-corn d’un divertissement peu nuancé mais plus maîtrisé que Man of Steel. Car oui, certaines scènes sont toujours autant difficiles à suivre, tant le cinéaste essaye de filmer ses personnages trop gros et trop puissants pour la caméra, a contrario d’un Nolan qui préférait les combats au corps et à terre dans une lenteur chorégraphique compréhensible.
Snyder réussit pourtant, dans des moments fugaces, à dresser un monde fantastique collant parfaitement à l’esprit des comics Batman, notamment du Dark Knight Returns de Frank Miller, faisant du pied à la trilogie Nolan (de Batman Begins à The Dark Knight Rises), le tout assemblé dans un univers où le gris domine pour faire mieux contraster les couleurs rougeoyantes des flammes comme des lasers qui s’abattent sur la cité.
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Impressionnant Jesse Eisenberg
Et du côté des personnages, qu’on pouvait pressentir pris au piège d’une superproduction hollywoodienne, certains ont assez de place pour s’affirmer à l’écran. Bruce Wayne en Ben Affleck ? Si Internet pestait et se marrait à l’annonce de l’information, l’acteur américain parvient à camper un Batman à l’impressionnante carrure.
Plus sombre et moins british que Christian Bale, il surprend tant le personnage qu’il campe est sensiblement différent, moins romantique et (très) loin de l’histoire d’amour avec Rachel Dawes, remplacée ici par celle, ennuyeuse, qui se poursuit entre Lois Lane et Clark Kent.
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Quant à Lex Luthor, il est la véritable surprise de ce Batman v Superman. Si Heath Ledger incarnait un Joker complètement tordu dans The Dark Knight, Jesse Eisenberg est parfaitement à l’aise dans le costume du génie psychopathe qui, minute après minute, prend conscience de sa folie et du pouvoir qu’il possède, manipulant avec dextérité des super-héros sans recul.
Finalement, Batman v Superman : L’Aube de la Justice se révèle n’être qu’un pré-Justice League qui se raconte à travers une (énième) grande bataille, façon Man of Steel bis. Zack Snyder, images au ralenti et plans larges en forme de peintures de maître, ne propose ni plus ni moins qu’un grand divertissement foutraque dans lequel s’entrechoquent des figures mythologiques sur fond d’une humanité dépassée par ses propres dieux.
Et si c’en était trop ? Dans un rêve halluciné et hallucinant fait par Bruce Wayne au cours du film, le spectateur découvre une Terre déserte et en feu, dystopie d’un monde où Superman, alien kryptonien devenu dieu terrien, aurait sombré dans la folie de son propre pouvoir. Un peu comme Zack Snyder avec les 250 millions de dollars alloués pour réaliser Batman v Superman : L’Aube de la Justice ? On est à une explosion de le penser.