Vous êtes étudiant, jeune chômeur ou actif aux revenus modestes ? Attention, le montant de votre aide personnalisée au logement (APL) risque de diminuer cette année.
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Le portefeuille de milliers d’étudiants devrait significativement maigrir en 2016. Cet été, la Caisse d’allocations familiales (Caf) mettra en place plusieurs mesures d’économies, visant les étudiants les plus aisés, mais pas seulement. En quoi consiste cette réforme ? À quoi pouvez-vous vous attendre ? Explications.
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Loyer plafonné, prise en compte du patrimoine…
Trois changements majeurs sont prévus. À partir du 1er juillet, la Caf diminuera le montant de votre APL si elle considère que vous occupez un logement dont le loyer est “trop élevé” par rapport à vos ressources. Elle instaure un plafond pour le loyer, à partir duquel les aides deviendront dégressives. Les règles de calcul étant complexes, il est conseillé d’utiliser le simulateur de la Caf pour voir à quel niveau vous serez éventuellement concerné.
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Puis, à partir du 1er octobre, le calcul des APL prendra aussi en compte votre patrimoine – c’est-à-dire vos biens et/ou votre épargne – s’il dépasse 30 000 euros. Toujours à cette date, si vous avez moins de 25 ans, que vous êtes rattaché au foyer fiscal de vos parents et que ceux-ci payent l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), vous pourrez dire adieu à l’aide au logement.
Certains jeunes déjà confrontés à une baisse de leur APL
L’inquiétude est justifiée pour certains jeunes, déjà touchés par la révision automatique annuelle de l’APL, qui concerne tous les allocataires. À chaque début d’année, la Caf fait en effet un bilan de votre situation. Si, à partir des données reconstituées en 2016, elle estime que votre situation financière est meilleure qu’en 2015, le montant de l’aide au logement est revu à la baisse.
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En février, les APL de Laure*, 24 ans, ont dégringolé de 210 à 54 euros. Elle a terminé son CDD il y a peu et, avec 1 000 euros d’allocations chômage, paie toujours un loyer de 600 euros à Paris. Comme elle, des milliers de bénéficiaires ont vu le montant de leur aide diminuer de 25 à 75 % par rapport à 2015.
Les jeunes ont découvert la baisse en janvier, ou en consultant leur relevé de compte en février. Flavie, 24 ans, qui garde des enfants à domicile tout en cherchant du travail à Lyon, a “supposé que c’était à cause de la prime d’activité, à laquelle je n’ai même pas droit.” Marie a reçu un courrier a posteriori mi-janvier. À 24 ans, salariée au Smic à Paris, elle reçoit aussi la prime d’activité de la part de la Caf . Mais la somme de ses aides demeure bien inférieure à ce qu’elle était auparavant : “Ces 96 euros viennent s’ajouter aux 76 euros d’APL, mais n’atteignent pas les 309 euros que j’avais en 2015.” Pour les urgences, elle puise dans ses économies.
L’organisme reconnaît que chaque année, des allocataires demandent des explications. Ils n’ont pas toujours gain de cause. De son côté, Élodie, 20 ans, étudiante à Rouen, a essayé de contacter la Caf : “J’ai eu l’impression qu’ils essayaient de noyer le poisson.” Marie a envoyé plusieurs mails avant de s’entendre dire que ses revenus 2014 étaient supérieurs à ceux de 2013 – elle était alors stagiaire. Pierre “sera régularisé, mais il faut attendre quatre semaines”. Laure a envoyé une réclamation écrite, et ses APL seront finalement réévaluées en avril. Elle recevra 166 euros par mois, soit 122 euros de plus que la somme initialement prévue par la révision automatique.
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Des dispositions complexes, au cas par cas
Lorsqu’on interroge la Caf sur cette révision annuelle, l’explication s’avère assez technique :
“Comme chaque année en janvier, les droits de tous les allocataires sont recalculés en fonction de leurs ressources année N-2, ou dans certaines situations à partir de leur salaire de novembre 2015 pour reconstituer une base de ressources annuelle dans le cas de l’application de ‘l’évaluation forfaitaire’. (Selon le Code de la Sécurité sociale et le Code de la construction et de l’habitation)
La seule révision réglementaire introduite par la loi de Finance 2016 concerne la règle des arrondis, qui est maintenant à l’arrondi inférieur.”
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Le seuil d’exclusion, au-delà duquel un jeune n’a plus le droit aux APL, est de l’ordre de 1 100 euros par mois pour une personne seule.
En bref, pour 2016, la Caf se base sur vos ressources de 2014 et/ou votre salaire de novembre 2015. Mais aussi votre situation personnelle et celle de votre foyer (seul, en couple, en colocation, etc.). Elle prend également en compte les caractéristiques de votre logement (prix, surface, etc.) et la zone d’habitation : Paris et son agglomération, les grandes agglomérations ou les autres communes. Sans savoir cela, Meg, 25 ans, qui travaille en parallèle de ses études d’art graphique dans la restauration rapide, à Lyon, a supposé que la modification venait d’un calcul de ses revenus à N-2. En 2014, elle enchaînait les heures supplémentaires au travail : “On était en sous-effectif.”
“À la fin du mois, je n’ai presque plus rien”
Pour beaucoup, c’est déjà la galère : “Sans cette aide de l’État, continuer à vivre à Paris (obligatoire pour trouver un travail dans mon domaine) devient vraiment compliqué”, explique Laure. Prendre un petit job, qu’elle devrait déclarer, lui ferait perdre ses allocations chômage : “Du coup, je suis en mode ‘Koh-Lanta’ : avec mes revenus et mes charges incompressibles, il me reste 40 euros par semaine pour vivre. Je retire cette somme en liquide et fais en sorte de ne pas dépenser plus. Je ne suis pas la plus à plaindre, mais parfois j’aimerais ne pas culpabiliser pendant deux jours parce que j’ai acheté une boîte de Chocapic.”
Élodie, à Rouen, s’en sort grâce à ses économies et l’aide de son père : “Sans lui, je n’aurais pas pu assumer les frais liés à mon appartement et cela aurait mis en péril mes études.” Ils sont plusieurs à se reposer sur leurs parents, à contrecœur, comme Pierre, 19 ans, étudiant à Bordeaux : “Ils m’aident, mais ils n’en ont pas forcément les moyens. J’ai beaucoup de travail scolaire et je ne peux pas travailler à côté des cours.”
Meg a déménagé fin 2015, ce qui a augmenté son loyer : “À la fin du mois, je n’ai presque plus rien. Je fais encore plus attention à ce que je dépense. J’essaye d’économiser sur la nourriture en mangeant le plus possible au travail. Quand c’est trop galère, j’ouvre des commandes de dessin pour arrondir les fins de mois.”
Léa Bucci
* Ces prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.