Qui n’a pas connu ça à 14, 16 ou 18 ans : un quotidien dominé par les bouleversements hormonaux, voyage émotionnel permanent entre bonheurs himalayens et coups de blues abyssaux ? “L’adolescence ne laisse un bon souvenir qu’aux adultes ayant mauvaise mémoire”, écrivait François Truffaut, et plus encore à l’heure où tous ses affres sont partagés en ligne avec la grande communauté de trolls, haters et autres bullies des Internets. Mais en 2017, puisque ce monde n’a plus d’autre âme que celle de la monétisation, on apprend ce mardi que Facebook aurait mis en place un programme qui permettrait à ses algorithmes de repérer, via des champs lexicaux, quand ses utilisateurs adolescents sont en pleine crise d’estime de soi, histoire de mieux leur proposer des publicités ciblées – et incidemment de faire rentrer de force dans leur cerveau malléable l’artificielle relation de causalité entre consommation de biens et épanouissement personnel.
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The Australian, qui révèle l’information, a publié le 1er mai un rapport de 23 pages, daté de 2017, en provenance directe de la branche australienne de Facebook, qui n’est rien de moins qu’un argumentaire de vente à destination de potentiels publicitaires. Selon le rapport, les algorithmes de Facebook sont désormais capables de déterminer et d’offrir aux régies publicitaires “des moments durant lesquels les jeunes ont besoin d’un boost de confiance”. Et l’entreprise de se faire plus précise en listant un catalogue d’états émotionnels identifiés en fonction de l’utilisation faite de son service par les ados – “anxieux”, “inutile”, “stressé”, “sentiment d’échec”, “pas sûr de soi”, “vaincu”, “stupide” ,“bouleversé”, mais aussi des moments où les adolescents veulent “être beaux et avoir confiance en [leur] corps” ou “faire de la musculation et perdre du poids”. Autant de points de vulnérabilité identifiés chez un public de mineurs, parfois âgés d’à peine quatorze ans, que Facebook semble déterminé à transformer en opportunités commerciales.
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Facebook, un lourd passif de manipulations d’utilisateurs
Selon The Australian – qui ne publie cependant aucune capture d’écran des documents soi-disant en sa possession -, le programme serait pour le moment “réservé” aux 6,4 millions d’étudiants australiens et néo-zélandais. Mais Facebook, habitué des manipulations à grande échelle de sa base de données utilisateurs simplement pour voir comment elle réagit à des stimuli, pourrait tout à fait décider de généraliser son programme de détection des émois adolescents, et ce en toute légalité.
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La première réponse de Facebook aux accusations de The Australian était d’ailleurs particulièrement vague, l’entreprise évoquant “un processus défectueux” et une volonté de “corriger la négligence”. Elle s’est depuis reprise dans un communiqué apocryphe, assurant que “Facebook n’offre pas d’outils pour cibler les gens en se basant sur leur état émotionnel” et que le rapport déterré par le journal servait simplement à “aider les publicitaires à comprendre comment les gens s’expriment sur Facebook.” Des recommandations au ciblage, il n’y a qu’un pas.