Déroutée par l’édition du 5 mars dernier de Zone interdite, qui promettait de décrypter le phénomène du tatouage, l’association Tatouage & Partage demande aujourd’hui des excuses à la chaîne M6, appelant à “un documentaire sur le vrai monde du tatouage”.
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Le 5 mars 2017, l’émission Zone interdite de M6 dédiait un reportage de près de deux heures au monde du tatouage. Baptisé “Tatouage : phénomène populaire ou tendance éphémère ?”, l’épisode, qui venait clôturer la cinquième édition du Mondial du tatouage de Paris, promettait de décrypter “ce phénomène de société qui séduit autant les filles que les garçons”, en partant “à la rencontre de ceux qui vivent le tatouage comme une passion et parfois une addiction”, du tatoueur français Mikael de Poissy aux yakuzas en passant par Nabilla et l’ultramédiatisée Kat Von D.
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Un “échec” journalistique qui offre “une vision misogyne, obsolète et caricaturale” du tatouage, selon l’association Tatouage & Partage. Cette dernière, qui exige aujourd’hui des excuses de la chaîne à travers une pétition, a décidé de s’exprimer haut et fort à travers la voix du tatoueur Steve Golliot-Villers. Un témoignage pertinent, que Konbini a choisi de relayer.
En cédant aux pires poncifs du tatouage, l’émission de M6 Zone interdite du dimanche 5 mars 2017 a privilégié le sensationnalisme à un réel travail journalistique et a échoué à présenter le tattoo sous son vrai jour. L’association Tatouage & Partage répond à la chaîne à travers la voix de Steve Golliot-Villers, tatoueur à Perpignan.
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Une triste entrée en matière
Commencer un reportage sur le tatouage en France par un camouflet à la profession est une bien mauvaise entrée en matière. Personne ne vous a dit que le tatouage “à domicile” est interdit dans notre pays ? Nul n’est censé ignoré la loi, cependant vous prenez d’entrée une distance étrange avec votre sujet, en choisissant ce que notre profession peut compter de pire.
Sans compter que lorsque l’on reproduit un tableau de Joan Miró, on n’en choisit pas les couleurs et on n’en trahit pas le trait. Détails ? On se demande ce que le travail de Mickaël de Poissy vient faire après celui d’un scratcheur. Comme si vous hiérarchisiez l’intérêt en faisant passer le fraudeur avant les professionnels établis.
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Cet intermède de qualité sera bien vite oublié quand votre émission prend les couleurs d’un Confessions intimes dépeignant une anecdotique famille – mal – tatouée, les “Tuche” du tatouage en quelque sorte.
Quel intérêt ?
Une ligne éditoriale orientée se met en place, à travers une multitude de clichés concentrés en l’espace de quelques minutes. Le mauvais goût est subjectif, certes, mais en aussi grande quantité, en aussi peu de temps, cela relève d’une volonté particulière. Comme si l’on voulait souligner une appartenance à une classe sociale inférieure, un archétype de “beaufitude” correspondant malheureusement assez mal à la réalité d’un tatouage français qui, en quelques années, a gagné en profondeur et en culture. Soit.
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L’exemple Kat Von D
Kat Von D, que dire ? La plus “people” des tatoueuses, icône pour beaucoup, frimeuse pour d’autres ; on ne voit pas vraiment ce que la “Kim Kardashian” du tattoo vient faire dans une émission sur un “phénomène populaire français”. À aucun moment, elle n’en parle. Hors sujet.
Toujours plus loin, loin du sujet, la bande de demoiselles rose bonbon et les “règles secrètes du tatouage” : sympathique, mais ridicule. Et sexiste. Très.
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La tatoueuse d’Épinal apprend à dessiner après avoir commencé à tatouer et on rejoint le fait que tout le monde peut tatouer, “même le boucher du coin”. Le message passe : le tatoueur bricole, le tatoueur bidouille.
Les yakuzas
“Mon tatoueur chez les yakuzas” aurait probablement fait un très bon reportage autonome mais, encore une fois, on ne voit pas vraiment ce que cette séquence vient faire dans ce qui a été annoncé comme un reportage sur le tatouage en France, à part commencer à enfoncer le clou des sempiternelles passerelles entre tatouage et criminalité.
Comme le sujet sur les anciens du “black and grey”, on passe des yakuzas aux gangs latinos, toujours les rapports entre crime et tattoo, mais aux États-Unis, rien à voir avec la France.
Et soudain c’est le drame : le reportage se mue en campagne de publicité pour le détatouage, un peu comme si un reportage sur les grands crus du Bordelais se transformait en documentaire sur la cirrhose, ou si un reportage sur la Scuderia Ferrari se muait en compilation d’accidents de voiture. Du jamais-vu.
Charlotte, qui étale la vulgarité sans nom de sa piscine d’intérieur, de sa fourrure et de sa décoloration ratée, se pose en arbitre du bon goût, parce que “ça fait mauvais genre” d’être tatouée chez ses amis parvenus. Diantre !
Soit dit en passant, on nous assène encore une image valorisante de la femme, vénale, inconstante et écervelée.
“Le festival est modeste”
Les seules pointes d’ironie, qui auraient pu concerner tellement de personnages loufoques de ce reportage, portent sur le village – “Malgré le cadre bucolique, le festival est modeste” (il faut m’expliquer avec 10 000 visiteurs) – et sur les chaises en plastique destinées à maître Honda qui, il faut le rappeler, tatoue au sol… Ceux qui ont conçu ce documentaire n’avaient peut-être pas pris le temps de regarder cette séquence de leur travail.
Et on reprend une couche de “comment se débarrasser de son tatouage” : le “cover”, avant de culminer dans l’obscénité avec une pseudo-star comme seule la téléréalité peut en produire : Nabilla. Celle qui a ouvertement fait carrière sur son image d’idiote sur-poitrinaire achève ce reportage où, à une exception près, toutes les femmes sont dépeintes comme des cruches tatouées.
Les leçons lourdement appuyées que veulent nous donner nos “amis” de M6 : le tatouage est au pire un truc de beaufs, d’immatures, au mieux de criminels exotiques, de toute façon vous n’en voudrez plus donc vous passerez au laser, et si vous êtes une femme, c’est normal, parce que vous êtes idiote.
Focus sur le détatouage au laser avec @Nabilla #ZoneInterdite avec @ophmeunier, ce soir à 21:00 pic.twitter.com/lOWu9wr4sg
— M6 (@M6) 5 mars 2017
Le tatouage en France et en Europe
La pratique du tatouage en France, en Europe, se perpétue depuis un passé lointain, son évolution et son développement récent lui ont donné une visibilité qu’elle n’avait pas connue jusqu’à maintenant. Un reportage sérieusement construit aurait pu prendre la peine d’éviter les sempiternels clichés et casseroles habituels. Le monde du tatouage en France est culturellement riche, ses adeptes appartiennent à tous les milieux et à toutes les cultures. Les courants qui s’y mêlent créent sans cesse de nouvelles formes d’expression, et les nouvelles générations de tatoueurs, libérées des ghettos de leurs aînés, osent l’enrichir encore plus. Voilà ce qui devrait apparaître à l’écran. Voilà ce qu’a raté M6.
Une pétition pour redorer un blason écorné
Bien décidée à manifester son mécontentement, l’association Tatouage & Partage a mis en ligne une pétition sur internet, libre d’accès juste ici.