En utilisant leur soie comme un ballon propulsé par le champ électrique de l’atmosphère terrestre, les araignées peuvent voyager sur des distances phénoménales.
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Le saviez-vous ? Les araignées volent. Mieux que ça : elles sont capables de se déplacer en volant sur des milliers de kilomètres. En 1832, raconte The Atlantic, un jeune naturaliste du nom de Charles Darwin avait déjà fait cette observation en découvrant le pont de son bateau, le HMS Beagle, envahi par des milliers d’arachnides… alors qu’il voguait à près de 90 kilomètres des côtes argentines.
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Grâce à des observations successives, on avait fini par mettre à jour la technique très particulière des araignées pour se déplacer, parfois à plusieurs kilomètres d’altitude et à plus de 1 600 kilomètres de leur point d’origine. Pour voler, nos amies arachnides utilisent la technique dite de la “montgolfière” — “ballooning” en anglais : lorsqu’elles ont besoin de s’échapper rapidement, elles grimpent sur un point surélevé de leur environnement, se dressent sur leurs huit pattes, pointent leur abdomen vers le ciel et éjectent des fils de soie très fine, qui forment une sorte de voile.
Lorsque ces fils sont pris dans les courants d’air, la portance est alors suffisante pour emporter l’arachnide, parfois à des distances ahurissantes. Du moins, c’est ce que l’on croyait jusque-là, tout en ayant quelques doutes : la technique n’était observée que lors de vents très faibles, qui ne suffisaient pas à expliquer la vitesse de décollage des espèces les plus grosses — Darwin lui-même qualifiait cette accélération d’“inexplicable”. En 2018, presque 200 ans plus tard, le mystère vient d’être résolu.
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Détection de variations électrostatiques
Le 5 juillet, un long texte de The Atlantic rapportait les travaux de deux biologistes britanniques de l’université de Bristol, Eric Morley et Daniel Robert, récemment publiés dans la revue Current Biology. Ces remarquables recherches ont montré, expériences à l’appui, que non seulement les araignées sont capables de détecter précisément les champs électriques et, plus généralement, les changements dans l’environnement électrostatique, mais qu’elles les utilisent pour voler en suivant la technique de la répulsion électrostatique. En clair, les araignées se déplacent en lévitation.
Et voilà comment ça fonctionne : lors de leurs expériences, les deux chercheurs ont d’abord observé que la présence d’un champ électrique déclenche une réaction dans les poils des pattes des araignées, appelés trichobothries — à l’image de vos cheveux qui se dressent lorsque vous frottez un ballon en plastique sur votre tête. Immédiatement après cette réaction, les araignées se livrent à un comportement de “ballooning” — dressées sur leurs pattes, abdomen vers le ciel. Lorsque le champ électrique s’arrête, l’arachnide reprend un comportement normal.
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La Terre est un circuit électrique
Maintenant, il faut se souvenir que l’atmosphère terrestre est, à bien des égards, un circuit électrique géant. The Atlantic rappelle que chaque jour, en moyenne, 40 000 orages éclatent partout dans le monde, ce qui génère un mouvement continu d’électricité entre l’ionosphère et le sol. Autrement dit, il y a constamment de l’électricité dans l’air, même par temps clair – le ciel est alors chargé à hauteur de 100 volts par mètre d’altitude. Par temps d’orage, le voltage peut monter jusqu’à 10 000 volts. Lorsque les araignées éjectent leur soie, celle-ci est typiquement chargée négativement, tout comme la surface sur laquelle l’araignée se tient. Les deux forces négatives se repoussent suffisamment fort pour faire décoller l’arachnide dans l’air, chargé, lui, positivement.
Pour augmenter la force de répulsion, l’araignée peut aussi se placer sur un brin d’herbe ou une feuille, puisque les végétaux, reliés à la terre, sont eux aussi chargés négativement, explique The Atlantic. Avec ou sans vaisseau, la lévitation électrostatique est si efficace qu’elle lui permet de traverser des distances formidables. L’idée, déjà imaginée en 1830, avait également été ressuscitée en 2013 par le professeur Peter Gorham, de l’université d’Hawaï, qui avait prouvé sa cohérence théorique, sans toutefois pouvoir la tester en pratique. C’est désormais chose faite, et Darwin peut être fier : une fois encore, l’évolution a démontré son extraordinaire créativité.
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