Il s’agit d’une loi pour combattre la cruauté et marquer notre détermination à prendre position contre les meutes aboyant sur Internet.
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“Cruauté”, “meute”… Grayling n’y va pas de main morte. Et il en remet une couche, façon champ sémantique venimeux :
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Ces trolls d’Internet sont des lâches qui empoisonnent la vie de la nation. Personne ne tolèrerait que l’on distille un tel venin en personne, donc cela n’a pas non plus sa place sur les réseaux sociaux.
Une belle introduction dramatique pour faire accepter l’idée aux électeurs : le conservateur affirme être “déterminé à quadrupler” la peine encourue pour ce genre de délit, alors qu’elle est de six mois pour l’instant.
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Antécédents britanniques
Évidemment, du trolling par esprit de contradiction au harcèlement en ligne, il s’agit d’être clair. A priori, le gouvernement britannique pense plutôt aux véritables fauteurs de trouble d’Internet, comme Sean Duffy, internaute étrangement appelé “troll” par la BBC en 2011. L’individu de 25 ans au moment des faits s’était amusé à se moquer violemment d’une adolescente de 15 ans qui s’était suicidée.
Ajoutant le mauvais goût au mépris, il avait posté une vidéo sur YouTube qui mettait en scène une locomotive à visage humain : la jeune fille avait alors choisi d’en finir en se jetant sous un train. Duffy avait alors été condamné à quatre mois de prison.
Mais l’attitude véhémente de Chris Grayling envers les trolls d’Internet peut également faire référence à la campagne de dénigrement sur Twitter qui a visé il y a peu les parents de la jeune britannique Madeleine McCann, ou “Maddie” dans les médias, disparue en 2007 dans le sud du Portugal. Actions individuelles, actions collectives… la loi englobera-t-elle tout le spectre des comportements anxiogènes en ligne ?
En France, deux ans de prison pour le cyber-harcèlement
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
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Harcèlement en ligne ou trolling ?
Mais entre ce qui relève du trolling et le harcèlement en ligne, il s’agit de faire la différence. Si le gouvernement britannique veut sanctionner le cyber-harcèlement, il doit être clair dans sa définition du crime. En effet, de nombreux comportements en ligne, dont certains sont écrits de manière ironique et sans volonté malveillante, risquent sinon de tomber sous le coup de la loi.
Invité par feu-Owni, le sociologue Antonio Casilli, n’hésite pas à prendre la défense des trolls, ces êtres aigris et incompris : “le trolling ne doit pas être considéré comme une aberration de la sociabilité sur l’internet, mais comme l’une de ses facettes”. Le chercheur trouvait même à leur attitude agaçante une utilité lorsqu’il poursuivait :
Parfois, le trolling est utilisé pour contester l’autorité des autres et remodeler les hiérarchies établies dans les forums de discussions ou les médias en ligne. De ce point de vue, malgré leur attitude perturbatrice, les trolls peuvent aider les communautés en ligne à évoluer – et les cultures numériques à développer de nouveaux contenus et de nouveaux points de vue.
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On rappelle que l’activité favorite des trolls, le fameux “trolling” serait “le fait de se comporter de manière destructive, disruptive et menteuse dans un contexte social sur Internet sans poursuivre un but apparent”, selon une étude menée conjointement par trois universités canadiennes.
Ces travaux, qui ne sont pas les uniques en la matière et restent à relativiser, en arrivaient à la douloureuse conclusion que les trolls sont des individus au comportement “sadique” et même carrément “psychopathe”.