Vaj Graff a customisé une célèbre statue de Bristol à l’effigie de la reine Victoria. Polémique, son acte a pour but de pointer du doigt l’inégalité femme-homme persistante dans le street art.
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“La reine Victoria était une féministe avant l’heure. Donc j’ai voulu la montrer dans toute sa splendeur.” C’est ce que l’artiste Vaj Graff a expliqué à ses détracteurs qui l’accusent d’avoir “vandalisé” une statue à l’effigie de la reine Victoria, vieille de 127 ans, située à Bristol. Son crime : elle lui a dessiné une vulve.
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“Beaucoup de haters disent que c’est du VANDALISME. Ce n’est pas du vandalisme. C’est un manifeste. RESTEZ DEBOUT. SOYEZ FIÈRES ET AIMEZ VOTRE VAGIN”, a écrit l’artiste sur son site. Rien que son surnom indique qu’elle s’est donné pour mission de répandre le féminisme en célébrant le vagin grâce à l’art, une sorte de courant artistique qui a été largement critiqué.
La statue, qui représente une reine supposée parmi les plus prudes de l’Histoire, a été érigée sur cette place à Bristol en 1887, après le jubilé d’or (le cinquantième anniversaire) de la reine Victoria. Et elle a subi un ravalement de façade classé x, dont le but était de dénoncer la domination des hommes dans le monde de l’art. Interviewée par le Bristol Post, l’artiste a expliqué que les hommes dominent l’art et notamment l’art de rue. “Donc je dois représenter [les femmes]. Je dois redresser la balance”, conclut-elle.
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“C’est difficile d’expliquer cela à quelqu’un qui n’est pas originaire de Bristol, mais si vous l’étiez, vous sauriez que Banksy est une attraction touristique”, a-t-elle expliqué à Mic, avant d’ajouter que “le conseil de la ville de Bristol protège des choses qu’il criminalise en même temps.” Selon elle, même si de plus en plus de femmes se lancent dans le street art, le public et les gens qui font autorité dans le monde de l’art ne perçoivent pas leur travail de la même manière que celui des hommes.
“Le street art est plein de QUEUES et je ne parle pas seulement des TROUS DU CUL avec leur canette de bière. Je parle de ces grosses QUEUES dessinées sur tous les murs de BRISTOL.”
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Elle marque un point. Dans cette ville anglaise, vous trouverez des pénis dessinés sur les murs des toilettes, dans les couloirs des écoles, entre deux graffitis le long des voies ferrées. Mais contrairement à l’acné et à l’effet de groupe, l’habitude de dessiner des phallus sur n’importe quoi et un peu partout ne disparaît pas après l’adolescence. Banksy lui-même a ainsi “marqué son territoire” en peignant un homme nu pendu sous une fenêtre près d’une clinique. “Les gens ont assez d’admiration pour Banksy, mais pas assez pour VAJ”, regrette l’artiste sur son site, en soulignant que les deux dessinent des organes génitaux.
Les graffitis de Vaj Graff provoquent des réactions contradictoires, comparé à ses pairs masculins, surtout de la part des médias. “Bristol aime se vanter de son street art mais quand c’est quelque chose de réel avec un message réel, elle ne peut pas le gérer”, lâche l’artiste, en faisant référence aux œuvres de Banksy.
Une pétition pousse l’artiste à s’excuser pour cette œuvre polémique, mais elle n’a recueilli que six petites signatures. Pendant ce temps-là, une autre pétition circule, en soutien à Vaj Graff. Elle s’intitule “Bring Back the Vaj” – traduisez “rendez-nous le vagin” –, avec, au passage, un jeu de mots avec le nom de l’artiste.
@bintykins @VajGraff @BBCBristol I think it looks great. So many men offended by a bit of muff
— Emily Owen (@TomboyPrincess) January 8, 2016
Traduction : “Je trouve que c’est génial. Tellement d’hommes offensés par un peu de toison pubienne.”
@BertramFiddle @VajGraff And having the female body censored in classical art teaches girls to be ashamed of their bodies.
— Station to Station (@nick_gonzo) January 8, 2016
Traduction : “La censure du corps féminin dans les cours d’art classique enseigne aux filles à avoir honte de leur corps.”
Mais peut-on vraiment dire que la reine Victoria était féministe ? Elle est tristement connue pour avoir prononcé ces paroles : “Les féministes mériteraient un bon coup de fouet.” De plus, à l’époque victorienne, les femmes étaient soumises à des règles sociales affligeantes et la monarque refusait de leur accorder des droits, comme voter, devenir propriétaire, divorcer, parce que ce n’était pas la norme. Alors, aussi puissant que soit le manifeste de Vaj Graff – il envoie un message clair, indépendamment de sa prétendue vulgarité –, sa cible n’était peut-être pas la bonne.
Toutefois, malgré les faiblesses de sa justification – comme la petitesse de ses propos à l’égard de Banksy –, Vaj Graff n’a pas tort quand elle pointe l’inégalité dans le monde de l’art.
Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.
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