La liste des repentis de la Silicon Valley continue de s’allonger. Ce 11 décembre, rapporte The Verge, Chamath Palihapitiya, invité à s’exprimer à la Stanford Graduate School of Business, a tenu un discours extrêmement sévère à l’égard de Facebook, chez qui il a occupé le poste de vice-président chargé de la croissance des utilisateurs entre 2007 et 2011.
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Confessant se sentir “immensément coupable” du rôle qu’il a joué dans la transformation du réseau social en l’entité omniprésente que nous connaissons aujourd’hui, Chamath Palihapitiya a eu des mots extrêmement durs à l’encontre de son ex-employeur, expliquant qu’il utilisait désormais Facebook aussi peu que possible et que ses enfants n’avaient “pas le droit d’utiliser cette merde”.
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“Je pense que nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social”, a-t-il détaillé avant d’encourager son public à prendre ses distances avec les réseaux sociaux. Des critiques valables selon lui non seulement pour Facebook, mais pour tout l’écosystème numérique, désormais omniprésent – et omniscient – dans nos consciences.
“Vous ne le réalisez pas, mais vos comportements sont programmés”
“Les boucles de réaction à court terme basées sur la dopamine détruisent les mécanismes de la société”, a-t-il indiqué en s’en prenant aux interactions virtuelles quantifiées par “des cœurs, des likes, des pouces en l’air”. Et de poursuivre son monologue en abordant des rivages orwelliens :
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“Il n’y a plus de discours civil, plus de coopération ; seulement de la désinformation, de la défiance. […] Vous ne le réalisez pas, mais vos comportements sont programmés, vous êtes programmés. Ce n’était pas intentionnel, mais maintenant, c’est à vous de décider quoi abandonner, à quel point vous êtes prêts à renoncer à votre indépendance intellectuelle.”
Si le témoignage de Chamath Palihapitiya, qui pondère néanmoins son propos en affirmant penser que Facebook “fait majoritairement le bien dans le monde”, est pour le moins inquiétant, il n’est que le dernier exemple en date de la repentance des anciens hauts gradés des réseaux sociaux, lesquels semblent de plus en plus nombreux à être pris d’une sorte de syndrome de Frankenstein, réalisant après une décennie d’enthousiasme que leur créature révolutionnaire a muté en une entité malfaisante.
Fait rarissime, Facebook a répondu aux critiques de son ancien employé, le 13 décembre… sans réellement se défendre des accusations proférées. Plutôt que d’accuser Palihapitiya de mensonge, l’entreprise a préféré insister sur les changements de politique opérés entre 2011 et 2017. “Facebook était une entreprise très différente alors et nous avons désormais grandi et réalisé comment nos responsabilités se sont accrues”, écrit le réseau social dans son communiqué. Une forme de mea culpa un peu bizarre, qui vient finalement confirmer les dires du cadre repenti, même si la plateforme de Mark Zuckerberg assure“vouloir réduire sa rentabilité pour s’assurer que les bons investissements sont faits.”
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“Exploiter une vulnérabilité” de la psyché humaine
Début novembre, c’était Sean Parker lui-même – ancien président de Facebook, incarné par Justin Timberlake dans The Social Network – qui se fendait d’une confession publique glaçante : l’ex-patron décrivait la plateforme comme “une boucle de retour de validation sociale… Exactement le genre de chose qu’un hacker comme [lui] imaginerait, car c’est exploiter une vulnérabilité dans la psychologie humaine”.
Évoquant également la dopamine comme clé de voûte du cycle de l’attention et des récompenses au cœur de l’architecture de Facebook, Parker expliquait que la réflexion – tout à fait consciente et préméditée, selon lui – des fondateurs du réseau, lors de sa création, était la suivante : “Comment consumer autant de votre temps et de votre attention que possible ?” Et de conclure cette interview fascinante par une sinistre interrogation : “Dieu seul sait ce que cela a comme effet sur les cerveaux de nos enfants.”
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Entre ses anciens employés repentis, la presse spécialisée qui acte la fin de sa lune de miel avec la technologie et les soupçons de manipulation de l’information par la Russie qui pèsent sur lui, Facebook a perdu une partie de son lustre aux yeux de ses 2 milliards d’utilisateurs. Ces derniers perçoivent de plus en plus le réseau social comme un outil aux effets secondaires inquiétants et s’interrogent sur leur rapport de dépendance vis-à-vis de leur activité en ligne. Facebook a désormais 13 ans, mais ce sont ses employés et ses utilisateurs qui entament leur crise d’adolescence.
Article mis à jour le 13 décembre.