De Kevin Razy à Monsieur Fraize en passant Camille Lellouche et bien d’autres, voici les artistes et les pièces qui nous ont plu.
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Satirique et provoc : Océanerosemarie s’en prend aux bobos
L’humoriste nous propose une critique à la fois acerbe, percutante et pleine de tendresse de ceux qu’elle nomme les BBB (“bons, blancs, bobos”). Ses portraits visent plus particulièrement les bobos parisiens et leurs vies remplies de paradoxes. Ils boivent des verres de vin blanc place des Abbesses en refaisant le monde, et finissent par aller s’installer dans un loft à Montreuil pour prendre une bonne dose de mixité sociale.
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Océanerosemarie se met à la perfection dans la peau de clichés vivants, du graphiste barbu aux membres d’une famille qui passe tous ses étés à l’île d’Yeu ou à Belle-Île. Un portrait au vitriol des millennials et trentenaires (parisiens), parfois déçus par la gauche, qui tentent de se donner bonne conscience tout en voulant garder leurs privilèges. Ça fait rire jaune et donne à réfléchir.
Elle assume faire partie de cette “communauté”, même si son homosexualité la fait se sentir parfois à part. Grâce à ces personnages stéréotypés mais fins et étonnamment crédibles, on rigole et on s’interroge sur nos conditionnements.
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Océanerosemarie joue Chatons violents tous les dimanches au Théâtre des Béliers parisiens, à 19 heures 30, jusqu’au 17 décembre. 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 18e.
Mon Olympe : comédie féministe engagée
Pourquoi le féminisme est-il devenu pour certains un gros mot ? Cinq étudiantes qui se réunissent chaque jeudi dans un parc s’interrogent. D’abord assez caricaturales, leurs personnalités et leurs réflexions se font plus complexes au fil des minutes. Les données sur les inégalités, les discriminations et sur le harcèlement sont toujours bonnes à répéter mais elles sont ici entrecoupées d’interrogations plus originales : peut-on réfuter l’héritage féministe ? Y a-t-il de bons et de mauvais combats féministes ? Comment ne pas être une caricature de soi-même ? Les débats font la part belle à l’autodérision et le quintette déborde d’énergie et de volonté. Olympe de Gouges disait : “Femme réveille-toi !” Ce spectacle montrerait plutôt aux femmes qu’il ne faut pas s’endormir.
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Mon Olympe, jusqu’au 3 décembre au Théâtre Douze, 6 avenue Maurice-Ravel, Paris 12e. Du mardi au samedi à 20 h 30 et le dimanche à 15 h 30.
Monsieur Fraize : irrésistible magicien du malaise
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Pendant cette performance perchée, cet artiste de l’absurde réussit la prouesse de déclencher un rire continu chez les spectateurs, dont les réactions frôlent même parfois l’hystérie, avec très peu de mots, tant son corps et son visage sont expressifs. Il incarne un personnage plein de contrastes, d’automatismes et de fantaisie, qui touche bien souvent à l’enfance et à ses moments où l’on se raconte des petites histoires sans queue ni tête, qui deviennent de plus en plus folles…
Monsieur Fraize tente de nous mettre mal à l’aise, à coups de longs silences, de mimiques irrésistibles, de déclarations loufoques. Sa prestation est originale, intelligente et même émouvante. Si une critique de la société se cache aussi derrière ces situations où le comédien fantasme, par exemple, sur un catalogue de supermarché, sa sensibilité nous touche et le côté loufoque des situations déclenche à coup sûr l’hilarité. Un spectacle singulier mené par un artiste virtuose. Bref, un génie de la gêne.
Monsieur Fraize se produit jusqu’au 28 décembre chaque jeudi à 20 heures au Théâtre des Feux de la rampe, 39 rue Richer, Paris 9e. Le comédien est aussi doué sur les planches qu’au cinéma, on l’a vu dans Problemos d’Éric Judor et il sera dans le prochain film de Quentin Dupieux avec Benoît Poelvoorde et Grégoire Ludig.
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Camille Lellouche se déchaîne dans un one-woman-show rythmé
Après s’être fait connaître par ses vidéos hilarantes où elle se met en scène face cam’, Camille Lellouche montre son talent de caméléon sur scène. Une heure trente de show, de chants et de caricatures, où la générosité de son jeu impressionne. Son énergie est plus que communicative. Beaucoup d’émotions peuvent traverser son visage en quelques secondes. Ses mimiques à la Jim Carrey nous font presque croire que ses mâchoires vont se décrocher. Elle a la vitalité d’une Florence Foresti, mais nouvelle génération. Les interactions avec la salle rythment le spectacle. Presque meilleure en impro que dans les moments écrits, la jeune femme joue avec le public et use d’une repartie à toute épreuve. Camille, en vrai, est totalement barrée et c’est ça qu’on aime !
En tournée dans toute la France, à partir du 3 décembre. Le spectacle est prolongé à la Gaité Montparnasse jusqu’au 2 avril.
Sugar Sammy ou l’irrévérence au service du rire
Humoriste célèbre au Canada, Sugar Sammy a pris le risque de repartir à zéro sur les planches françaises et c’est une belle réussite. Très inspiré par le stand-up à l’américaine, il débarque sur scène avec une aisance et un franc-parler dévastateur. Provocateur et charismatique, il tape sur tout le monde dès les premières minutes de son spectacle : quelle que soit votre appartenance sexuelle, communautaire ou votre profession, vous allez à la fois rire et grincer des dents. Conscient de créer un délicieux malaise, il propose des blagues “à emporter chez soi, et à ouvrir quand personne d’autre ne pourra vous reprocher d’en rire”. À l’aise dans l’art de l’improvisation, il interagit beaucoup avec son public, ce qui nous offre un spectacle sur mesure pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Sugar Sammy joue son spectacle du jeudi au samedi jusqu’au 31 décembre prochain à l’Alhambra, 21 rue Yves-Toudic, Paris 10e.
D’Internet aux planches, l’hilarant Kevin Razy
Si vous le connaissiez principalement sur Internet et notamment à travers ses vidéos pour Studio Bagel et Canal+, vous serez surpris de voir à quel point Kevin Razy est encore plus drôle sur scène qu’à travers le petit écran. Il nous livre un vrai show, particulièrement travaillé : mise en scène, sons et lumières sont utilisés au service de son propos. S’il sait parler de thématiques légères et déclencher un rire quasi systématique, il prend aussi le risque d’être plus engagé en parlant des attentats, du G20 ou encore du sort de l’Afrique. Des sujets sensibles, compliqués à aborder, qu’il traite pourtant avec délicatesse, intelligence et finesse. Une belle surprise qui nous a fait rire et réfléchir.
Kevin Razy sera sur la scène du Grand Point-Virgule (Paris 15e) jusqu’au 6 janvier 2018 sur celle du Trianon (Paris 18e) le 3 mars prochain. Il est également de retour sur Canal+ depuis le 20 novembre avec son programme Rendez-vous.
Le stand-up 3.0 : le charisme de Vérino
Si aujourd’hui des humoristes se font connaître grâce à Internet, Internet peut aussi venir sur scène. C’est le pari fou que s’est lancé Vérino, qui ouvre son spectacle en faisant des vannes sur Twitter et qui le clôture en effectuant chaque vendredi sur scène un sketch inédit diffusé en simultané sur Facebook. Hormis son habile maîtrise des codes du Web, Vérino est hilarant. S’il provoque le rire, c’est rarement aux dépens des autres, car la première personne dont il se moque, c’est lui-même. Il parvient à créer un climat intimiste au sein d’une salle comble : nous n’avons plus l’impression d’être au spectacle mais de passer un moment avec notre vieux pote. De la découverte de la parentalité au féminisme en passant par ses galères sur scène, il nous parle de sa vie avec simplicité et c’est tordant.
Vérino se produit du mardi au samedi au Grand Point-Virgule (Paris 15e) jusqu’au 6 janvier. Il montera sur la scène du Théâtre Antoine (Paris 10e) le 8 mars prochain.
Kheiron, quand l’improvisation devient un art
À peine entré sur scène, Kheiron propose deux options à son public : soit il joue un spectacle déjà écrit, soit il improvise et s’engage à provoquer un rire toutes les trois secondes. Si les spectateurs optent pour la seconde option, on observe un Kheiron dans toute l’étendue de son art. Maître de la repartie et de la punchline acide, il dialogue avec son public, rebondit, se moque et parvient à engendrer l’hilarité générale.
Prenant le risque de composer un spectacle sur mesure chaque soir, il offre à ses spectateurs un moment unique. Pour ceux qui n’aimeraient pas être pris à partie par l’humoriste, pas de panique ! L’artiste propose tout simplement à ceux qui veulent être tranquilles de lui signaler au début du spectacle. Ayant à cœur de faire vivre une véritable expérience à ses spectateurs, Kheiron offre aussi la possibilité de revenir gratuitement à tous ceux qui ont acheté une place. Un artiste généreux, innovant et évidemment très drôle.
60 minutes avec Kheiron, jusqu’au 30 décembre à L’Européen, 5 rue Biot, Paris 17e.
Arturo Brachetti, ou la magie de la transformation
Arturo Brachetti est toujours le maître du “quick change”. À 60 ans passés, il continue ses métamorphoses express, passant de Walter White à Wonder Woman puis à l’un des membres des Ghostbusters en quelques battements de paupières. On en vient à se demander s’il n’a pas une armada d’assistants invisibles ou un frère jumeau qui prend le relais lorsqu’il passe derrière un décor. Mais le transformiste est un artiste complet. Avec ses presque quarante années de carrière en bagage, l’Italien use d’une large palette de formes d’expression pour nous transporter dans son univers unique et onirique, avec force lumières et bruitages sonores : ombres chinoises, dessins sur sable, mime… Arturo Brachetti maîtrise ses outils à la perfection.
La frontière du mauvais goût est quelquefois légèrement franchie, mais l’ingéniosité des costumes ainsi que la fraîcheur de l’artiste compensent largement. Mention spéciale à “Fairy Tales”, un numéro où il incarne, entre autres, le loup et le Chaperon rouge (en même temps !), Blanche-Neige, Peter Pan (dont l’ombre va prendre vie et ne le lâchera plus du spectacle), Aladdin sur son tapis volant, sans oublier Anna et Elsa de La Reine des neiges… Les différents tableaux se succèdent pendant une heure et demie, nous laissant avec l’inéluctable question : mais comment fait-il ?
Solo, d’Arturo Brachetti, jusqu’au 10 décembre, au 13eme Art (Paris 13e), et en tournée en France en janvier.
Laura Domenge et sa galerie de femmes imparfaites
Laura, 30 ans, pas de permis, pas de mec et pas d’enfants, nous dévoile la condition périlleuse dans laquelle peut se trouver une femme en quête d’identité. Parfaitement à l’aise sur scène et avec un ton déculpabilisant, elle incarne la femme imparfaite par excellence, coincée quelque part entre une fille et une femme. Elle imite aussi avec brio toutes sortes de personnages, de la baby-sitter racaille au sexagénaire sur Tinder qui fait de la zumba, en passant même par un chaton en crise d’ado. Un spectacle à l’’humour cinglant, qui traite la femme telle qu’elle a envie d’être : drôle, vraie et sans prise de tête.
Laura Domenge joue PasSages au Lucernaire, 53 Rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e. Jusqu’au 7 janvier, les vendredis et samedis à 21 h 30 et le dimanche à 19 heures.
Article rédigé par Camille Abbey, Jessica Binois, Juliette Colin et Lisa Miquet