Une enquête filmée en caméra cachée par deux ONG met en évidence le manque de réglementation européenne sur le transport d’animaux par voie maritime, voire l’illégalité complète de certaines pratiques.
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Chaque année, l’Union européenne (UE) exporte à travers la Méditerranée près de 3 millions de bovins et d’ovins vers la Turquie, le Moyen-Orient ou l’Afrique. Avec la vidéo “Transport d’animaux : le cauchemar en mer”, la branche française de l’ONG Compassion in World Farming (CIWF), dédiée au bien-être des animaux, relaie ce jeudi 17 août les images issues d’une enquête menée par les associations allemande et suisse The Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich sur le transport maritime de ces bêtes.
Lors de cette enquête menée entre 2014 et 2017, neuf navires bétaillers (c’est-à-dire transportant du bétail) ont été inspectés par les ONG. Sur les quatre bâtiments agréés par la France (troisième pays exportateur européen de bétail en dehors de l’Union européenne), trois figuraient sur la liste noire désignant les pays où la législation est peu contraignante.
L’ONG note que 54 % des bétaillers qui traversent chaque année la Méditerranée sont classés sur la liste noire. Il s’agit en fait de car-ferries ou de cargos “transformés” en bétaillers et donc non adaptés au transport des animaux, qui vivent un véritable enfer.
Des animaux malades, blessés, morts et jetés par-dessus bord
Les images montrent des animaux en grande souffrance, évoluant des jours durant dans des conditions sanitaires déplorables. Alors qu’ils ont déjà éprouvé un long transport par voie terrestre en camion, ils se retrouvent confinés sur ces cargos 5 à 10 jours, parfois jusqu’à deux semaines. La ventilation y est défaillante, les enclos surchargés, la litière insuffisante, les animaux contraints de restés en position debout. Ils se blessent, saignent ou présentent des marques évidentes de mauvaise santé (notons que ces animaux sont destinés ensuite à être mangés…).
Les plus faibles meurent et sont alors jetés par-dessus bord, éventrés pour couler plus vite. Leur plaque d’immatriculation leur est retirée, afin que leurs cadavres ne soient pas traçables au cas où il s’échoueraient sur les côtes. L’ONG estime que 24 000 animaux ont ainsi péri dans la mer Méditerranée entre 2013 et 2016 alors que ces pratiques sont bien entendues illégales, ne serait-ce que pour des raisons sanitaires.
Une législation non appliquée
Cette enquête souhaite dénoncer la souffrance inévitable liée à l’exportation d’animaux vivants pratiquée par l’Union européenne et dont les conditions en mer sont peu connues du public. Elle fait état d’une réglementation insuffisante et trop souvent violée. Le règlement européen de 2005 relatif à la protection des animaux pendant le transport stipule pourtant que “nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles”.
Interrogée par Le Monde, Agathe Gignoux en charge des affaires publiques à CIWF France, note une tendance à la surproduction de l’Union européenne, toujours à la conquête de nouveaux marchés :
“Les États européens favorisent ces échanges, en raison d’une forte tendance à la surproduction et une pression de l’industrie à trouver toujours plus de nouveaux marchés hors Europe”.
Une politique du toujours plus qui tend à faire des animaux des marchandises. Et ce, sans que l’Union européenne n’assume ses responsabilités lorsque des dérives sont pointées du doigt, comme c’est le cas dans cette enquête.
“Ni la Commission européenne ni les États membres n’interviennent. À partir du moment où ces animaux ne finissent pas dans nos assiettes, leur sort ne nous intéresse pas”, dénonce-t-elle dans les colonnes du quotidien.
In fine, l’association encourage tout bonnement les citoyens à signer une pétition pour exiger la fin des exportations d’animaux vivants hors de l’UE.