Alors que le froid fait son grand retour, nous avons rencontré Louis-Xavier Leca, fondateur du mouvement “Le Carillon”, et les commerçants parisiens qui l’accompagnent pour améliorer le quotidien des plus démunis.
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Tout a commencé “en bas de chez lui”, dans son 11e arrondissement natal. Après avoir sillonné le monde et empoché un master de gestion de projet, Louis-Xavier Leca a rejoint pendant deux ans une ONG au Sénégal. Et puis, l’envie de rentrer en France et de travailler selon une approche locale, avec des impacts plus tangibles, lui est venue.
Dans ce quartier de l’Est parisien, Louis-Xavier a toujours remarqué une vraie solidarité et, tristement, un grand nombre de sans-abri. Ces éléments réunis constituaient, pour lui, un terreau d’expérimentation fertile. Il a d’abord démarché les commerçants de son quartier pour voir ce qu’ils étaient prêts à offrir ainsi que leur ressenti par rapport au projet de solidarité avec les plus démunis qu’il leur proposait.
À travers le réseaux de commerçants qu’il côtoyait au quotidien depuis son plus jeune âge, Louis-Xavier a pu démarrer la machine. Le premier commerçant à avoir accroché, c’est Charly, le poissonnier de la rue Oberkampf, la star du quartier, qui a ainsi lancé le mouvement “Le Carillon”, le 24 novembre dernier.
Comme une traînée de poudre, le projet a séduit de nombreux commerçants du coin. Ils sont aujourd’hui plus d’une vingtaine à afficher la vignette sur leur vitrine. Car Le Carillon marque son territoire à l’aide de stickers qui, bien en évidence, dressent la liste des services entièrement gratuits que ces commerçants proposent aux sans-abris. Ainsi, ils sauront où recharger leur téléphone mobile, boire un verre d’eau ou un café, se soigner, ou encore utiliser les toilettes.
Un “beau projet”, pour les commerçants du 11e arrondissement
Zoé, vendeuse chez Zingam, une épicerie de quartier à l’ancienne, est ravie de faire partie intégrante de ce “beau projet”. Pour elle, “c’est important d’inclure ces personnes marginalisées, et ça ne [la] dérange pas de les recevoir, bien au contraire”.
Zingam a choisi de proposer quatre services, illustrés par quatre stickers bien distincts et visibles à l’entrée du magasin. Ainsi les sans-abri peuvent recharger leur téléphone portable, utiliser la trousse de secours mise à disposition, demander des verres d’eau, et appeler les urgences. À ce jour, “personne n’est venu”, raconte Zoé, qui précise toutefois que la boutique n’adhère à ce projet “que depuis six semaines”.
Un peu plus haut, le café-atelier La Trockette a lui aussi rejoint le mouvement. Dimitri, responsable administratif de l’association de quartier La Petite Roquette, gère ce “lieu de passage et d’échange”. Dans ce troquet où le café est à prix libre, la formule Carillon propose un verre d’eau, la possibilité de recharger son téléphone ainsi qu’un accès aux toilettes. L’idée serait de proposer ensuite plus de services, petit à petit.
L’association, vieille d’une décennie et bien connue par les SDF du secteur, proposait déjà ces services avant l’intervention du “Carillon”. Dimitri, lui, est incertain sur le nombre de SDF que ce projet a pu drainer :
“C’est impossible de quantifier l’avant de l’après Carillon. On ne demande pas aux personnes d’où elles viennent ni qui elles sont. Elles franchissent simplement le pas de notre porte. C’est donc difficile d’évaluer l’impact que ça peut avoir, puisque ce lieu, par définition, est un lieu de passage et d’échange.
On fournissait déjà l’accès à l’électricité, avec des prises au mur, la possibilité d’aller aux toilettes et le café à prix libre. De base, on a une clientèle de gens habitués ou de personnes qui font la manche et qui viennent le midi.”
Louis-Xavier, à l’origine du projet, “attend que le bouche à oreille se fasse et que des relations humaines se créent”, car il y a une crainte, voire une réticence, du côté des sans-abri. À ce jour, ce sont surtout les partenariats avec Action sociale, ces maraudeurs qui suivent les SDF au quotidien, qui importent. Et ce sont ces mêmes maraudeurs qui se chargent de sensibiliser ces personnes marginalisées à l’approche du Carillon, ainsi que de distribuer la liste des commerçants solidaires.
Le bouche à oreille a rapidement dépassé les frontières du 11e arrondissement. En à peine deux mois, des habitants de plus de 130 agglomérations différentes ont contacté l’association. Mais jusque mi-juin, Louis-Xavier Leca préfère se cantonner à une échelle micro-locale et continuer d’œuvrer dans son quartier.
Au mois de février, il compte y tester un autre volet : inciter les particuliers à s’engager. Le Carillon veut proposer aux habitants du quartier de devenir membres du réseau, en s’acquittant de petites cotisations mensuelles (2 à 3 euros) afin de créer un système de “crédit solidaire”, selon Louis-Xavier.
Les particuliers se verront remettre une carte de membre qui fera aussi office de carte de “fidélité”. Cette dernière leur permettra d’offrir des services gratuits aux SDF après avoir accumulé un certain nombre de points auprès des commerces estampillés “Le Carillon”.