Des journaux du monde entier ont consacré leur Une à la tuerie d’Orlando. Certaines le font avec colère, d’autres avec tristesse, hébétude, bienveillance…
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Au moins 50 morts et 53 blessés. Le traumatisme à la suite du plus lourd bilan jamais connu aux Etats-Unis lors d’une attaque terroriste fait la Une de la presse du monde entier ce matin. Alors que l’onde de choc s’est répercutée tout le weekend, on note de subtiles différences de traitement d’un journal à l’autre.
On ne s’étonne guère que les premières pages les plus fortes proviennent de la presse américaine ce matin. On commence tout d’abord par la belle Une du Orlando Sentinel, journal local, qui titre “Notre communauté cicatrisera”. En photo : deux personnes, des larmes, une étreinte et des bougies. D’une grande simplicité, elle montre la douleur, mais aussi le recueillement et l’amour.
“Que notre communauté se définisse par une réponse nette et précise : nous sommes unis”, écrit John Cutter, directeur de la rédaction de l’Orlando Sentinel.
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Ce cliché sera repris par USA Today qui titre en un mot, un seul : “Massacre”, comme si les mots manquaient au lendemain d’un tel acte de barbarie.
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On note également la Une remarquable du Tampa Bay Times, journal de Floride, qui placarde une rose multicolore en Une au-dessus du titre “Il n’y a pas de mots”.
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Une photo phare
Dans de nombreux autres journaux, le choc, l’affliction, voire l’hébétude sont illustrés bien souvent par la même photo : un cliché de Steve Nesius, photographe pour Reuters. Le voici :
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Avec sa composition digne d’un tableau et sa pureté dans l’émotion, de nombreuses rédactions ont choisi cette image, sans doute afin de montrer la douleur des proches des victimes plutôt que de douloureuses images de la tuerie. Elle fait écho à la photo de cette femme, hébétée dans son drap de survie, qui était rapidement devenue le symbole du martyr des Japonais au lendemain du tsunami dévastant l’archipel en 2011.
Dans un article qui porte sur le pourquoi de cette photo, Télérama écrit : “Le choix de la compassion […] tient également à la volonté des médias de rendre supportable la vision d’une situation dramatique, de jouer sur l’empathie des lecteurs vis-à-vis des victimes, de véhiculer l’émotion dont les journalistes sont les témoins et qu’ils partagent”.
Quoi qu’il en soit, dans les journaux outre-Atlantique, à la tristesse succède parfois la colère comme en Une du Daily News. Le quotidien américain n’hésite pas à accuser, d’un très acide “Thanks NRA” sur fond noir. Il incrimine de la sorte le lobby pro-armes américain, qui bloque l’interdiction de vendre des fusils d’assaut du type de celui qui a servi à Omar Mateen pour perpétrer son massacre.
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Ailleurs dans le monde
En Angleterre, le puissant tabloïd The Sun évoque le terrorisme qui a frappé la capitale française le 13 novembre et titre : “Le Bataclan américain”, placardant le sinistre “mug shot” (photo formelle d’un prisonnier américain) de Mateen en haut de page. The Guardian, lui, reste très sobre avec le laconique “Massacre à Orlando”.
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En Espagne, la Une la plus choc est sans doute celle de l’espagnol ABC, tout en décalage, qui montre un selfie d’Omar Mateen où il fait la moue, comme n’importe quel adolescent le ferait avant de poster une mise en scène de soi sur un réseau social quelconque. C’est la photo que choisit également The Times, outre-Manche, pour illustrer le titre “Il prête allégeance à Daech et abat 50 personnes”.
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Le martyr de la communauté LGBT
Au-delà du nombre vertigineux de victimes ou de l’évocation d’attentats du passé, plusieurs journaux décident d’aborder de front la question de l’identité des victimes : la communauté LGBT. Au Royaume-Uni, The Independent titre ainsi “Massacrés à cause de leur sexualité” et désigne nettement le mobile du carnage à ses lecteurs.
Il n’est pas seul. Le Daily Telegraph proclame “L’EI poursuit sa guerre contre les gays en Occident”, même s’il consacre une grade partie de sa première page au jubilé de la reine d’Angleterre, photo de Une comprise. En Italie, on lit en première page du Corriere de la Sierra “Terreur dans la communauté gay”.
Ara, journal catalanophone espagnol, se présente en kiosques ce matin avec une image suggérant le deuil de la communauté LGBT, préférant un ruban noir sur fond de drapeau gay à une image de proches de victimes éplorées, comme en réponse à de nombreux journaux du monde entier.
En France, le caractère homophobe de l’attaque à demi-mot
En France, de nombreux journaux titrent eux aussi sur l’hécatombe en Floride. Or plusieurs voix reprochent déjà à la presse française d’avoir contourné le caractère violemment homophobe de la tuerie, pourtant indéniable. “Orlando, nouvelle plaie béante” titre timidement Libé ce lundi matin. Plus formellement, on peut lire “Attentat islamiste à Orlando : ‘la terreur et la haine'” dans Le Figaro ou “Nuit d’horreur en Floride” dans Le Parisien.
Peu de Unes rappellent donc ce matin que le massacre était dirigé à l’encontre de la communauté gay. On note celle de Ouest France avec en Une le cliché de trois personnes littéralement effondrées, surmonté du titre “Un massacre homophobe lié à Daech”. C’est à notre connaissance la seule première page d’un quotidien français où est nommé le mobile anti-LGBT du bain de sang.
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C’est peu ou prou la même chose sur les ondes et dans une chronique pour Arrêts sur images, Daniel Schneidermann fustige les matinales radios pour avoir évité le sujet, hormis sur le plateau de France Culture où le psychanalyste Serge Hefez et le militant anti-discriminations Louis-Georges Tin s’attardent “sur les racines de l’homophobie”.