La justice américaine vient de rendre publics des courriers internes de Monsanto prouvant que la firme avait connaissance du potentiel cancérogène et mutagène du glyphosate, la substance contenue dans le Roundup depuis 1999.
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On ne présente plus le glyphosate, l’herbicide produit par Monsanto à partir de 1974 sous la marque Roundup et tombé dans le domaine public en 2000. Le produit est classé depuis le 20 mars 2015 comme cancérogène “probable” par le Centre international de recherche sur le cancer. Ce que la firme américaine s’évertue à contester depuis des années à coup d’études, d’expertises et de contre-expertises entachées par un soupçon de connivence entre le géant de l’agrochimie et des auteurs soi-disant indépendants voire l’Agence de protection de l’environnement (EPA) elle-même.
Mais Monsanto viendrait peut-être, enfin, d’être pris la main dans le sac. Le New York Times rapporte en effet un nouvel élément de taille : les “Monsanto Papers”, soit la déclassification par la justice américaine de 250 pages de correspondance interne à l’entreprise de Saint-Louis, prouvant explicitement qu’elle était au courant de la toxicité du glyphosate, la molécule désherbante la plus utilisée à travers le monde.
Une substance génotoxique
La correspondance, datée de 1999 et mise à jour par la justice américaine, montre qu’à l’époque, Monsanto souhaitait prouver l’innocuité de son produit par une étude fiable et incontestable. Elle avait alors fait appel à James Parry, un scientifique spécialisé en génotoxicité, professeur à l’université de Swansea (pays de Galles). Sauf qu’au lieu d’aller dans le sens de Monsanto, les conclusions du chercheur furent au contraire accablantes : “Je conclus que le glyphosate est un clastogène potentiel in vitro“, c’est-à-dire un mutagène capable de casser l’ADN et d’induire des aberrations chromosomiques. Autrement dit que le glysphosate porte en lui des agents capables de modifier le génome humain et d’induire des cancers. C’est pourquoi il avait alors suggéré d’approfondir les recherches en ce sens.
Mais les conclusions n’étant pas au goût des cadres de l’entreprise, qui se disent “déçus“, le rapport est enterré. Dans les correspondances entre les toxicologues de Monsanto rapportées par Le Monde, on peut par exemple lire : “Parry n’est pas la personne qu’il nous faut et cela prendrait pas mal de temps, de dollars et d’études pour l’amener à l’être […] Nous n’allons simplement pas conduire les études qu’il suggère.” Depuis, la firme aurait visiblement amélioré son casting de “chercheurs” et “scientifiques” “indépendants” pour rendre des rapports allant dans son sens.
Monsanto continue de nier et conteste les conclusions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui qualifient le glyphosate de substance cancérigène probable pour l’homme. Par ailleurs, la firme qui a été racheté en septembre dernier par les laboratoires pharmaceutiques Bayer pour près de 60 milliards d’euros a sûrement de quoi se payer de bons avocats, et de multiples experts alliés à sa cause.