L’institution texane s’est pliée malgré elle à la nouvelle loi adoptée par les parlementaires locaux, qui autorise le port d’arme dans l’établissement.
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“Sortez vos manuels, taisez-vous et rangez vos 9 mm, le cours va commencer” : contre son gré, l’université du Texas à Austin vient d’autoriser ses étudiants à porter une arme jusque dans les salles de classe. Une décision prise à contrecœur pour se conformer à la nouvelle loi, promulguée par les parlementaires texans l’été dernier, qui revient sur l’interdiction du port d’arme dans les établissements scolaires publics.
En vertu du nouveau texte, qui porte l’empreinte des lobbies pro-armes américains, les étudiants de plus de 21 ans et les professeurs pourront librement porter leur arme de poing dans les universités publiques à partir du 1er août 2016, pourvu qu’ils possèdent un permis de port d’arme et que celle-ci soit dissimulée aux regards. Les établissements privés conserveront quant à eux le contrôle de leur politique.
“J’ai pour obligation de faire appliquer la loi”
Les protestations du corps administratif, d’une partie du corps enseignant et de milliers d’étudiants des universités texanes, qui s’armaient de sextoys en novembre pour exprimer leur opposition à la loi, n’auront donc rien changé. Pourtant, cinquante ans jour pour jour avant la mise en application de la future loi, le 1er août 1966, Charles Joseph Whitman ouvrait le feu dans cette même université du Texas, tuant 16 personnes et en blessant 30 autres. Président de cet établissement de 51 000 élèves, Gregory Fenves s’est fendu d’une lettre ouverte dans laquelle il regrette publiquement l’application de cette nouvelle politique :
“Je ne crois pas que les armes de poing aient leur place sur un campus universitaire, raison pour laquelle cette décision a été le plus grand défi de ma présidence à ce jour. Je compatis avec les nombreux membres de la faculté et du personnel, les étudiants et les parents d’élèves qui ont signé des pétitions, envoyé des courriels et des lettres et se sont organisés pour débarrasser le campus et les salles de classe des armes à feu.
En tant que professeur, je comprends les inquiétudes profondes soulevées par tant d’entre eux. Néanmoins, en tant que président, j’ai pour obligation de faire appliquer la loi.”
Depuis la promulgation du texte de loi, le président Fenves avait mis en place un groupe de travail pour tenter de bouter les armes hors des salles de classe tout en respectant la loi… avant de s’avouer vaincu face aux législateurs. De l’autre côté, l’association étudiante pro-arme Students for Concealed Carry a menacé de porter plainte contre l’université. Motif ? Selon elle, le dispositif qui oblige les détenteurs d’armes semi-automatiques à les porter sans avoir de balle enclenchée dans la chambre de tir est contraire à la loi promulguée.
Deux visions de la légalité, en somme. De même, n’en déplaise aux individus armés, les flingues resteront interdits dans les dortoirs, les laboratoires, les cafétérias et durant les audiences disciplinaires (sait-on jamais, un pétage de plomb est vite arrivé).
En 2015, 13 000 tués aux États-Unis, 6 soldats morts en Irak
Environ 5 % des Texans de plus de 21 ans portent légalement une arme enregistrée, rapporte le New York Times. Problème : la loi interdit à l’établissement de demander leur permis à ses étudiants ou à son personnel. Impossible donc de connaître le nombre de porteurs d’armes sur le campus. S’il n’existe aucun chiffre officiel (et c’est aberrant), on estime que 300 millions d’armes circulent aux États-Unis, et qu’environ un Américain sur trois en possède une, au nom du sacré second amendement de la Constitution.
Depuis la tuerie de Columbine en 1999, les États-Unis ont connu 270 fusillades dans des écoles secondaires ou des universités, dont 64 pour la seule année 2015, selon les chiffres d’ABC et de l’association Everytown for Gun reasearch. Ces fusillades auront emporté 141 personnes. Aux États-Unis en 2015, 13 390 personnes sont mortes sous les balles et 26 876 ont été blessées. À titre de comparaison, 4 500 soldats américains sont morts en Irak et 2 400 en Afghanistan… depuis 2003.
En juin, pourtant, le député républicain Jonathan Stickland, auteur de la nouvelle loi, soutenait mordicus qu’“une société armée est une société sûre, donc à chaque fois que les armes à feu sont contrôlées, il y a beaucoup plus de risques qu’il y ait des victimes”. Et beaucoup plus de chances de voir se multiplier les cicatrices sur les corps meurtris des Américains. N’en déplaise à Jesse Hughes, à ses potes libertaires, à Jeb Bush et aux grands humanistes de la NRA.