Dans un contexte de défiance grandissante du public vis-à-vis des médias généralistes, le youtubeur Usul opère une déconstruction salutaire de la grand-messe du vingt heures.
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Dans le jargon médiatique, le journal télévisé de vingt heures se fait appeler la “grand-messe”. Et si le parallèle liturgique tient avant tout au succès de la cérémonie, qui continue à fournir aux foyers français une dose d’informations nationales et internationales pour accompagner la blanquette de veau, il prend aussi tout son sens dans son aspect persuasif. Comme sa lointaine cousine religieuse, la cérémonie du journal télévisé suit une ligne idéologique, propre à chaque chaîne, qui se reflète dans le choix, l’ordre d’apparition et la longueur des sujets traités.
À l’heure où l’on entend à peu près tout et n’importe quoi sur “les médias” dans un contexte de lutte sociale et de violences policières, ceux-ci sont tour à tour désignés comme complices, manipulateurs, menteurs voire carrément propagandistes. La dernière vidéo du youtubeur vulgarisateur Usul, “Le Journaliste”, décortique le JT de 20 heures de David Pujadas, sur France 2 – service public, censé donc ne pas être touché par les éventuels conflits d’intérêts existant entre une rédaction et ses propriétaires –, pour rétablir un fond d’objectivité et de rigueur à la critique médiatique, aussi nécessaire qu’exigeante, du moins si l’on refuse de tomber dans la caricature.
Dans cette vidéo de cinquante minutes (ben oui, ça prend du temps d’être rigoureux), dernière de sa géniale série “Mes chers contemporains”, Usul rappelle quelques vérités utiles à toute tentative de critique des médias : la “vérité” et la “neutralité” journalistiques sont des chimères, la question du financement des chaînes d’information n’explique pas à elle seule les choix éditoriaux et la critique pure et simple du contenu médiatique ne mène à rien.
Un portrait complexe et contrasté du PAF
Usul décortique, ensuite, l’architecture d’une semaine (chargée) du journal de Pujadas pour identifier les mécanismes de traitement, selon les différents points de vue abordés, notamment lors des conflits sociaux antérieurs (syndicats, gouvernement, forces de l’ordre, parole citoyenne, sondages…), et les logiques émotionnelles (peur, tristesse, compassion, anxiété) qui composent le squelette du journal télévisé. L’objectif ? “Décrypter en tenant compte des logiques du travail journalistique” plutôt que de se borner à la critique qualitative de l’information produite.
On croise pèle-mêle les instituts d’audience, les gouvernements successifs de la Ve République, quelques scories de l’ORTF, les présentateurs-vedettes à travers les âges, les complotistes fraîchement rasés de la fachosphère, Acrimed, le country club des grands industriels français propriétaires de médias, les attentats de Bruxelles, la loi El Khomri et le réalisateur Pierre Carles. De quoi dresser un portrait complexe et contrasté du paysage médiatique français, entre enquêtes indépendantes et micro-trottoirs complaisants – tout dépend, au fond, de ce que l’on choisit de consommer comme information.
Le journal de France 2, dans tout ça ? “Plutôt intéressant, explique Usul, un brin taquin, car il nous renseigne très bien sur les préoccupations et l’opinion des journalistes dominants parisiens plutôt proches du pouvoir politique et économique… et c’est tout ce qu’il faut en attendre.” Pour finir, le youtubeur sur la nécessité urgente d’une presse plus indépendante, donc plus libre, d’autant plus nécessaire que la France recule régulièrement au classement annuel RSF de la liberté de la presse.