101 condamnations, aucune amende maximale
En neuf ans, 101 condamnations ont été prononcées, ainsi que 62 ordonnances pénales et 625 mesures alternatives aux poursuites, qui prennent généralement la forme de stages de citoyenneté, détaille NextInpact. Enfin, neuf pirates ont eu l’honneur d’être condamnés pour des délits de contrefaçon, dans des situations où la justice a pu prouver avec certitude que le suspect était au courant de la nature illégale du téléchargement.
Cependant, écrit NextINpact le 2 octobre, aucun chiffre n’avait encore été rendu public concernant le nombre d’amendes maximales de 1 500 euros infligées aux contrevenants. Réponse fournie par le site d’informations : aucune. Pas une seule fois un juge n’aura pris la décision de punir un pirate à hauteur de ce montant. Le site précise que des amendes de 1 000 euros ont été prononcées “quatre ou cinq fois seulement”, mais ont systématiquement été assorties d’une ristourne de quelques centaines d’euros. Plus intéressant encore, NextInpact estime le montant moyen des amendes à… 300 euros.
Quant à l’écart gigantesque entre le nombre d’avertissements et le nombre d’amendes, il ne signifie pas forcément une preuve d’incompétence ou d’inefficacité, rappelle NextINpact : d’un côté, la haute autorité s’est toujours targuée d’appliquer une approche pédagogique, basée sur l’avertissement plus que sur la sanction ; de l’autre, condamner tout le monde serait aussi le signe d’un échec.
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Vers une réforme en 2019
Chaque année depuis sa création, la Hadopi dispose d’un budget de fonctionnement de 9 millions d’euros, soit 80 millions depuis 2009. Un budget qui vient d’être reconduit dans le projet de loi de finances 2019, le 24 septembre, prélude à une grande réforme de l’institution, qui passera notamment par un changement de nom et un élargissement de son champ d’action. Jeudi, rappelle NextINpact, la députée LREM Aurore Bergé rendra son rapport sur l’audiovisuel, dans lequel elle devrait plaider pour un renforcement des pouvoirs de la Hadopi via un système appelé transaction pénale.
En cas d’infraction, le pirate aurait le choix entre payer une amende sur-le-champ ou renvoyer l’affaire devant le parquet, avec la possibilité d’être innocenté… ou de payer plus cher. Conformément à la loi, le montant de l’amende immédiate doit être équivalent au tiers de l’amende maximale infligée par le parquet, soit 500 euros.
Autre piste de réflexion, proposée par la ministre de la Culture Françoise Nyssen et bien plus contestée, la création d’une liste noire des sites de streaming, mise à jour en permanence pour y inclure les sites miroirs, et la possibilité de bloquer les sites incriminés sans avoir à passer par le juge – une indépendance que réclament à cor et à cri les membres de l’autorité dans leurs derniers rapports d’activité.
Filtrage, liste noire… de vieilles idées des gouvernements précédents, rappelait Numerama en avril, qui pourraient finalement être appliquées. En 2018, le dispositif de riposte graduée d’Hadopi se limite au peer-to-peer, comme si le monde du piratage n’avait pas évolué depuis Kazaa et eMule. Aujourd’hui, selon Françoise Nyssen, “le piratage se fait dans 80 % des cas en streaming ou en téléchargement direct”, un chiffre qui justifierait d’étoffer l’arsenal de sanctions.
Après avoir frôlé la disparition en 2016, Hadopi est donc toujours debout et devrait connaître une sacrée mise à jour en 2019. Pas sûr, néanmoins, que le renforcement de ses pouvoirs de sanction constitue la meilleure approche au problème du streaming illégal, sans même parler de la difficulté technique de mettre en place de tels systèmes sur un réseau décentralisé et transnational.
Au rythme où évoluent les techniques de téléchargement, la consommation illégale de biens culturels en ligne a très peu à craindre. Rappelons au passage pour Aurore Bergé, Françoise Nyssen et tous les gardes-chiourmes du Web que les “pirates” honnis sont également les plus gros consommateurs d’offres légales. À méditer.