Séquence hallucinante en “prime time” sur la première chaîne publique, entre remarques machistes à la pelle et ode à la virilité misogyne.
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Si vous étiez devant France 2 hier soir, vous avez fait partie des quelques millions de chanceux qui ont pu bénéficier d’un bon gros cours de sexisme bien lourd et gratos en “prime time”. Toute honte bue, la chaîne a diffusé, à la fin du JT de 20 heures de David Pujadas, un reportage de cinq minutes en immersion dans l’un des “stages virilistes” cathos qui fleurissent partout en France.
Pendant 4 jours, les participants, tous de pauvres hommes complètement perdus dans une société où le paritarisme tente tant bien que mal de se faire une place, y apprennent ce que c’est que d’être un mâle, un vrai. Au programme : pousser une voiture le plus fort possible en criant comme des bêtes, échanger sur la nature profonde de la virilité, assister à des conférences dignes des prêches les plus rétrogrades. Morceau choisi : “Dans presque toutes les sociétés, on attend de l’homme qu’il ait ce rôle de guide […] qu’il indique la route, la direction.” Bienvenue au Moyen Âge !
Forcément, les quelque 300 participants testostéronés sont conquis. Et ont tous leur petit avis sur le sujet : “L’homme va être plus dans la force brute, l’image de la maison c’est bien, l’homme va monter les murs, les trucs physiques, la femme va rendre ça beau et habitable.”
Et si vous vous posiez la question, le “mâle viril” qui tient ces propos n’est pas un vieux quinquagénaire réac, mais bien un petit jeunot de 20 ans, qui est venu chercher sa raison d’être avec papa et papi, en famille.
“Merci monsieur Pujadas”
Dès l’introduction de David Pujadas, le ton du reportage était de toute façon clairement annoncé :
“Le dossier de cette édition : ‘Faut-il réaffirmer la masculinité ?’ La question peut sembler artificielle, de fait, un demi-siècle après les années 1960 et la fin du patriarcat, beaucoup d’hommes seraient en proie à un doute existentiel, au point que des stages sont désormais proposés, on appelle ça le mouvement ‘viriliste’. Il a commencé aux États-Unis, une partie de l’Église lui donne aujourd’hui un écho : sport, conférences, retraites…”
Atterré par la misogynie de la séquence, Slate n’a pas manqué de faire remarquer que le patriarcat était toujours bien vivant en 2017, avant de dresser la longue liste des domaines où l’égalité femmes/hommes n’est encore qu’une lointaine utopie :
“Magnifique, merci monsieur Pujadas, on apprend donc que le patriarcat est mort. Fini les inégalités de salaire, les métiers féminisés moins payés, les 98 % d’assistantes maternelles et de secrétaires, le CAC 40 et sa presque totalité de dirigeants masculins, les femmes virées parce qu’elles ont osé avoir un enfant, les 95 % de femmes qui perdent leur emploi après avoir dénoncé du harcèlement sexuel, la répartition sexiste des tâches domestiques, les hommes qui prennent toute la couverture (80 %) sur les unes des magazines et des journaux, les publicités représentant des femmes-objets (coucou Yves-Saint-Laurent), les stéréotypes genrés à l’école et la parole davantage donnée en classe aux garçons, les femmes absentes des manuels scolaires, le harcèlement de rue, les infrastructures sportives conçues en majorité pour les hommes, les 25 % de femmes à l’Assemblée nationale, les 13 % de femmes maires…”
Du côté de France 2, on ne voit pas le problème. Interpellé sur Twitter, le rédacteur en chef adjoint de la chaîne s’est contenté de dire qu’ils avaient souhaité rendre compte d’une “réalité”. Sans filtre.
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Il n’aurait pourtant pas été si compliqué de venir apporter quelques points de contradiction à ces cinq minutes de discours d’un autre temps. Avec l’aide d’un-e sociologue calé-e sur la question des rapports femmes/hommes, par exemple ?