Selon une étude récente, les comptes Instagram qui font l’apologie du “fitspo”, censés motiver les internautes à faire du sport, sont plus destructeurs qu’autre chose.
À voir aussi sur Konbini
Le “fitspo” est partout. Ces photos de corps toniques, bronzés, athlétiques d’internautes obsédés par le fitness et prêts pour la plage fleurissent partout sur la Toile. Mais ce flot infini d’abdominaux, de petits culs musclés, de smoothies, de salades d’avocats et d’encouragements qui semblent promouvoir un mode de vie sain pourraient bien, ironiquement, aggraver des comportements autodestructeurs. C’est tout du moins ce que montre une étude récente qui se penche sur la relation perverse entre les réseaux sociaux et l’image du corps.
Pour cette étude intitulée “Mobile exercising and tweeting the pounds away“ – que l’on pourrait traduire par “faire du sport devant son portable et se débarrasser des kilos en trop sur Twitter” –, des chercheurs ont demandé à 262 participants de répondre à un questionnaire en ligne qui inclut des questions sur leurs activités physiques et leurs habitudes alimentaires, mais aussi sur leur utilisation des blog et réseaux sociaux comme Instagram.
L’étude montre qu’au lieu de nous encourager à partager nos performances sportives et nous pousser à nous fixer des objectifs, les contenus de type #fitspo augmentent nos chances de développer des troubles alimentaires ou des comportements compulsifs, comme des crises de boulimie. Les participants ont également admis qu’ils faisaient du sport pour “se sentir mieux dans [leur] peau”.
“De nombreux travaux publiés auparavant montrent en quoi les jeunes sont particulièrement vulnérables face à l’impact des réseaux sociaux sur l’image qu’ils ont de leur corps”, a expliqué dans un communiqué Veronica Hefner, l’une des auteurs de cette étude.
“Mais il semblerait d’après cette étude que le contenu ‘inspirant’ sur le fitness est tout particulièrement lié à des comportements risqués comme l’exercice compulsif et à des symptômes de trouble alimentaire, notamment chez les jeunes qui utilisent fréquemment des applications mobile.”
Il est important de se rappeler que ces résultats révèlent une corrélation (et montrent désormais un lien de cause à effet entre les troubles alimentaires et le contenu #fitspo). C’est quelque chose que vous devriez garder à l’esprit la prochaine fois que vous ferez défiler votre fil Instagram et que vous paniquerez parce que vous ne ressemblez pas à ces corps toniques qui polluent votre écran.
Ce n’est pas réel
Sur Instagram, le contenu #fitspo est une galerie de tablettes de chocolat, de cuisses fines et musclées, de ventres plats. C’est une industrie artisanale visuelle composée de photos de corps féminins sexualisés sans raison apparente, de plats “sains” et de mantras comme “la douleur est le nouveau truc sexy” et “la force est la nouvelle minceur“, souvent illustrés par des photos de leggings Nike qui mettent en valeur un thigh gap ou des compléments alimentaires pour perdre du poids.
Cette communauté balance des photos “avant et après” qui vous donnent l’impression que “si des étrangers sur Internet peuvent atteindre cet idéal, alors moi aussi !” et parsème le tout de messages qui donnent soi-disant confiance en soi. Elle se concentre très rarement sur les bénéfices intrinsèques de l’exercice physique comme l’endurance, les endorphines, la force. À la place, elle vous laisse suspendu au tonus de vos abdominaux, des vos bras et de vos jambes… la “preuve” que vous êtes en forme.
En fin de compte, la culture fitspo a déformé la manière dont nous percevons l’exercice physique. À l’époque des réseaux sociaux, on ne soulève ou pousse pas des poids pour brûler des calories, on le fait pour stimuler notre ego. Même les fringues de sport ont perdu leur fonction initiale : tout ce qui compte, c’est qu’elles soient assez bien pour faire un selfie, n’imaginez même pas faire du sport dedans.
Le danger de la quête d’approbation
Le terme “sain” est désormais chargé de sens : nous pensons pouvoir estimer si une personne est en bonne santé simplement en la regardant, donc l’expression “en bonne santé” est devenue un code pour dire “séduisant par convention”. Mais la manière dont nous falsifions la santé peut s’avérer dangereuse, vu le regard fétichiste que nous portons sur le corps à travers les réseaux sociaux.
Au mieux, le fitspo est un encouragement visuel à manger plus de chou kale et à aller à la salle de sport tous les lundis. Au pire, c’est un défilé addictif de photos qui développe la haine de soi ; une version légèrement voilée du #thinspo, qui fait la promotion de tendances obsessionnelles et d’idéaux physiques impossibles à atteindre, et qui nous prend au piège.
C’est trop facile de défendre le fitspo en disant qu’il encourage un mode de vie “normal” et “sain”. Après tout, les régimes et l’exercice physique, en soi, sont de bonnes choses, mais dans les faits, le résultat est rarement l’effet recherché. Plus que tout, le danger réside dans la recherche d’approbation : si on voit les autres s’engager dans les mêmes tendances obsessionnelles que nous, écouter les mêmes messages destructeurs et vénérer le même idéal inaccessible, on commence à penser que c’est “normal”. Prendre au pied de la lettre la définition de la santé selon le fitspo, c’est subir un lavage de cerveau qui vous pousse à penser qu’il faut ressembler aux filles sur ces comptes Instagram. C’est le conditionnement classique du 21e siècle, qui vous pousse à confondre bonne santé et “corps à bikini”.
La morale de l’histoire ? Prenez du recul par rapport à ces comptes #fitspo. Mieux encore, ne les suivez plus.
Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois